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Plantes bio-indicatrices

Pourquoi tant de pissenlits, rumex ou chardons dans ma prairie ?


TNC le 11/05/2023 à 05:03
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Après la sécheresse de 2022, la présence d'espaces vacants dans les prairies favorise la prolifération d'adventices, comme le pissenlit. (© Pixabay - Didgeman)

"Dis moi quelles sont tes adventices, et je te dirai l'état de ta prairie", tel est le principe des plantes bio-indicatrices. Pissenlit, lamier, carotte sauvage... découvrez ce que ces plantes disent de vos parcelles.

Avant de chercher à maîtriser les adventices sur une prairie, il peut être intéressant de comprendre pourquoi ces dernières s’implantent. Bon nombre d’entre elles sont « bio-indicatrices », c’est-à-dire qu’elles donnent une information sur l’état de la parcelle.

« Le sol, c’est une sorte de grand réservoir à graines de différentes variétés. Selon les conditions du milieu, différentes espèces entrent en germination », introduit Delphine Suzor, botaniste en collaboration avec Gérard Ducerf (Promonature). L’analyse de la flore prairiale peut ainsi donner des informations sur la fertilisation azotée de la parcelle, ou sur le type d’exploitation. Un allié de taille pour éviter le sur-pâturage, ou raisonner l’amendement des prairies.

Le pissenlit

Pissenlit (© Pixabay – HOerwin56)

Les pissenlits sont de bons indicateurs de l’état des parcelles, car ils constituent souvent un point de pivot quant à la qualité et quantité de fourrages produits. Présents dans les prairies naturelles, ils témoignent d’une bonne production permise par un équilibre des taux d’azote et de carbone dans les sols. « Si sa couleur, et le nombre impressionnant de fleurs produit par pied, peuvent rapidement donner l’impression d’une invasion au printemps, son cycle de végétation est court et son emprise au sol faible. Trois à quatre semaines après la floraison, il laisse place à une belle diversité de graminées », explique Delphine Suzor.

Il témoigne toutefois d’une légère compaction des sols : « c’est une plante qui dispose d’une racine pivot, et qui se développe assez bien dans les sols lourds, qui respirent peu », ajoute la botaniste. 

Mieux vaut donc ne pas se laisser dépasser lorsque l’espèce est bien implantée : « si l’on continue à amender sa prairie en matière organique comme auparavant, le rendement pourrait très bien baisser ». Un excès d’azote entraîne une moindre disponibilité d’autres éléments nutritifs du sol, comme le phosphore ou le potassium. Dans ces conditions, difficile d’espérer un maintien de la flore prairiale à l’identique.

Y’a beaucoup de pissenlits cette année ?
Un peu. pic.twitter.com/QC16B40H6Y

— Denis Beauchamp ?? (@GrainHedger) May 1, 2023

Pourquoi tant de pissenlits cette année ?
Dans de nombreuses régions, les fortes minéralisations à l’issue de la sécheresse 2022, et les faibles lessivages liés à l’absence de pluie durant l’hiver 2023 ont favorisé la biodisponibilité de l’azote dans le sol. Un contexte qui fait la part belle aux plantes nitrophiles.

Le lamier pourpre

Lamier pourpre (© Pixabay – leoleobobeo)

Comme le pissenlit, le lamier pourpre est assez présent en ce printemps 2023, car il apprécie les sols riches en azote, voire sujets à l’érosion. S’il est présent, nul besoin d’intensifier la fertilisation de la parcelle.

Si la plante annuelle ne présente pas d’intérêt fourrager particulier, elle n’est pas toxique pour les bovins.

Les grandes ombellifères à fleurs blanches

Grande ombellifère (© Pixabay – 3282700)

Après les pissenlits, les grandes ombellifères à fleurs blanches comptent parmi les premiers témoins de la dégradation d’une parcelle. Ces plantes apprécient les sols riches en matières organiques d’origine végétale et animale. « Leur apparition indique que le sol poursuit son enrichissement en azote, et également qu’une asphyxie commence à se mettre en place. De l’humus dur, non soluble, est en formation », résume Delphine Suzor.

