Produire de la viande bovine en limitant l’utilisation du soja importé
TNC le 13/12/2022 à 05:03
La production de bovin viande mobilise 6 % du tourteau de soja consommé par l'élevage français. Si cette proportion reste faible, le programme Cap Protéines, mis en place par les pouvoirs publics pour améliorer l'autonomie protéique française, a identifié des pistes d'amélioration, notamment sur l'engraissement des bovins.
Parmi les 3,8 Mt de tourteau de soja consommées chaque année en France, 3,5 Mt sont issues de l’importation. Le tourteau de soja est majoritairement utilisé pour l’élevage de ruminants (44 %), et notamment l’élevage laitier, premier consommateur après l’élevage de volailles. « Ce n’est pas la filière allaitante qui va régler le problème de l’importation du tourteau de soja, mais on a notre part » résume Marion Kentzel, à l’occasion du webinaire de restitution du projet Cap protéines pour le volet bovins viande.
Des systèmes herbagers plutôt autonomes
« L’autonomie en protéines, c’est la part de MAT produit par l’exploitation rapportée aux besoins en MAT du troupeau » poursuit l’animatrice de l’Institut de l’élevage. Ainsi, les fermes de références en élevage allaitant du réseau d’élevage Inosys affichent un taux d’autonomie protéique de 86 % de moyenne sur les trois dernières campagnes. 5 à 10 % des éleveurs allaitants parviennent même à atteindre l’autonomie totale. En comparaison, les ateliers laitiers présentent des niveaux d’autonomie protéique aux environs des 70 %, avec une forte variabilité selon les systèmes.
Cette autonomie relative de la production allaitante s’explique notamment par le recours à l’herbe. Le pâturage couvre 45 à 50 % des besoins du troupeau allaitant, avec 92 % d’herbe dans la composition de la ration des troupeaux chez les naisseurs, et 85 % chez les naisseurs engraisseurs.
Une situation dégradée pour les engraisseurs
Le principal levier permettant d’améliorer l’autonomie protéique de la filière viande semble résider en l’engraissement des animaux, qui requiert davantage de MAT pour proposer des performances intéressantes. Ainsi, les engraisseurs ont ainsi une autonomie protéique moyenne de 80 % (contre 88 % pour les naisseurs engraisseurs, et 91 % pour les naisseurs).
- Introduire de l’herbe dans une ration sèche
Globalement, l’ensilage de maïs est majoritaire pour l’engraissement des JB, en lait comme en viande. Les régimes à base d’herbe sont moins présents mais en développement. Pour Bertrand Deroche, qui a réalisé une synthèse de plusieurs essais sur l’autonomie protéique des rations de finition, « le premier levier à actionner, c’est l’incorporation d’herbe conservée »
Ainsi, introduire 30 % d’enrubannage de graminées (0,76 UFV à 12 % de MAT) permet de faire passer une ration sèche à un niveau d’autonomie protéique de 50 % à 80 % grâce aux protéines présentes dans le fourrage. Si l’herbe incorporée est de qualité (enrubannage de légumineuses 0,63 UFV et 18 % MAT), il est même possible de se passer de tourteaux pour un GMQ de 1 510 g/j.
- Introduire de l’herbe dans une ration ensilage de maïs
« L’herbe est également un bon levier pour réduire l’utilisation d’ensilage de maïs », ajoute Clément Fossaert, chargé d’études à l’Institut de l’élevage. Une ration d’engraissement à base d’ensilage, tourteaux et céréales affiche un niveau d’autonomie protéique de 50 %. Introduire 30 % d’ensilage de graminées (0,76 UFV à 12 % de MAT) permet d’améliorer le niveau d’autonomie protéique de 8 points, et ajouter de l’ensilage de légumineuses (0,63 UFV et 18 % MAT) permet d’atteindre les 85 %. « Avec de l’herbe, on peut économiser jusqu’à 30 % de tourteaux et avec des légumineuses jusqu’à 65 %, mais il faut réajuster la ration pour être à iso PDI et iso UF et ne pas dégrader les performances de croissances. On peut monter jusqu’à 30 % d’herbe dans la ration sans problème, mais il faut du fourrage de qualité, à 0,75 voire 0,80 UF par kilo de matière sèche et plus de 12 % de MAT », explique Clément Fossaert.
Il est également possible de remplacer l’intégralité du maïs ensilage par de l’ensilage d’herbe. « Avec 60 % d’ensilage d’herbe dans la ration, le niveau d’autonomie protéique est amélioré, mais pour diminuer la part de tourteaux, davantage de coproduits ont été apportés. La ration présente au final les mêmes niveaux de concentrés. » Sur une moyenne de dix essais, on observe cependant une dégradation du GMQ, passé de 1 600 avec la ration maïs ensilage, à 1 450 g avec la ration ensilage d’herbe. « Cette moyenne cache une assez forte hétérogénéité, avec des réponses très variables suivant la qualité de l’herbe. Engraisser avec de l’herbe, c’est possible mais il faut viser une bonne voire très bonne qualité de fourrage si l’on veut se passer totalement de l’ensilage de maïs », conclut Clément Fossaert.