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Autonomie protéique

Comment pâturer de la luzerne sans risque


TNC le 05/06/2023 à 05:02
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Exemple de rotation avec de la luzerne sur la ferme expérimentale de Poisy (74) en 2015. Luzerne Luzelle : 12 kg/ha, trèfle blanc Tooby 2,5 kg/ha, Dactyle Béverly 4 kg/ha ou fétuque Nouga 8 kg/ha. (©Idele)

Pâturer de la luzerne, c'est possible ! Cela permet d'ailleurs d'allonger la période de pâturage l'été et réduire ses achats de concentré protéique. Explications.

Comme il est pratiqué sur la ferme expérimentale de Thorigné d’Anjou (49) en année sèche, le pâturage de luzerne est une bonne solution pour allonger la période à l’herbe lorsque le stock sur pied s’amenuise.

Du foin de luzerne suivi du pâturage

Plus tolérante au stress hydrique et aux fortes chaleurs, la luzerne est une fourragère productive qui n’est pas uniquement réservée à la fauche. Elle peut être valorisée par une première coupe en foin courant mai ou juin, puis être pâturée dès le mois de juillet et jusqu’en octobre. On parle alors de 5 à 6 cycles de pâturage avec un temps de retour plutôt court (15 à 26 jours) pour un chargement instantané de 0,8 à 2 ares/VL.

Viser l’autonomie protéique

La luzerne est une plante riche en protéines (25 % de MAT et 1,2 UFL), parfaite pour équilibrer la ration des vaches laitières et réduire les achats de concentré protéique. En la pâturant, on maximise l’autonomie protéique tout en minimisant les coûts (sur les frais de récolte entre autre). En période estivale, le coût alimentaire peut descendre autour des 50 €/1000 l grâce au pâturage.

Réussir le pâturage de luzerne

Dans les essais menés dans le cadre du projet Cap protéines, l’Idele n’a pas constaté de changement sur les performances laitières des animaux pâturant de la luzerne (en volume et en composition). Les techniciens recommandent d’intégrer la luzerne dans le circuit de pâturage sans dépasser 20 % de l’ingestion journalière en quantité. Cela peut donner en pratique :

– traite du matin

– 2 heures de pâturage de betteraves fourragères (d’août à octobre) ou consommation de foin/regain + concentré énergétique

– 6 heures de pâturage de luzerne

– traite du soir et mise à disposition de foin + concentré énergétique

– pâturage de nuit sur des prairies riches en graminées

Autre exemple chez Pascal et Paul Bonvin dans l’Allier (03) : les Charolaises pâturent un mélange de luzerne et de dactyle (le pâturage remplace la dernière coupe avant l’entrée d’hiver). Pour cela, ils ont quelques grands principes :

– attendre qu’un maximum de luzerne soit en fleur,

– ne pas faire entrer les animaux la panse vide,

– laisser du fourrage sec et fibreux à disposition ainsi que du sel et de l’eau à volonté,

– ne pas faire pâturer en dessous de 7 – 8 cm,

– retirer les animaux dès qu’une pluie est annoncée,

– si possible faire pâturer au fil.

Éviter la météorisation

Le pâturage de luzerne, comme de trèfle, rebute beaucoup d’éleveurs par crainte de météorisation. « Il s’agit d’une production excessive de protéines solubles par la flore ruminale, suite à l’ingestion de pâturage jeune et riche », expliquent les nutritionnistes de « Conseil en agriculture » dans leur dernière newsletter. « Cela crée une mousse qui bloque l’évacuation des gaz du rumen : la vache gonfle et s’étouffe. »

Les symptômes courants sont : des vaches qui titubent, salivent/moussent, sont gonflées, ne donnent pas leur lait comme d’habitude… Dans ce cas, il faut agir vite en retirant les animaux de la parcelle (si possible les rentrer au bâtiment), leur distribuer du foin fibreux et appétant à l’auge et les garder sous surveillance pendant plusieurs heures.

La météorisation bloque par ailleurs la reproduction : les vaches risquent de ne pas prendre à l’IA pendant plusieurs jours voire semaines. Dans les cas les plus graves, elle peut conduire à la mort des animaux. « Pour les vaches en état d’urgence, on pourra distribuer de l’huile de paraffine ou végétale pour limiter la saponification (mousse) et ponctionner la panse par la mise en place d’un trocart » détaille le cabinet « Conseil en agriculture ».

Pour éviter ce phénomène, il faut bien gérer le pâturage des légumineuses comme les luzernes en adaptant le circuit de pâturage (donner accès à d’autres parcelles plus diversifiées, faire pâturer les repousses moins volumineuses et plus riches en tiges, donner aux animaux un fourrage fibreux avant de les sortir, pratiquer le pâturage au fil pour empêcher le troupeau de manger les jeunes repousses riches en saponine…)