Accéder au contenu principal
Renouvellement des générations

« Elevage laitier : la vague des départs est passée »


TNC le 18/04/2024 à 12:30
graphe1-480x270-1

Evolution du nombre d eleveurs (© © TNC)

« Les 50 % d'éleveurs laitiers, devant cesser leur activité d'ici 10 ans, sont partis », estime l'idele, comme le prévoyaient les projections. L'avenir s'annoncerait donc moins sombre, à condition que les installations se maintiennent voire augmentent. Donc que le métier redevienne plus attractif.

« Depuis de nombreuses années, on entend que 50 % des éleveurs seront à la retraite dans les 10 ans. On y est : ils sont en train de partir, voire sont déjà partis. Le pic de la vague de départs d’éleveurs laitiers est passé depuis 2023 », fait remarquer Christophe Perrot, chargé de mission au service « économie de l’élevage et territoire » à l’idele, en ouverture de son point sur la démographie de la filière laitière, pour la 11e édition du Grand angle lait le 4 avril 2024.

Les éleveurs sont déjà partis.

La décennie visée dans cette anticipation est désormais derrière nous. « Le choc démographique, prévu pour 2018-2023, a été conforme aux prévisions montrées lors du même événement en 2021 : 30 % des producteurs en place en 2018 ne sont plus là en 2023 (courbe orange) et 50 %, neuf ans plus tard, d’ici 2027 », appuie-t-il.

(© idele)

Un « choc démographique » qui s’avère conforme aux projections

Pourtant, d’après la MSA, l’élevage laitier reste le premier pourvoyeur d’emplois non-salariés en agriculture. Mais, les effectifs reculent trois fois plus vite que la moyenne tous secteurs confondus, emmenant dans leur chute ceux du cheptel de vaches laitières. Cette décapitalisation, dont on ne cesse également de parler, « s’accélère depuis 2018 en lait comme en viande », pointe le spécialiste. Et s’accompagne d’un recul marqué de la production laitière.

Dans la filière lait : les effectifs chutent 3 fois plus vite.

Heureusement, dans le même temps, de jeunes éleveurs se sont installés (courbe verte), compensant en partie ces départs, prévisibles (nombre croissant d’exploitants de plus de 55 ans) mais aussi précoces. « Avec les retraites que nous pouvons prévoir compte tenu de l’âge des producteurs de lait, et l’hypothèse la plus probable d’installations plutôt stables, la projection en termes d’effectifs pour les six prochaines années ne forme pas une droite : le phénomène s’atténue donc. »

Pourquoi s’atténue-t-il ?

Plusieurs raisons peuvent être invoquées. Premièrement, la pyramide des âges spécifique à la filière, très pointue vers le haut, la classe des 55 à 60 ans étant largement exédentaire et déficitaire au-delà. « Ils sont moins nombreux à continuer de travailler, en raison des astreintes et de la pénibilité de certaines tâches, qu’en viande bovine et surtout productions végétales, où le recours à la sous-traitance et au salariat est davantage possible », note Christophe Perrot.

(© idele)

Les producteurs laitiers travaillent moins longtemps.

Deuxième explication : la restructuration du secteur laitier, massive dans les années 90, liée à la politique de « pré-retraite » menée par le gouvernement, avec des aides à la cessation d’activité pour les petits troupeaux. « La stabilité des entrées dans le métier entre 2015 et 2023 est rassurante pour l’avenir, même si elle est nettement insuffisante pour remplacer les sorties », reprend Christophe Perrot.

Un phénomène désormais « contrôlable »

Autrement dit : le fort recul du nombre d’éleveurs laitiers est plus imputable à l’abondance de ces dernières qu’à une diminution des installations. Et comme les départs vont diminuer, leur taux de remplacement devrait progresser, du très bas 45 % actuel (il était même descendu à 35 % en 2029), le plus faible de toutes les productions agricoles (sachant que la moyenne est de 70-80 %), aux alentours de 60 % à horizon 2030. À condition que « les installations se maintiennent », répète l’expert.

Une hausse du taux de remplacement de 40 à 60 %.

(© idele)

« Les cessations prévisibles (inhérentes à l’âge), certes importantes mais pour beaucoup dans de plus petites exploitations, sont cependant moins problématiques que les 15 % ayant été anticipées et les départs d’associé(s) dans les Gaec qui entraînent fréquemment l’arrêt du lait », met-il en avant. Comme dans son introduction, il conclut sur une touche positive : « la reprise progressive, après 2023, du contrôle possible de la transition démographique en élevage bovin lait, si brutale depuis 2018. »

À condition que le métier soit attractif

Celle-ci n’est toutefois envisageable que si le renouvellement des générations de producteurs laitiers est mieux assuré, avec non pas autant mais plus de jeunes qui s’installent qu’actuellement. Cela nécessite de poursuivre la réflexion sur l’attractivité du métier d’éleveurau travers des trois composantes que sont l’image et l’acceptabilité sociétale de l’élevage, l’accessibilité au foncier et au capital, et les conditions de travail.

Travailler sur l’image de l’élevage, l’accès au foncier et capital, les conditions de travail.

Sur le premier point, « les grandes exploitations ont plus de mal à se développer en France qu’à l’étranger », rappelle Christophe Perrot. Sur le foncier, il invite à réfléchir aux systèmes de portage, en plein essor. Puis, concernant le capital, aux modalités de prêts ou de participation, pourquoi pas s’inspirer de l’exemple des Pays-Bas, qui expérimentent de nouveaux modes d’actionnariat dans les exploitations de grande taille ?, suggère-t-il.

Choc de robotisation.

Quant à l’exercice même de la profession, il évoque un autre « choc », celui de la robotisation. « En un an, le pourcentage de fermes équipées a augmenté de 5 points face à l’agrandissement des structures et, en parallèle, la stagnation du salariat en élevage, après une augmentation nette de 2007 à 2015. » Le redynamiser en le rendant plus attractif fait partie des principaux enjeux pour renouveler les éleveurs.