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Témoignages en Eure-et-Loir

Un financement de 130 à 600 €/ha pour préserver la qualité de l’eau


TNC le 29/04/2024 à 10:10
Champsvusdenhaut

Les agriculteurs éligibles peuvent encore émettre une demande de contractualisation du PSE de Chartres métropole, lancé en 2021, jusqu'au 30 août prochain. (© CC)

En 2021, Chartres métropole a mis en place un paiement pour service environnemental (PSE), qui encourage les agriculteurs des aires d’alimentation de captage du territoire à consacrer une partie de leur surface exploitée à des cultures de diversification à bas niveau d’impact (CBDI). L’objectif : « préserver la qualité de l’eau des nappes souterraines, vis-à-vis des nitrates et des produits phytosanitaires ».

Sur les 37 forages alimentant l’agglomération chartraine, « quelques-uns dépassent parfois le seuil des 50 mg/l de concentration en nitrates (limite fixée par la réglementation pour l’eau du robinet). Ce qui oblige une opération de dilution avec l’eau provenant d’autres forages, ou bien une étape de dénitrification (coût entre 0,10 et 0,30 €/m3) », explique Alain Bellamy, vice-président de Chartres métropole délégué à l’eau potable et à l’assainissement.

Pour limiter ces soucis, la métropole a initié dès 2009 une démarche de reconquête de la qualité de l’eau. Et la dernière action en date est le lancement d’un paiement pour service environnemental en 2021. En quoi consiste-t-il ?

34 agriculteurs engagés depuis 2021

L’idée est de proposer aux agriculteurs du territoire, qui le souhaitent, de consacrer une partie de leur surface à des cultures de diversification à bas niveau d’impact (CDBI). En contrepartie, Chartres métropole rémunère le service rendu pour la préservation des nappes souterraines. 

En trois années de contractualisation au dispositif, 34 agriculteurs se sont engagés, ce qui représente 4 600 ha d’exploitation et plus de 1 000 ha de CBDI sur les 33 000 ha regroupant les aires d’alimentation de captage de la métropole.

Chartres métropole compte 11 aires d’alimentation de captages, qui s’étendent sur plus de 40 communes. (© Chartres métropole)

Parmi les espèces majoritairement choisies : sarrasin, sorgho, tournesol, chanvre, millet et miscanthus. Elles ont pour intérêt commun « d’avoir un impact favorable sur la qualité de l’eau » :
– « En limitant l’utilisation de produits phytosanitaires : cultures économes, avec un pouvoir étouffant intéressant contre les adventices ou permettant le recours au désherbage mécanique… » ;
– « En réduisant les pertes de nitrates en captant l’azote potentiellement lessivable : cultures en place jusqu’à la fin de l’été, voire le début d’automne ou cultures impliquant l’obligation d’implanter un couvert d’interculture. »

« Sécurisation financière »

Installé dans le Thymerais, Frédéric André s’est investi dans le PSE depuis deux campagnes. Le contexte de changement climatique et la gestion des adventices difficile dans son système historique colza-blé-orge l’ont incité à allonger sa rotation avec des cultures de printemps, le sorgho et le tournesol en l’occurrence. « Le débouché local et la sécurisation financière du PSE sur 5 ans permettent d’adapter les itinéraires et de progresser plus sereinement sur la technique », témoigne l’agriculteur.

« La culture du sorgho grain est assez récente dans le secteur. Au départ, j’ai démarré avec un semoir en ligne, puis on s’est rendu compte que ça fonctionnait mieux avec un semoir monograine. Avec un choix variétal plus adapté aussi, on a pu multiplier par deux le rendement en deux ans. L’allongement de la rotation s’intègre dans un système global pour limiter le recours aux herbicides et aux engrais azotés : davantage de faux-semis, limitation du labour, réflexion sur le désherbage mécanique et la conduite des Cipan… », précise Frédéric André. Sur tous ces sujets, il peut compter sur l’appui technique de Chartres métropole. Des échanges avec le groupe d’agriculteurs et des journées techniques sont notamment organisés.

Le financement du PSE varie entre 130 et 600 €/ha de CDBI (possible jusqu’à 20 % de l’exploitation et uniquement sur les cultures principales). « Différents critères sont pris en compte, en ce qui concerne la fertilisation azotée moyenne de l’exploitation de l’agriculteur. Dès lors que cette dernière est inférieure à 160 kgN/ha, un bonus est accordé et permet à l’agriculteur d’atteindre plus rapidement le plafond de 600 €/ha », explique Fanny Soulard, chargée de mission protection de la ressource en eau pour Chartres métropole. « Chaque agriculteur signe un contrat avec la métropole en début de campagne et son paiement est validé à la fin, après vérification des engagements tenus (mise en place des CDBI, itinéraires techniques…). »

Alain Bellamy soulève toutefois un bémol sur la campagne dernière : « les agriculteurs ont reçu leurs paiements 3 mois après la date prévue, à cause d’un retard de l’administration. Il est nécessaire de respecter les délais ».

Un travail sur le temps long

S’il est encore trop tôt pour évaluer les bénéfices de ces pratiques, le vice-président de Chartres métropole délégué à l’eau potable et à l’assainissement prévoit de réaliser un bilan au bout des 5 ans de ce PSE. « Selon l’Agence de l’eau Seine-Normandie, les actions actuelles auront un effet d’ici 15-20 ans, compte tenu de la profondeur des nappes souterraines. C’est un travail sur le temps long », explique-t-il. « En tout cas, la concentration en nitrates n’augmente plus sur nos forages. »

« On aimerait intensifier la démarche et embarquer jusqu’à 50 agriculteurs », ajoute Alain Bellamy. Les volontaires ont jusqu’au 30 août 2024 pour proposer leur candidature. Pour le moment, « le PSE est programmé sur une période de 5 ans et on ne sait pas si le concept pourra être pérennisé ».

Alain Bellamy, vice-président de Chartres métropole délégué à l’eau potable et à l’assainissement, Frédéric André, agriculteur engagé dans le PSE, et Fanny Soulard, chargée de mission protection de la ressource en eau de Chartres métropole. (© Terre-net Média)

En parallèle, la métropole vient d’engager un plan résilience sur les ressources en eau, avec notamment la recherche de nouveaux forages. « Nous avons un gros travail aussi sur la recherche de fuites, la mise en place de la télérelève et de compteurs intelligents. La réutilisation des eaux usées traitées est également envisagée pour arroser les espaces verts, on est en attente de la réglementation à ce sujet. »