Accéder au contenu principal
Crise du lait bio

Gaec du Mûrier (42) : « On a quitté Biolait pour Sodiaal »


TNC le 12/04/2023 à 10:04
fiches_vaches-gaec-du-murier

Le Gaec du Mûrier (42) c'est : 5 associés, 110 vaches laitières, 267 ha et une production bio depuis près de 20 ans. (©Gaec du Mûrier)

La crise du lait bio n'épargne personne. Dans la Loire, le Gaec du Mûrier a fait le choix de quitter Biolait pour signer chez Sodiaal. Et si son lait part aujourd'hui en conventionnel, il garde espoir quant à la reprise de la filière.

« Ici on produit du lait bio depuis 20 ans. Nous sommes dans une zone séchante avec de faibles potentiels agronomiques, l’intensification du système a ses limites. On est plutôt dans une démarche d’autonomie et le bio a toute sa place chez nous. » Jean-Luc Guyot et ses 4 associés produisent un peu plus de 700 000 litres de lait dans la Loire à 20 km de Lyon. Livreurs Biolait jusqu’à présent, ils ont récemment pris la décision de quitter le navire pour Sodiaal.

Le Gaec du Mûrier (42) en quelques chiffres :
5 associés
267 ha dont 110 ha prairies naturelles (exploitation en zone défavorisée qui se situe de 250 de 600 m d’altitude)
110 vaches laitières (races Montbéliarde et Abondance)
25 vaches allaitantes
3 000 poules pondeuses

Les associés du Gaec du Mûrier : Marjolaine Vadeboin, Laurent Brousset, Quentin Riou, Lionel Riche et Jean-Luc Guyot. (©Gaec du Mûrier)

Du lait bio moins cher que le conventionnel

« Le contexte, tout le monde le connaît : il y a trop de lait bio sur le marché et la consommation a bien baissé. On martèle partout que les prix des produits alimentaires augmentent donc ça ne motive pas les gens à consommer du bio. »

« La réponse de Biolait face à ça c’est : faire moins de lait, et se serrer la ceinture sur les prix. C’est une double peine pour les producteurs ! » Mais Jean-Luc le reconnaît : le système de Biolait ne laisse pas le choix, n’ayant pas d’activité de transformation, la coopérative négocie ses débouchés avec les laiteries françaises. « C’est intéressant d’un sens car elle n’a pas de charges de structures, mais quand il y a trop de lait bio sur le marché, c’est la première variable d’ajustement », explique l’éleveur. En effet aujourd’hui, une part importante du lait vendu par Biolait est déclassée.

L’idéal serait un prix du lait bio à 600 €/1000 l et 500 €/1000 l pour le conventionnel.

L’éleveur poursuit : « Biolait annonce un prix du lait moyen de 450 €/1000 litres toutes primes confondues mais ici on produit classiquement 7500 l/VL à 38/32 donc on ne profite pas des primes comme peuvent avoir d’autres collègues sur d’autres races. En 2021, on a eu 410 €/1000 l de prix moyen et 418 €/1000 l en 2022, c’est moins que le conventionnel. »

Passer de Biolait à Sodiaal

Les associés du Gaec ont choisi de changer de laiterie. Engagés encore pour deux ans, ils ont rompu leur contrat (avec des pénalités à verser donc), mais ils assument : « On ne part pas fâchés, on était bien chez Biolait, seulement aujourd’hui on ne s’y retrouve plus. » Une décision pas toujours bien comprise chez certains collègues de la laiterie : « Ils nous disent qu’il faut serrer les dents et attendre, mais on a un outil à faire tourner. Si on veut gagner notre vie, et motiver des jeunes à s’installer à leur tour, il nous faut un prix correct. »

Encore récemment, on ne savait pas bien si notre lait vendu par Biolait partait en bio ou en conventionnel. Là c’est clair : il part dans le circuit conventionnel de Sodiaal.

Sodiaal, Lactalis, Danone : ils avaient plusieurs possibilités et ont opté pour la première. « On est attachés au modèle coopératif et l’usine Candia est à 20 km de chez nous. » Sodiaal est aussi la seule laiterie du secteur à collecter du lait bio.

Le hic ? C’est qu’ils ne prennent pas de nouveaux producteurs bio pour le moment. Le lait du Gaec part donc en conventionnel. « On a un contrat de 5 ans sur 650 000 litres. Pour l’instant, le prix 2023 est annoncé à 450 €/1000 l, donc au-dessus de notre ancien prix bio. On n’a pas de vision à long terme, mais on espère que ça reparte et que notre lait sera valorisé en bio à terme. »

« Il faut faire repartir la demande »

Pourquoi ne pas se déconvertir ? Hors de question pour l’éleveur : « On a bâti notre système autour de l’autonomie avec par exemple une production de soja toasté, des mélanges céréaliers… Notre objectif n’est pas de produire plus, mais mieux. En cherchant la marge au litre. On n’est pas dépendants des cours des matières premières, sauf celui du lait forcément. » Et à ce niveau-là, une autre solution apparaît : la transformation laitière. Mais Jean-Luc est formel : « Il y en a déjà beaucoup dans notre secteur et c’est un autre travail qui demande de gros investissements (en argent et en temps). Nous sommes passionnés par les vaches, pas par la gestion du personnel qu’il faudrait pour transformer notre lait ! »

L’éleveur reste optimiste : « On croit en l’avenir du lait, et du lait bio. La crise va peut-être durer encore un an ou deux, on ne sait pas. J’espère qu’on arrivera à communiquer auprès des consommateurs sur les vraies valeurs de l’agriculture biologique, qu’ils comprennent que ce n’est pas qu’un logo, mais une démarche globale. »

Il y a eu trop de conversions bio ces dernières années afin de tirer le marché. Pourtant, le bio est le premier aliment qui déguste dans les rayons à cause de son prix.

« Ce ne sont pas les 10 millions d’euros débloqués par le gouvernement qui vont nous aider. Ça c’est un coup d’épée dans l’eau… Il faut commencer par faire appliquer la loi avec les 20 % de produits bio en RHD. Ensuite, il va peut-être y avoir des déconversions, notamment pour les élevages les moins autonomes. Ce serait dommage mais au niveau économique, ils n’auront peut-être pas le choix… » Jean-Luc et ses associés restent sereins : « On a fini de payer nos investissements sur l’élevage donc on est un peu plus solides face à la crise, mais c’est justement maintenant qu’on aimerait vivre de notre métier et avoir des perspectives d’avenir. »

Si le lait conventionnel retombe à des 350 €/1000 l comme il a pu l’être, il n’y aura plus de lait bio. Il n’y aura même plus de production laitière en France…