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Reportage

Marine, ostéopathe (27) : « J’aide le bovin à retrouver son état d’équilibre »


TNC le 25/01/2019 à 05:58
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Marine Criquioche est ostéopathe animalier dans l'Eure. Les bovins font partie de son quotidien. Lorsqu'un éleveur l'appelle, elle tente d'intervenir au plus vite : « Il s'agit souvent de troubles locomoteurs. Ça peut être une vache qui est tombée, qui s'est faite chevauchée ou qui boite. Chez les veaux, ce sont plus souvent des troubles cervicaux qui les empêchent de téter correctement. » Elle conseille aux éleveurs de se tourner vers un ostéopathe dès qu'ils constatent un tel souci car une mauvaise posture peut aller jusqu'à compromettre la carrière de l'animal.

À 24 ans, son diplôme en poche, Marine Criquioche est installée depuis 6 mois en tant qu’ostéopathe animalier à son compte dans l’Eure. Chiens, chats, chevaux mais aussi bovins, en 5 ans d’études elle a appris à manipuler toutes sortes d’animaux. « Je fais surtout de l’équin et du canin mais il m’arrive d’avoir à consulter des bovins. Même si faire appel à un ostéopathe n’est pas encore dans les habitudes de tous les éleveurs, ils sont de plus en plus nombreux à s’y intéresser. »

De la locomotion à la reproduction en passant par la mamelle

Si les éleveurs n’ont pas pour premier réflexe d’appeler un ostéopathe, Marine explique néanmoins que de nombreuses pathologies peuvent être soignées par cette médecine : « Le principal problème rencontré concerne la locomotion : il peut s’agir de boiteries, d’une vache qui a fait une mauvaise chute ou qui a été chevauchée. Des vaches qui ont tendance à taper ou qui rechignent à monter en salle de traite peuvent être signes de gêne ou de douleurs. » Outre ce qu’on peut observer dans la démarche d’un bovin, d’autres problèmes peuvent être réglés par l’ostéopathie : « On peut agir sur des vaches qui ne viennent pas en chaleur. En effet, un problème ovarien peut être réglé par des manipulations. Les taureaux qui ne saillissent plus ou qui présentent une mauvaise fertilité peuvent aussi être vus. »

« Pareil pour les animaux qui ont tendance à faire des mammites de façon régulière. Celles-ci sont parfois dues à des dysfonctions articulaires vertébrales qui peuvent, par différents mécanismes, entraîner une baisse de trophicité de la mamelle et donc une capacité d’adaptation diminuée par rapport aux agents pathogènes. En manipulant ces dysfonctions, on normalise tous les échanges vasculaires/nerveux, ce qui va réaugmenter la capacité d’adaptation de la mamelle dans son environnement et donc limiter le risque de pathologies. »

« Une séance d’ostéopathie est à préconiser aux vaches qui subissent des chirurgies comme les torsions de caillettes ou les césariennes. En effet, les cicatrices créent des adhérences (accolement de tissus corporels). Comme pour les Hommes, ces adhérences peuvent causer des soucis de santé et générer une mauvaise posture. L’ostéopathe est en mesure d’intervenir 3 semaines – 1 mois après la chirurgie. » La professionnelle conseille d’ailleurs aux éleveurs de, lorsque c’est faisable, passer fréquemment leur main sur les cicatrices pour aider à la revascularisation.

Chez les veaux, l’ostéopathe peut régler des troubles cervicaux qui les empêchent de têter correctement. Une mauvaise posture dans l’utérus de leur mère ou un vêlage difficile pour les fragiliser. D’autres pathologies peuvent également être soignées, comme les diarrhées, les toux résistantes ou encore les boiteries. (©TNC)

Marine manipule également des veaux : « Les veaux qui ont du mal à téter peuvent avoir des troubles cervicaux qui les empêchent d’étendre leur tête. Certains ont même du mal à tenir sur leurs pattes ou à se lever, ça peut être dû à une mauvaise position dans l’utérus de la mère ou un vêlage difficile avec vêleuse ou cordes. »

« Chez les veaux, on soigne aussi les diarrhées, les toux résistantes aux traitements, les boiteries, etc. Dans tous les cas, ces soucis doivent être réglés au plus vite. On rencontre parfois des veaux qui ont du mal à prendre en masse musculaire ou qui grandissent moins vite que les autres. Ça peut être dû à une mauvaise posture qui leur font dépenser plus d’énergie qu’à la normale. » L’ostéopathe manipule d’ailleurs aussi bien des bovins laitiers qu’ allaitants.

