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Témoignages F. Thomas - F. Baechler (41)

Comment retrouver de la fertilité par l’élevage quand on est céréalier ?


TNC le 09/11/2020 à 06:03
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Frédéric Thomas s'est installé sur les 85 ha de l'exploitation familiale au sud du Loir-et-Cher en 1996, dans un contexte pédo-climatique compliqué. Au fil des années, l'agriculteur a fait évoluer son système pour améliorer la fertilité de ses sols : passage en agriculture de conservation des sols, réintroduction de l'élevage, etc.

« Les animaux consomment un peu de carbone, mais ils appuient sur l’accélérateur de la fertilité », indique Frédéric Thomas. (©Elodie Horn)

« En Sologne, la terre, c’est du sable à lapin […] et le fond des sols, de l’argile. On cultive des « petites cuvettes » : une semaine avec de la pluie, les champs deviennent des lacs et une semaine sans pluie, c’est la sécheresse », témoigne Frédéric Thomas lors de la journée Cap Agroéco grandes cultures, organisée le 23 septembre dernier par le Centre de développement de l’agro-écologie (CDA). « On avait un véritable souci de fertilité des sols (moins d’un point de matière organique (MO)) et on usait beaucoup le matériel. » L’agriculteur décide alors, dès son installation en 1996, de passer en semis simplifié dans une logique économique d’abord et aussi afin de « préserver la MO et développer l’activité biologique des sols ».

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« Amplifier l’action des couverts et mieux gérer les excès d’humidité »

« On a vu progressivement les sols évoluer, avec en plus l’entrée des couverts végétaux, l’apport de compost et la mise en place de cultures à forte production de biomasse ». En 2003, Frédéric Thomas s’associe avec Christophe Piou, voisin agriculteur sur 200 ha. Ils démarrent ainsi la construction d’un « écosytème », comme le présente Frédéric Thomas : « Christophe a apporté du matériel et de la main d’œuvre supplémentaire, il m’a permis de remettre du maïs dans la rotation (étant équipé du matériel spécifique) et m’a accompagné grâce à ses compétences en gestion et maîtrise des coûts. De mon côté, je lui ai apporté du matériel spécifique de semis direct et des compétences sur la mise en œuvre de l’agriculture de conservation des sols en Sologne ».

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En parallèle, l’agriculteur continue d’aller plus loin avec les couverts : il implante des couverts biomax, produisant 5,8 t de MS/ha, sème dans le vert à l’automne et aussi au printemps afin « d’amplifier l’action des couverts et de mieux gérer les excès d’humidité ». « Avec l’arrivée du maïs dans la rotation -plante à forte biomasse, fort système racinaire et extrêmement mycorhizogène- on s’est aperçu que nos sols réputés être secs en été, avaient en fait une réserve en eau qu’on n’allait pas chercher. Et l’activité biologique, les mycorhizes… ont permis d’améliorer cela. » Au fil des années, « on est passé de 45-50 mm de RFU1 (réserve facilement utilisable) à plus de 200 mm ».

« Les sols allant mieux et permettant une meilleure gestion de l’eau, on a pu introduire les cultures de colza et d’orge aussi, qui n’étaient pas faisables avant. […] L’orge est notamment intéressante à deux points de vue : elle termine assez tôt, ce qui permet de mieux esquiver le risque d’échaudage que le blé ou le triticale et il y a possibilité de faire une deuxième culture à la suite (sarrasin récolté si possible, ou couvert pour le colza suivant). » En 2007, Frédéric Thomas agrandit son exploitation de 20 ha et pense sérieusement avec son associé à introduire de l’élevage dans leur « écosystème ». Autre évolution en 2011 : Frédéric met à disposition de la société Hedera une petite parcelle pour ouvrir une plateforme de compostage, là-encore dans un modèle de partenariat « gagnant-gagnant ».  Pour l’agriculteur qui en apporte depuis plus de 20 ans, le compost a de nombreux bénéfices : il permet de « gagner rapidement en MO, d’apporter une fertilisation de fond organique (apport de carbone, mais aussi énormément d’éléments), de corriger les carences surtout oligos et de maintenir le pH ».