Si elle est gage de sols fertiles, il est plus prudent de diminuer la fertilisation à leur apparition. « L’idéal est de gérer la fertilisation de sa prairie pour que la flore oscille entre présence de pissenlits, et de grandes ombellifères ».

Les chardons

Chardon (© TNC)

Autre signe de la dégradation d’une prairie naturelle : l’apparition de chardons. La plante témoigne d’un blocage du phosphore, et d’une asphyxie des sols. L’asphyxie est due à une compaction qui peut avoir pour origine l’excès d’azote ou le surpâturage qui déstructure les sols. « Dans les deux cas, c’est un peu comme si le sol était victime d’un excès d’eau, explique la botaniste. Mieux vaut alors arrêter la fertilisation azotée ». Rien ne sert également d’apporter du phosphore : un blocage n’est pas une absence de l’élément, mais sa non-disponibilité pour la plante.

La meilleure manière de s’en débarrasser ? Modifier les conditions du sol. « Il y a déjà des graines de chardons dans le sol. Certaines sont là depuis des années. Elles n’attendent que des conditions optimales pour lever ». Et ce n’est pas en fauchant les chardons existants que l’on empêchera les graines stockées de germer. 

Le chardon est également un bon indicateur du sur-pâturage. Sa racine pivot traduit la compaction des sols, et la forte concentration de déjections animales lié aux passages récurrents des bovins favorise sa pousse.

Les rumex

Rumex (© Pixabay – WikimediaImages)

Tout comme le chardon, le rumex apprécie les sols compactés, et en asphyxie. Ils deviennent prépondérants lorsque l’asphyxie est installée depuis longtemps. « Dans un cycle prairial où l’on effectue pendant des années les mêmes apports en matières organiques très azotées, les rumex arrivent après les chardons »

En associant développement par les graines, et rhizomes, l’espèce est particulièrement invasive. « S’il y a des rumex, tout apport en matière organique azotée supplémentaire nuira à la diversité de la flore présente sur la prairie naturelle », avertit l’experte.

Comme pour les chardons, une seule solution permet réellement de se débarrasser des rumex. « Il faut aider le sol à retrouver de la porosité, par la formation des complexes argilo-humiques, et la mise en place d’une vie microbienne aérobie sur les 10 premiers centimètres ». Bref, miser sur une augmentation du taux de matière carbonée. « Ces matières organiques carbonées serviront de nourriture pour les organismes vivants du sol, qui aideront à lutter contre la compaction (bactéries, champignons, micro-invertébrés, vers de terre…) ».

Le rhinanthe

Rhinanthe (© Pixabay – Hans)

« Dans un cycle prairial naturel, le rhinanthe apparaît lorsque le taux d’azote dans le sol est très faible. » C’est la carence en azote et le lessivage qui lèvent la dormance de sa graine. 

La plante parasite les graminées environnantes. « Ses racines se « branchent » sur celles des bonnes fourragères pour prélever des nutriments. Les graminées vont alors dépérir. » Pour une parcelle destinée au pâturage, elle constituera un indicateur de mauvaise santé du sol, et de carence en matière organique azotée.

Si cette plante permet diminuer naturellement la présence de graminées dans une parcelle pour pallier une carence en azote, elle n’en demeure pas moins néfaste pour le pâturage. 

Sa présence doit encourager à améliorer la fertilisation azotée des prairies. « Il faudra utiliser un amendement de bonne qualité, par exemple un fumier de vache, avec un C/N équilibré. Le but est de faire remonter le taux de matière organique azotée sans déséquilibrer le sol. Un amendement azoté chimique pourrait provoquer un excès d’azote relatif, si le sol est trop faiblement pourvu en matières organiques carbonées. Cela créerait des compactions et asphyxies, ainsi que tous les problèmes qui s’ensuivent. »

« Quand un déséquilibre intervient, la nature fait en sorte que les plantes permettant de l’atténuer se mettent à germer. Mais les cycles de la nature ne fonctionnent pas sur les mêmes échelles de temps que les cycles de l’agriculture. En agriculture on contrarie toujours le sens de la nature, il faut donc l’aider à ne pas s’emballer dans des réactions excessives en ne provoquant pas des situations excessives dans nos sols par nos interventions. »