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Bilan campagne 2019/2020

Retour sur un printemps confiné aussi pour les maladies des céréales à paille


TNC le 04/11/2020 à 10:23
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2020 est l’année où les blés ont été les moins exposés depuis plus de 15 ans en France, selon Arvalis. (©TNC)

Le temps sec du printemps 2020 a fortement limité la pression maladies des céréales à paille la campagne passée. De plus, l’évolution des pratiques et le développement des variétés de blé tendre résistantes aux maladies notamment ont permis fréquemment de se passer complètement du T1. Les experts Arvalis, Jean-Yves Maufras et Claude Maumené, font le point.

Si les conditions sèches du printemps 2020 ont fortement altéré le potentiel de rendement des céréales à paille, elles ont cependant été favorables à leur santé. En effet, la pression maladies des blés français a été relativement faible : « peu de septoriose, pas ou peu de rouille, peu de fusariose (sauf localement sur certaines productions de blé dur dans le sud) », a rappelé Jean-Yves Maufras, ingénieur Arvalis-Institut du végétal lors d’un point presse maladies des céréales à paille sur la campagne passée.

Revoir : Moisson catastrophique – Le revenu sera négatif pour plus de 50 % des céréaliers, alerte l’AGPB
 [Data] Moisson 2020 – Un rendement moyen de 68,3 q/ha en blé tendre

Autre point marquant : « désormais, plus du tiers des variétés de blé cultivées en France présentent un bon niveau de résistance à la septoriose (44 % en 2020), une des maladies les plus préoccupantes. C’est trois fois plus qu’il y a 10 ans ». L’expert Arvalis rappelle l’importance de la génétique pour réduire le recours aux fongicides. « Ainsi, sur la campagne écoulée, la nuisibilité moyenne des maladies n’a été que de 7,8 q/ha alors que ces dernières années elle est en moyenne de 16,4 q/ha, ce qui en fait l’année où les blés ont été les moins exposés depuis plus de 15 ans en France ».

Nuisibilité moyenne des maladies dans les essais de blé tendre entre parcelles traitées et non traitées (q/ha) (©Arvalis-Institut du végétal)

Le constat est relativement similaire sur orges d’hiver, où la nuisibilité est d’environ 8,2 q/ha en 2020, contre 15,1 q/ha pour la moyenne pluriannuelle.

Le recours au T1 réduit de 30 % par rapport à 2019

Avec l’évolution des pratiques et comme le présentent les équipes Arvalis depuis plusieurs années, le premier traitement fongicide des céréales (T1), réalisé entre les stades 1 et 3 nœuds, « ne se justifie ainsi, que si les modèles de prévision (type Septo-LIS) « déclenchent » et si la rouille jaune est en place précocement ». Et au printemps 2020, « la très faible présence de septoriose et de rouille, avec une nuisibilité en moyenne de 2 q/ha, n’a pas justifié d’intervention dans ces conditions », ajoute Jean-Yves Maufras. De ce fait, seuls 1,9 des 4,2 millions de blé tendre ont reçu un T1 cette campagne, soit une proportion réduite de 30 % par rapport à 2019. Et lorsqu’un premier traitement était nécessaire, le biocontrôle a joué son rôle : « dans un contexte de diminution des premières interventions, le soufre a permis de protéger le blé sans trop dépenser avec une solution 100 % biocontrôle sur plus de 250 000 ha. »

Voir à ce sujet : Protection fongicide céréales : « un T1 de moins en moins justifié »

Pour les mêmes raisons climatiques, « le T3, plutôt destiné à lutter contre la fusariose n’avait aucun intérêt », indique Claude Maumené, ingénieur Arvalis. « Seul le T2 appliqué au stade dernière feuille étalée, était nécessaire. Les producteurs de blé tendre français n’ont ainsi appliqué qu’1,9 traitement fongicide en 2020 au lieu de 2,2 ces dernières années. »

« La stratégie du semis décalé pas si évidente »

Outre le choix génétique (résistance aux maladies), le recours à des outils d’aide à la décision (OAD) et au biocontrôle, il est souvent recommandé de retarder la date de semis pour « cultiver moins de maladies ». Mais « cette stratégie s’est révélée harsadeuse pour la campagne 2019-2020 », souligne Claude Maumené. Comme pour les agriculteurs, les essais Arvalis, prévus avec 10-15 jours de décalage, ont en fait été décalés de 28 jours en moyenne. Ce qui a entraîné « des pertes de productivité plus importantes que les bénéfices espérés sur la protection » : – 12,8 q/ha selon les essais Arvalis entre la date D1 et la date D2 (D1 + 28 jours) sur témoin non traité.

Voir également : Céréales à paille – Semis tardifs : opérer les bons choix

Claude Maumené a également fait le point sur l’évolution des résistances pour la septoriose (Z. tritici) avec le Réseau Performances blé 2004-2020 : « on observe une progression des souches résistantes aux triazoles (TriHR 58 %, contre 43 % en 2019) et une stabilité des souches multidrogues résistantes (MDR 28 %, contre 26 % en 2019). Au total, plus de trois souches sur quatre (86 %) en France sont fortement résistantes aux triazoles. Les souches résistantes aux SDHI (CarR) continuent d’être sélectionnées et actuellement, 18 % des souches sont de type CarR (13 % en 2019) ».

Distribution de la résistance aux IDM, aux SDHI et des souches multidrogues en 2019 et 2020 (©Arvalis-Institut du végétal)

À retenir pour le printemps prochain

Face à toutes ces observations, les experts recommandent pour la campagne 2020/2021 : 

  • « Éviter les traitements précoces lorsqu’ils ne sont pas nécessaires, en valorisant les tolérances variétales et les OAD. »
  • « Adapter la dose de produit employé à la pression parasitaire estimée et à la sensibilité variétale. »
  • « Limiter le nombre d’applications pour espérer ralentir la pression de sélection (éviter les applications peu ou pas utiles). »
  • « Diversifier les modes d’action (un nouveau mode d’action QiI est disponible pour 2021) et les substances actives au sein d’un même mode d’action, en particulier ne pas utiliser (si possible) le même triazole plus d’une fois par saison. »
  • « Limiter l’utilisation des SDHI et les QoI à un seul passage par saison. »
  • « Associer les SDHI systématiquement à d’autres modes d’action (triazole, picolinamides, multisite…). »