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Nuisance, folklore ou nécessité ? Les cloches au cou des vaches font débat


TNC le 30/04/2024 à 11:01
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D'après une étude suisse, le port de la cloche entraîne une diminution du temps d'ingestion et de rumination. (© Jerome Perdriolle)

Sur Twitter, Timothée Dufour, également connu sous le nom d’avocat des champs, prend la défense d’un éleveur mayennais, pointé du doigt pour le bruit de cloches de ses Normandes. Mais au-delà de l’opposition entre urbains et ruraux se pose une véritable question de bien-être animal. Et s’il est prouvé que la cloche peut-être incommodante pour les bovins, elle s’avère tout de même parfois utile en montagne !

Clarines, toupins, sonnailles, grelots… L’argot des cloches est intarissable et rappelle à quel point elles appartiennent au patrimoine sonore de nos campagnes. Mais entre tradition et bien-être animal, gêne auditive et vaches perdues en alpages, la pratique fait débat jusque sur X (anciennement Twitter). En cause ? Un coup de gueule de Timothée Dufour, alias l’avocat des champs, pour défendre un agriculteur de Mayenne poursuivi pour le bruit des cloches de ses vaches.

Un éleveur sommé de réaliser une étude sonore

Éleveur laitier en agriculture biologique dans les Alpes Mancelles, une région de Mayenne composée de petites vallées encaissées, l’exploitant a doté une « dizaine de vaches » de cloches, pour « les localiser » et « éloigner les prédateurs » explique l’avocat. La pratique n’est pas au goût de tous. « Les services de l’Etat invitent la Préfète à mettre en demeure l’éleveur de réaliser une analyse des émissions sonores émises par les cloches des vaches laitières » poursuit l’homme de droit, avant de conclure, « il n’y a donc pas que les néoruraux qui embêtent nos agriculteurs pour de prétendues nuisances ».

Mais au-delà de la gêne déplorée par les voisins, les avis divergent sur l’usage des sonnailles, même parmi les agriculteurs. « Les cloches sur les vaches, est-ce du bien-être animal, ou pas ? », lance Etienne Agriyoutubeurre sur les réseaux. « Il faudrait demander aux vaches… Visiblement ce n’est pas le kiff » estime l’éleveur normand. La comportementaliste bovin Pauline Garcia abonde dans ce sens : « la cloche entraînerait de la surdité, des douleurs cervicales, mais également une baisse de la rumination et de l’ingestion » lance l’experte dans une capsule TikTok.

Baisse de l’ingestion et de la rumination

Preuve en est avec une étude menée par Julia Johns, agronome pour l’université de Zurich en 2016. Car s’il est bien un pays où les vaches portent des cloches, c’est en Suisse. Le comportement de Brown Swiss, coutumières du port de la cloche a ainsi été analysé durant trois jours selon différentes modalités. Un premier lot d’animal (témoin) était dépourvu de cloches, un second en portait, et un dernier groupe arborait une cloche silencieuse, dont le battant avait été enlevé.

Résultat : les vaches porteuses de cloches ont passé moins de temps à manger, et à ruminer que les autres. Compter 2 h d’ingestion en moins pour les vaches aux cloches silencieuses, et 40 minutes pour les vaches avec une cloche fonctionnelle. La durée de rumination s’est vue réduite de 2h40 pour les vaches porteuses d’une cloche sans battant, et de 2h10 pour les Brown Swiss avec une cloche audible. « Cela semble monter que plus que le son, le poids de la cloche affecte le comportement des bovins » constate la chercheuse. La cloche a également eu des conséquences sur la fréquence des mouvements de tête des vaches.

Difficile cependant d’estimer la gêne auditive. L’étude a mis en évidence le fait que le tintement de la cloche n’avait pas d’impact sur le rythme cardiaque des bovins. Mais certains estiment que le chant de la cloche, dépassant facilement les 80 décibels à longueur de journée, ne peut être anodin.

Un GPS auditif

Mais les sonnailles ornent le cou des Montbéliardes depuis des siècles, non sans raison. Pour nombre d’éleveurs, la cloche n’est pas qu’un élément de folklore. Ce GPS ancestral permet de retrouver les animaux en estive à l’oreille parmi les nappes de brouillard, ou mieux, d’avoir des éléments sur le comportement du troupeau. Et pour cause, les estives s’étendent parfois sur plusieurs dizaines d’hectares, plus ou moins escarpés. À une époque où les attaques de loups redoublent de force, le tintement des sonnailles pour aider à faire fuir les prédateurs, ou à défaut, avertir l’éleveur par le brouhaha causé.

Car si nombre de détracteurs dénoncent le bruit des cloches comme assourdissant, d’autres savent les écouter. À l’oreille, les plus aguerris savent dirent quelle vache manque à la traite, et le silence venant du pré indique à l’éleveur que tout le troupeau a bien mangé et rumine tranquillement. D’autres, comme Timothée Dufour sur Twitter, leur attribuent même des vertus « rassurantes » pour le bétail. Alors autant dire que la pratique ancestrale n’a pas fini de faire débat, même avec l’arrivée des GPS.