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[Témoignage] Travail en bovin lait (6/6)

Jonathan : « Un apprentissage mutuel avec un salarié qui n’est pas du métier »


TNC le 18/12/2020 à 17:25
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Après des élevages de taille moyenne avec salariés, le travail en couple avec délégation des cultures, l'investissement ou la simplification du système pour réduire l'astreinte et améliorer le confort, comment fonctionne un grand troupeau basé sur un chef d'exploitation et du salariat ? Réponse dans ce dernier témoignage d'éleveurs laitiers clôturant la série de vidéos de l'Idele sur différents collectifs de main-d'œuvre.

ORGUE SCL Fontaine Lactée from Institut de l’Elevage – idele on Vimeo.

Source : projet Orgue de l’Institut de l’élevage idele sur l’organisation du travail dans les exploitations laitières et l’attractivité du métier d’éleveur. Vidéo publiée sur Vimeo. 

« L’idée du salariat sur l’élevage s’est posée quand mon père a eu 55 ans, explique Jonathan Zehr, qui a décidé d’embaucher pour anticiper le départ en retraite de l’agriculteur. Le premier arrivé à la SCL de la Fontaine lactée à Haut-Clocher en Moselle a commencé par s’occuper des veaux et de la mécanique.

Recruté par Pôle emploi, il ne connaissait rien au monde agricole. « Mais tout de suite, il a appelé les petits veaux « mes bébés » et ça m’a plu », se souvient l’éleveur. En travaillant avec Jonathan, il s’est formé petit à petit, est monté progressivement en compétence et a même pris des responsabilités. Parallèlement, le producteur a « aussi pu intégrer le salarié à l’exploitation de façon progressive ».

Il a appelé les petits veaux « mes bébés », ça m’a plu !

Intégration progressive des deux côtés

Car, à l’embauche, se pose souvent la question, pour l’exploitant, de « savoir s’il va réussir à satisfaire sa demande en termes de travail » mais également, et « c’est très important » insiste Jonathan Zehr, celle de son employé. « La clé » qui va faire que le recours au salariat va plus ou moins bien fonctionner.

Satisfaire les demandes de l’éleveur, mais aussi des salariés.

Suite à ce recrutement, l’éleveur décide d’augmenter son troupeau, « pas parce qu’on est des fous de travail mais car l’outil le permettait », précise-t-il. D’où des besoins supplémentaires en main-d’œuvre et l’embauche d’un second salarié sur l’élevage pour les génisses et la traite. En parallèle, le père de Jonathan prend sa retraite. Ce deuxième employé, non plus, n’est pas du monde agricole mais « aujourd’hui, il est toujours là et motivé, et veut même apprendre à inséminer » !

« S’ouvrir et apprendre des différences »

Les agriculteurs ont « tendance à se replier sur eux-mêmes », constate le producteur. Mais « ils se trompent, on a besoin des autres » et tout intérêt « à s’ouvrir et à apprendre de leurs différences ». Ce qui est particulièrement vrai « quand on recrute quelqu’un qui n’est pas du métier : il y a plein de choses à découvrir autant pour lui que pour nous ». Sur la ferme de polyculture-élevage, Jonathan se charge des productions végétales et de la conduite du troupeau, et ses salariés des soins aux animaux. Pour une partie des traites, et notamment un week-end/mois, il fait appel à des amis, travaillant hors agriculture et cherchant un complément de salaire. Ainsi, les employés à temps plein de l’exploitation ne sont jamais d’astreinte les samedis et dimanches.

Plein de choses à découvrir, autant pour lui que pour nous.

Aujourd’hui, pour diminuer sa charge de travail, Jonathan envisage de déléguer davantage les cultures à l’entreprise et l’élevage à ses salariés. (©idele)

Organisation et communication efficaces

« Même si je n’ai pas une grande entreprise, les missions doivent être bien réparties. Je ne peux pas passer ma journée à courir après tout le monde pour donner les consignes et inversement, mes salariés ne peuvent pas chercher après moi constamment ! », fait remarquer l’éleveur. Tout est donc noté dans des tableaux. Autre moyen de communication utilisé : le téléphone portable via une application et un groupe de discussion où, pour sa chaque tâche, un message est posté avant de commencer et une fois qu’elle est accomplie. Concernant la gestion du troupeau, logé sur trois sites différents, Jonathan a mis en place un petit logiciel, qui permet de retrouver facilement les animaux et de « retracer leur historique, sans même se parler ». Et pour les week-ends, il y un planning partagé sur l’agenda du téléphone entre tous les intervenants.

On ne peut pas passer sa journée à courir les uns après les autres !

Tous ces outils font gagner du temps et évitent de multiplier les réunions au bureau, qui sont réservées aux décisions stratégiques et pas à l’organisation quotidienne. Malgré tout, la responsabilité de ce grand cheptel laitier repose sur le seul chef d’exploitation, un des inconvénients selon lui de son système basé sur le salariat plutôt que sur l’association. Aujourd’hui, l’atelier lait, très chronophage, mobilise toute l’énergie de l’éleveur et lui laisse peu de moments pour réfléchir à la stratégie de son exploitation. La piste envisagée pour améliorer cette situation : déléguer les travaux des champs par exemple à des entreprises, surtout lors des pics d’activité que sont la moisson, l’ensilage…, comme l’ont fait et détaillé François et Irène dans un précédent témoignage de cette série. Davantage de délégation pourrait également être envisagée  pour l’élevage auprès des salariés, en les rendant plus autonomes, reconnaît Jonathan Zehr.