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Marché de la viande bovine

Le manque d’offre devient structurel et contribue au maintien des prix


TNC le 21/06/2022 à 08:07
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L'Europe manque d'animaux à abattre. La France, mais également ses voisins, connaît des problèmes de décapitalisation liés aux questions de renouvellement des générations. La production européenne devrait ainsi baisser de 1 à 2 % sur 2022. (©Pixabay)

Durant l’année 2021, les besoins des 10 principaux acheteurs ont crû deux fois plus vite que la production des 10 principaux exportateurs mondiaux, générant ainsi une pénurie structurelle sur le marché de la viande bovine. Le maintien de la demande malgré les prix élevés semble de bon augure pour le maintien des cours de la viande bovine.

A l’occasion des Marchés mondiaux de la viande organisés par l’institut de l’élevage, Philippe Chotteau, chef du département économie de l’institut de l’élevage, revient sur les perspectives pour le marché des viandes bovines. Comme le grain ou l’énergie, le cours de la viande bovine a connu une hausse régulière et continue sur l’année 2021 ainsi qu’au premier trimestre 2022 en raison de la forte demande des pays importateurs. 

Le marché de la viande bovine va être porteur durablement

La production des 10 principaux exportateurs est revenue en 2021 au niveau d’avant le covid (+ 150 téc en 2021), sans pour autant répondre à la totalité de la demande (+ 300 téc en 2021). En cause, l’attrait de plus en plus grand pour la viande de bœuf, des productions à cycle long où il faut du temps pour reconstituer des cheptels, et un dynamisme tout relatif de la part des principaux exportateurs. Conséquence, pour Philippe Chotteau « le marché de la viande bovine va être porteur durablement. Je pense qu’on est parti dans une période longue de manque structurel d’offre par rapport à la demande ». 

Un marché sino-dépendant

Avec Hong-Kong, la Chine totalise près de 41 % des importations de viande bovine et de manière générale, les flux de viande rouge sont majoritairement orientés depuis le Mercosur vers l’Asie, ballotée entre la stratégie zéro covid de la Chine, et le goût pour la viande rouge développé par les populations locales. Le dynamisme de ce marché est donc essentiel pour permettre aux cours de se maintenir.

En face, l’offre peine à gagner en ardeur. Les deux poids lourds du secteur que sont le Brésil et l’Argentine ont vu leurs exportations diminuer en 2021, en raison de cas atypiques d’ESB pour le premier, et à cause de mesures gouvernementales visant à contenir l’inflation en limitant les exports pour l’Argentine. Les Etats-Unis ou encore le Canada ont ainsi vu leurs exportations évoluer de manière positive au cours de l’année précédente. « En 2022, le Brésil devrait reprendre ses exports. L’Australie, en train de recapitaliser, devrait également être assez présente sur le marché, mais cela ne permettra pas d’assouvir toute la demande. » 

Entre rareté de la viande et maintien du pouvoir d’achat

Dans différents pays européens, le prix des JB commence à plafonner : la baisse du pouvoir d’achat pose question quant au maintien de la consommation à des niveaux de prix élevé. Dans un même temps, le taux d’inflation sur les produits alimentaires calculé par l’OCDE est beaucoup moins important en France (+ 4 %) que dans les autres pays (+ 12 % aux États-Unis, + 8 % en Allemagne, + 6 % au Royaume-Uni) « peut-être parce que les produits de qualité augmentent moins vite car moins marqués par les prix des matières premières, mais aussi peut-être parce que la France a un problème de transmission des prix dans la filière… », commente Philippe Chotteau. Cependant, au regard des productions de monogastriques, les ruminants peuvent avoir leur carte à jouer dans ce contexte de hausse des intrants : « souvent l’on prend le prix du filet ou de l’entrecôte pour juger des niveaux de prix de la viande de bœuf, mais en comparaison avec le porc, le steak haché reste compétitif ».

La guerre en Ukraine, un facteur d’inflation parmi d’autres

« La guerre en Ukraine n’est qu’un point sur le i de pandémie et le i de pénurie. Les prix n’ont pas augmenté qu’à cette occasion », insiste Philippe Chotteau. L’index Ipampa mesurant les coûts de production en bovin viande, affiche une augmentation de 22 % sur une année glissante : « c’est énorme ». Paradoxalement, le retour durable à l’inflation et les cours élevés des intrants pourraient handicaper la recapitalisation bovine, et la question du renouvellement des générations est loin de ne concerner que la production française. Nos voisins européens sont tout autant concernés, et Outre-Atlantique, le Canada connaît une décroissance lente et continue de son cheptel bovin, en partie accélérée par la sécheresse en 2021. Si la demande augmente à de nombreux endroits du globe, les cheptels n’évoluent pas dans ce sens à quelques exceptions près…