 « On ne travaille qu’en curatif. Il faut donc agir très rapidement »

« Un éleveur sur deux m’appelle trop tard. Un ostéopathe agit en curatif. L’éleveur doit alors être très réactif et nous appeler dès qu’il constate un souci : si une vache vient de tomber, qu’elle a du mal à se relever, si on voit que le veau ne tête pas, etc. L’idéal est d’agir dans les 24h. On peut le faire après bien-sûr mais une intervention rapide permet d’éviter que les dysfonctions ne s’installent trop. Elle facilite également la récupération de la vache. Une seule séance peut suffire. C’est rare que je m’y reprenne à deux fois. » Question tarif, il faut compter une soixantaine d’euros pour une consultation.

« Le but de l’ostéopathie est de rétablir l’équilibre entre tous les systèmes qui, eux-mêmes, composent le grand système vivant qu’est l’animal. Pour cela, on va agir sur les déséquilibres structuraux acquis (les dysfonctions articulaires) mais on peut aussi conseiller l’éleveur si l’on remarque que quelque chose dans l’environnement de l’animal participe aux troubles rencontrés. C’est là la différence avec la médecine allopathique (vétérinaire) : l’ostéopathie considère l’ensemble de l’organisme, elle aide l’animal à être dans un état d’équilibre optimal pour lui permettre de s’adapter et de se défendre au mieux de lui-même. C’est d’ailleurs un des principes en ostéopathie : l’autoguérison. »

Des gestes minimes et précis sur des zones sensibilisées

Marine commence sa séance par observer l’animal : « Je regarde son comportement, sa posture et son état général. Je demande également à l’éleveur s’il y a eu de l’amélioration depuis notre échange téléphonique ou pas. Nous attachons ensuite la vache au licol ou au cornadis pour assurer ma sécurité comme celle de l’animal. Enfin, je réalise une série de palpations pour détecter les zones de chaleurs, les éventuelles douleurs, les hématomes, etc. J’effectue aussi du testing articulaire pour vérifier le mouvement de chaque articulation et finaliser mon diagnostic. Vient ensuite la manipulation. Bien entendu, si j’ai un doute sur une fracture, une lésion, un trouble métabolique ou encore un problème de pied, je me réfère toujours au vétérinaire ou à un professionnel compétent dans le domaine comme un pareur. »

Les manipulations sont minimes sur les vaches laitières. Leur contention musculaire est faible, ce qui facilite l’accès aux structures mais leur porte aussi préjudice car ces structures ne sont pas suffisamment protégées. (©TNC)

Même si les bovins ne sont qu’une petite partie de son activité, la jeune femme a l’habitude de les manipuler. En effet, elle vit sur la ferme laitière de son conjoint -le Gaec du Bocage à Renneville (27)- et suit consciencieusement chaque vache du troupeau. C’est d’ailleurs dans cette stabulation que Marine nous présente l’une de ses « patientes » : « C’est une vache qui est en 3e lactation et qui a déjà fait 3 gros veaux. Elle va être remise à l’insémination mais je la vois pour prévenir tout risque sur le prochain vêlage, optimiser sa future production laitière et sa fertilité. » L’ostéopathe palpe de nombreuses zones sur le dos de l’animal et lui lève également les pieds à l’aide d’une corde. Elle conclue : « Je remarque une grosse tension sur les fessiers de l’animal. En lui prenant les pieds, on voit qu’elle met beaucoup de poids sur son avant-main car elle a pas mal de dysfonctions dans son arrière-main. C’est assez fréquent chez les vaches laitières : en vêlant régulièrement, la zone du bassin est assez sensible. »

Après avoir posé son diagnostic, Marine manipule l’animal. Les gestes sont légers, très localisés et précis. Elle explique : « Sur du bovin laitier, les mouvements sont très fins, très doux. Les vaches laitières ont peu de muscles donc on a accès aux structures très facilement. On n’a pas besoin de faire de grands mouvements impressionnants car les manipulations sont assez faciles à faire. De plus, elles savent nous montrer qu’on leur fait du bien. Ça se traduit par une flexion d’encolure et même parfois des yeux qui se ferment, signe de détente totale. »