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Selon l'agence de l'eau Adour-Garonne

La sécheresse, révélatrice des enjeux futurs de l’eau dans le sud-ouest


AFP le 30/11/2022 à 11:20
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La sécheresse de 2022 dévoile les problèmes d'eau auxquels sera confronté le grand sud-ouest de la France, « territoire de l'Hexagone le plus touché par le réchauffement climatique », prévient Guillaume Choisy, directeur général de l'agence de l'eau Adour-Garonne.

Le bassin Adour-Garonne, qui s’étend sur 25 départements, de la Charente-Maritime à l’Ariège en passant par la Gironde et la Haute-Garonne, a été très affecté cette année par les vagues de chaleur successives et le manque de pluies. Avec « un tiers de précipitations en moins » et « près de 200 jours où on a battu des records de température » depuis janvier, « plus de 200 collectivités » ont été en rupture d’eau potable, précise le directeur de l’organisme public, chargé de la gestion de l’eau, dans un entretien à l’AFP.

Des communes, comme Mur-de-Barrez en Aveyron, ont ainsi dû être ravitaillées par camions-citernes cet été, une situation qui a perduré jusqu’aux pluies de novembre pour d’autres villages, comme Galey en Ariège.

AFP : Quel a été l’impact de la sécheresse 2022 sur les cours d’eau ?

Guillaume Choisy : Cet été, 38 % du linéaire d’eau du bassin, soit 128 km de rivières étaient à sec, l’eau ne coulait plus. Or 60 % de la population du bassin a comme unique ressource en eau potable les rivières. Ce qui fait que pour qu’elles tiennent, on a prolongé les conventions d’étiage (période de basses eaux) jusqu’à fin novembre, et ça c’est exceptionnel.

La Garonne a, par exemple, été soutenue en étiage sur 50 % du volume depuis quasiment le 15 juin et jusqu’à aujourd’hui, c’est-à-dire que plus de la moitié de l’eau qui coulait venait des barrages de tête de bassin.

AFP : Pourquoi le sud-ouest est-il particulièrement touché ?

Guillaume Choisy : On est le bassin le plus exposé au changement climatique parce qu’on a un territoire très morcelé, donc beaucoup de rivières qui ont de faibles débits. La Garonne a, par exemple, un débit trois fois inférieur à l’Allier ou sept fois inférieur au Rhône. On a de petites rivières qui sont très vulnérables car elles se réchauffent plus vite. L’eau, comme elle est moins importante en quantité, s’évapore plus.

Par ailleurs, contrairement au reste de la France où il y aura toujours le même volume de précipitations, on nous annonce pour l’avenir 20 à 30 % de précipitations en moins sur le bassin Adour-Garonne.

AFP : Comment cela va-t-il se traduire ?

Guillaume Choisy : Avec tous les phénomènes réunis, on va presque diviser par deux le volume d’eau qui coulera dans les rivières. On estime qu’il va diminuer de 40 à 50 % en période d’étiage et c’est considérable. Et ça, c’était une prévision pour 2050. Mais on voit qu’il y a une accélération et que cela va sûrement beaucoup plus vite qu’on ne l’imaginait.

AFP : Doit-on craindre de manquer massivement d’eau à cet horizon ?

Guillaume Choisy : On ne manquera pas d’eau si on sait la gérer, mais il va falloir la gérer autrement et cela va nécessiter des investissements conséquents. Dans les 10 prochaines années, si on ne change pas drastiquement notre rapport à l’eau, notre façon de la gérer et les investissements réalisés, cela aura des conséquences sur la capacité à aménager le territoire.

On ne pourra plus avoir n’importe quelle usine n’importe où, n’importe quelle ville ne pourra pas se développer comme elle le souhaite et peut-être même que cela nécessitera des mouvements de populations.

AFP : Quels investissements et pourquoi ?

Guillaume Choisy : Il y a des enjeux différents selon les territoires. En Charente, par exemple, l’enjeu est d’améliorer le stockage dans les nappes souterraines et la réutilisation des eaux usées car c’est une urgence vitale.

Ailleurs, comme sur les bassins du Lot, de l’Aveyron et du Tarn, il faudra probablement travailler avec des systèmes de stockage. Mais il n’y a pas une solution, il en faudra une multitude : le maintien de l’élevage dans les zones stratégiques, le retour des zones humides, le fait d’avoir des sols enherbés en hiver ou encore la désimperméabilisation des sols en ville.

Et il faudra de la sobriété dans la gestion de l’eau. Il va falloir l’économiser, se responsabiliser sur ses usages et sur l’utilisation de la chimie en agriculture, mais aussi dans les process industriels, de production, d’alimentation et de consommation.