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Cours des céréales

Les matières premières flambent, mais le blé et le maïs n’en profitent pas


AFP le 10/04/2024 à 10:15
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« Ce que voit le marché, c'est qu'Ukraine et Russie continuent à exporter davantage que l'an dernier », en blé comme en maïs, pointe Rich Nelson, d'Allendale. (© deyana, AdobeStock )

Les cours du blé et du maïs piétinent des deux côtés de l'Atlantique, toujours pénalisés par une offre abondante, qui ne leur permet pas de bénéficier de l'essor d'autres matières premières, principalement métaux et pétrole.

« Les marchés céréaliers hésitent vraiment », selon Damien Vercambre, du cabinet Inter-Courtage, après avoir rebondi durant la seconde quinzaine de mars.

Il y a pourtant « plein d’éléments » susceptibles de relancer les prix du blé, relève Gautier Le Molgat, PDG d’Argus Media France, qui mentionne « un peu de stress sur le sec en Russie, beaucoup d’eau en France, le doute sur les perspectives de production en Inde. »

« Il y a des risques potentiels », reconnaît Rich Nelson, d’Allendale, « mais ce que voit le marché, c’est qu’Ukraine et Russie continuent à exporter davantage que l’an dernier », que ce soit pour le blé ou le maïs.

Pire, « tous les analystes sont en train de remonter leurs chiffres de production » de blé russe pour la prochaine campagne, rappelle Damien Vercambre. « La tendance est que, même à quelques millions de tonnes de moins que cette année, les Russes auront toujours la même force de frappe. »

Le blé a aussi été affaibli par le rapport hebdomadaire sur la qualité des cultures aux États-Unis, publié lundi, selon lequel 56 % des surfaces de blé sont en « bon » ou « excellent » état, contre seulement 27 % au même stade en 2023.

Inquiétude sur les perspectives de l’éthanol

Quant au maïs, outre les volumes ukrainiens et brésiliens qui inondent le marché et sapent les cours européens et américains, le secteur s’inquiète, aux États-Unis, des perspectives de l’éthanol.

Selon l’agence Reuters, le gouvernement de Joe Biden s’apprête à mettre en place des règles plus strictes que prévu pour son utilisation dans la production de carburant d’aviation durable (SAF), ce qui pourrait priver l’industrie de certains débouchés.

Cette mesure s’ajouterait aux nouvelles normes, publiées fin mars, sur les émissions des automobiles, dont l’Association des producteurs de maïs (NCGA) a estimé qu’elles « ignoraient les bénéfices de l’éthanol », se concentrant surtout sur les véhicules électriques.

« Beaucoup d’analystes se posent maintenant la question de savoir si l’éthanol et le biodiesel à partir du soja ne vont pas être considérés comme des sources d’énergie anciennes », au même titre que les produits pétroliers raffinés, « et voir leurs volumes stagner », explique Michael Zuzolo, de Global Commodity Analytics and Consulting.

« Les matières premières agricoles ont leurs propres fondamentaux »

Ce phénomène, couplé à une récolte mondiale massive de maïs, justifie, en partie, l’incapacité de la céréale, tout comme le blé, à prendre l’aspiration d’autres matières premières en pleine ascension, en particulier le pétrole.

Les oléagineux, davantage liés à l’or noir, s’en sont mieux tirés, que ce soit l’huile de palme ou le colza, à l’exception du soja. Ce dernier est lesté par la vitalité de l’offre, encore dynamisée par un report du maïs vers ce légumineux dans les surfaces cultivées cette année aux États-Unis par rapport à l’année précédente. 

« Il n’y a pas de corrélation parfaite entre les matières premières agricoles, qui ont leurs propres fondamentaux, et les autres », souligne Gautier Le Molgat.

« Néanmoins, dans la gestion de gros portefeuilles (d’investissement), si les matières premières au sens large commencent à repartir à la hausse, il y aura, à un moment donné, des écarts de prix qui feront que les gens rentreront aussi dans les matières premières agricoles », dit-il. « Mais pour le moment, ce n’est pas encore le cas. »

Que vont faire les spéculateurs ?

Pour Michael Zuzolo, de nouveaux chiffres d’inflation américains (prix à la consommation mercredi et à la production jeudi), associés à la publication du rapport mensuel Wasde du ministère américain de l’agriculture (USDA) sur les récoltes et les stocks mondiaux pourraient raffermir le marché.

Ces données sont de nature à inciter les fonds spéculatifs à se repositionner et à réduire la taille de leurs paris à la baisse sur les cours, selon l’analyste, alors que le marché entre dans une période incertaine, durant laquelle les conditions météorologiques vont être cruciales.

« En avril, il y a rarement de grosses nouvelles » dans le rapport Wasde, prévient néanmoins Gautier Le Molgat. Les opérateurs attendent une possible révision à la baisse des estimations de récolte de maïs et de soja au Brésil, qui a souffert de conditions défavorables. 

Mais pour Rich Nelson, « même si l’USDA diminue ses chiffres (…), cela ne remettra pas en cause la vision qu’a le marché de la récolte en Amérique du Sud », attendue à un niveau très soutenu.