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F. Coutant, éleveur de Blondes (49)

« 30 % de mes bovins bio partent en conventionnel »


TNC le 30/05/2023 à 10:01
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Via Bondy Viandes, l'éleveur approvisionne des supermarchés de la région de Cholet (Maine-et-Loire) en viande bio. (© François Coutant)

Chez François Coutant, éleveur de Blondes d'Aquitaine, les deux tiers des bovins sont écoulés sous le label agriculture biologique (AB). Pour le reste, difficile de trouver un débouché valorisant des carcasses bien conformées. Le marché de la viande de boucherie bio reste peu développé, et les prix n'ont rien à envier à la filière conventionnelle.

« Aujourd’hui, il n’y a pas de marché pour la viande de boucherie bio », estime François Coutant, éleveur de Blondes d’Aquitaine dans le Maine-et-Loire. En agriculture biologique depuis 2000, l’exploitation peine à tirer une plus-value de la certification AB. « En ce moment, je vends mes vaches un peu plus de 6 € le kilo (conformation U=) ». Bref, peu ou prou le même prix qu’en conventionnel.

La filière se maintient grâce aux aides

Et comme le bio reste plus cher à produire, « ce sont les aides qui assurent la pérennité de la filière », tranche l’agriculteur. Avec 140 ha et une centaine de vêlages, il a touché 20 000 € de l’État l’année dernière, aides au maintien et à la conversion cumulées. Avec 30 t de viande produites chaque année sur l’exploitation, l’aide représente un soutien d’environ 0,65 € du kilo carcasse.

En cause ? « Un manque de structuration de la filière ». Pour lui, Unébio, poids lourd du secteur, est davantage taillé pour la vente de haché que pour la fourniture des rayons « trad ». Une offre qui au final, répond assez bien à la demande des consommateurs bio, « ce sont rarement de gros viandards », estime l’éleveur. Mais quid des animaux les mieux finis ?

Le bio peu accoutumé aux grosses carcasses

Pour François Coutant, c’est là le principal défaut de la filière. « On ne sait pas engraisser une Blonde sans céréales, et le bio fait que l’on a forcément des animaux un petit peu moins conformés ».

Pour pallier ce problème, l’éleveur a quitté Unébio. « Ils ne savaient pas valoriser mes Blondes. En 2021, je les vendais au même prix que le conventionnel, mais avec des contraintes en plus ».

Parmi elles, l’obligation de déclarer ses abattages plusieurs mois avant le départ d’animaux : une manière de donner le temps à la coopérative de trouver une voie de valorisation. « Sans la déclaration préalable, nous n’avions pas accès à la prime de 0,40 € du kilo. Et c’est justement elle qui nous faisait talonner les prix du conventionnel ».

Vient ensuite le « prélèvement de 0,05 € par kilo de viande pour le fond associatif de la coopérative ». Restitué aux éleveurs tous les deux ans, il constitue un moyen de générer de la trésorerie pour le groupe pour financer ces projets. « Non seulement c’était un prélèvement en plus, mais avec la crise du bio, la rétribution des fonds prévue pour 2022 a été repoussée à 2025. On nous demande toujours de faire des gestes sous prétexte de conjoncture défavorable », regrette l’éleveur. François Coutant a donc quitté Unébio en 2021 en s’asseyant sur une enveloppe de 3 000 €.

Miser sur un négoce pour la commercialisation

Il compte maintenant sur Bondy viande, un négoce spécialisé dans la viande de boucherie doté d’une filière biologique pour la commercialisation de ses bovins. Spécialisé dans les grosses carcasses (Blonde d’Aquitaine et Parthenaise), il lui permet d’écouler ses bêtes en boucherie. « Ça colle mieux à la conformation de mes vaches ».

Une voie de valorisation qui satisfait l’éleveur. « Il sait apprécier les vaches bien conformées. J’ai déjà sorti une bête en E – qui a été valorisée à 7 € le kilo ». « C’est un prix certes, mais ce type de carcasses présente un très bon rendement et est rentable à qui sait les découper. »

Blonde d’Aquitaine bouchère de 730 kg carcasse, classée E – vendue au Carrefour Market de Distre via Bondy Viandes (© François Coutant)

Le conventionnel pour écouler le surplus

Pour le reste, les bovins retrouvent le circuit conventionnel via un marchand de bestiaux. « 30 % de mes bêtes partent chez lui ». Cette voie ne lui permet pas de valoriser son label : « il ne me demande pas l’agrément », explique l’éleveur. Abattre un bovin avec la certification AB entraîne un surcoût de 80 à 100 €, justifié par l’amortissement de l’agrément de l’abattoir. Résultat, l’acheteur préfère s’en passer. « Il y a des opérateurs qui considèrent que l’étiquette AB fait peur aux clients. Ils l’associent à quelque chose de coûteux ». C’est ainsi que dans les supermarchés de Cholet, certains consommateurs mangent bio sans le savoir.

Certains clients du supermarché mangent bio sans le savoir

Et ce fonctionnement lui a permis de gagner en flexibilité. « Avec le conventionnel, les prix sont à peu près les mêmes, mais je peux faire partir 15 bêtes d’un coup si j’en ai le besoin », apprécie l’agriculteur.

Pas question pour autant de faire une croix sur l’agriculture biologique. « Nous avons la certification depuis 2000, je ne me vois pas changer ma manière d’élever les bovins. Si arrêt il y a, ça sera celui de l’élevage », avertit François Coutant.