« Les animaux appuient sur l’accélérateur de la fertilité »

Et en 2012, l’introduction de l’élevage se concrétise avec l’arrivée dans « l’écosystème » de José Réquiexa, qui dispose aujourd’hui d’un troupeau de 200 brebis Solognote (race locale en perdition). Le troupeau vient notamment consommer les couverts de Frédéric Thomas. « Les animaux consomment un peu de carbone, mais ils appuient sur l’accélérateur de la fertilité (en abaissant le C/N des couverts). En 1994, les Brésiliens disaient déjà : « faites pâturer vos couverts, vous augmenterez vos rendements ». Seuls, les couverts sont performants, mais dès qu’on met les animaux, il y a des critères qui s’améliorent dedans (augmentation de la biologie du sol et des mycorhizes, amélioration du ratio bactéries fongiques/champignons…). » Attention : Frédéric Thomas note l’importance de son passé en agriculture de conservation des sols, pour pouvoir faire pâturer ses parcelles par les animaux, même l’hiver.

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En 2017, c’est Franck Baechler, également conseiller agricole, qui rejoint aussi l’écosystème en s’installant sur 70 ha (grandes cultures et prairies naturelles). Il travaille aussitôt pour améliorer la productivité de ses sols et améliorer leur taux de MO très faible (0,5 %). « Avec le modèle de simulation Simeo-AMG, on a vu qu’on était capable d’augmenter rapidement ce taux sur les 4-5 premiers cm du sol et ça tombe bien : c’est la partie qui nous intéresse », indique Franck Baechler. Pour cela, l’agriculteur met notamment « l’animal au service des sols », avec un atelier bovin, un atelier ovin et dernièrement un atelier avicole, pour « superposer les productions à l’ha ».

Plus d’informations sur l’exploitation de Franck Baechler :
– SAU : 70 ha, tout en location
– Types de sols : sablo-limoneux et sableux sur argile (comme chez Frédéric Thomas) – pH entre 5,5 et 6, taux de MO entre 0,5 et 1,5 %
– Cheptel : 9 vaches de race angus, 5 jeunes et 3 taureaux + 50 brebis de race solognote, 17 agnelles et 43 agneaux
– Matériel de l’exploitation : 3 citernes eau (+ 10 ha eau enterrée), 2 remorques 4 roues, 25 ha clôture Itensil, 16 filets ovins, 4 postes électriques, 16 barrières alu mobiles, 1 parc de contention bovins.

Retrouvez plus de détails avec les témoignages de Frédéric Thomas et de Franck Baechler en vidéo, lors de la journée Cap Agroéco grandes cultures : 

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« Il devient un outil d’amélioration de la fertilité des sols. Les excréments occupent un rôle énergétique capital dans le fonctionnement de l’écosystème mis en place », explique Franck Baechler. L’agriculteur passe alors en pâturage adaptatif avec ses animaux, c’est-à-dire : « objectif orienté sol-carbone, grande mobilité et flexibilité intra-parcellaire/extra-parcellaire avec le bétail, déplacement fréquent, temps de repos respecté, alternance de fourrages pâturés et de productions céréalières sur les terres cultivées et utilisation de clôtures mobiles, électriques et de qualité ».

Une ration pour le sol et une pour les animaux

L’agriculteur note aussi l’importance d’accumuler de la biomasse au sol, l’idée à retenir : « partir du principe que chaque brin d’herbe restitué au sol en redonnera deux par la suite ».  Dans des terres à faible potentiel, il cherche à réaliser, sur une même parcelle, une double production de biomasse sur une année : « l’une destinée au sol et l’autre aux animaux. Je sème, par exemple, un méteil fin septembre-début octobre (80-100 kg triticale, 40 kg pois fourrager, 10 kg vesce velue et 1,5 kg phacélie) : 3-4 t de MS/ha pour le sol. Et derrière, je viens semer un sorgho fourrager (20-25 kg/ha) (bonne résistance au stress hydrique), pour le faire pâturer par les animaux à partir de fin juin et trois fois dans la saison (lorsque les prairies ne poussent plus). L’agriculteur a ainsi défini une rotation type :

Le méteil grain est utilisé par Franck Bachler pour finir l’engraissement de ses animaux. Concernant la culture de colza, elle reste encore en suspens, à voir si au bout de 7 ans, les sols de Franck Baechler lui permettront d’en implanter comme chez Frédéric Thomas. (©Franck Baechler)

Depuis trois ans et à l’échelle d’une petite dizaine d’années, Franck Baechler entend ainsi monter « un système cohérent et résilient », avec l’appui et l’expérience de Frédéric Thomas notamment. Et cela passe par « une optimisation des flux de biomasse et de la relation sol-plante-animal-homme ».

Voir aussi : vidéo, « Des animaux dans une ferme céréalière – Frédéric Thomas 2/2 »

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(1) : La RFU correspond à la part de la réserve utile qu’une espèce peut extraire sans réduire sa transpiration, ni subir de stress hydrique ou limiter sa croissance. (définition Arvalis).