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Aléas climatiques

Sécheresse historique et canicule mettent à mal l’agriculture française


AFP le 02/08/2022 à 10:05
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Le maïs non irrigué souffre grandement du manque d'eau, se desséchant sur pieds par endroits. (©TNC)

Dans les champs, alors que les cultures souffrent de la chaleur et de la sécheresse, les restrictions d'eau inquiètent le monde agricole, notamment pour la culture du maïs dont la production s'annonce déjà très touchée par les aléas climatiques.

Les effets cumulés de la sécheresse et du manque d’eau ont lieu « pendant la pollinisation » du maïs, période cruciale, explique Xavier de Castelbajac, responsable commercialisation céréales chez Maïsadour, groupe coopératif qui compte 70 000 hectares de maïs en France.

Le maïs est généralement semé entre avril et mai, « les plantes vont grandir et début juillet arrive la période de pollinisation », puis la fleur « va féconder la plante et grâce à cette fécondation un épi va se former avec des grains de maïs », avant d’être récolté début octobre, explique Xavier de Castelbajac.

Le groupe, dont 60 % des parcelles sont irriguées, constate une nette différence par rapport à celles qui ne le sont pas : la baisse de rendement est estimée entre 10 et 20 % pour les unes contre une chute de 50 %, « voire plus » , sans irrigation.

À l’échelle nationale, la proportion de parcelles de maïs grain considérées en état « bon à excellent » est passée de 75 % à 68 % en une semaine, selon le dernier baromètre CéréObs de FranceAgriMer publié le 29 juillet.

La sécheresse et la succession de trois vagues de chaleur, directement imputées par le consensus scientifique au changement climatique, ont sévèrement fait chuter les débits des cours d’eau dans de nombreuses régions, multipliant les mesures de restriction d’eau, concernant parfois les usages agricoles.

En France sur un volume annuel d’eau consommé estimé à 5,3 milliards de mètres cubes par an, l’agriculture est la première activité consommatrice d’eau (c’est-à-dire prélevée et non restituée aux milieux aquatiques) avec 45 % du total d’eau consommée, devant le refroidissement des centrales électriques (31 %), l’eau potable (21 %) et les usages industriels (3 %), selon le ministère de l’Agriculture.

« Plus rien à faire »

Face à la sécheresse des sols, « l’irrigation est le seul moyen de garantir des niveaux de rendement pour le maïs. Derrière, des filières comptent sur nous », notamment pour l’alimentation animale dont le maïs est l’une des principale composante, plaide Xavier de Castelbajac.

Mais « ce qui est problématique par rapport à cet usage est que cette consommation a lieu spécifiquement pendant une période où la ressource est très peu disponible », souligne Éric Sauquet, directeur de recherche en hydrologie à l’Inrae.

« La sécheresse hydrologique est la conséquence, en général, d’un déficit de pluie constaté soit les jours précédents soit les mois avant, et le phénomène de recharge des nappes n’a pas eu lieu », mais habituellement c’est « ce stock cumulé en hiver qui va permettre d’avoir un soutien pendant la période estivale lorsque le cours des eaux est faible », explique le chercheur Cette année, « la réponse à très court terme pour le maïs déjà semé c’est qu’il n’y a plus rien à faire », dit Christian Huyghe, directeur de recherche en agriculture à l’Inrae.

Un frein à l’adaptation

La FNSEA plaide en faveur d’un meilleur stockage de l’eau avec des retenues, remplies par les eaux de surface et les eaux de ruissellement. « La France, c’est 28 millions d’hectares de surface agricole utile (SAU) et 1,7 million d’hectares sont irriguées donc 5 % de la SAU », résume Christian Huygue.

Mais « l’impact de ces retenues sur les milieux naturels, certainement pas neutre, interroge encore les scientifiques », souligne Éric Sauquet.

Considérées comme « un frein à l’adaptation au réchauffement climatique », parier sur les retenues collinaires (stockages d’eau) et les bassines de rétention d’eau pour garantir les rendements en agriculture, « c’est donner l’illusion que le système peut perdurer alors qu’il y aura certainement d’autres blocages à un moment ou à un autre », quand « on sait que la taille du gâteau va diminuer », explique le chercheur.

Si le stockage de l’eau et l’irrigation sont considérés comme l’un des leviers pour protéger l’agriculture, « d’autres existent » cependant, disent les chercheurs : repenser le système de production, changer de culture, faire de la polyculture, ou encore de l’agroécologie.