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Exportations de céréales

L’Algérie restera-t-elle encore longtemps le premier client du blé français ?


TNC le 19/02/2020 à 09:03
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Durant la campagne 2018/19, l'Algérie a importé 7,5 Mt de blé, dont 5,1 Mt de blé français. (©TNC)

L'Algérie constitue le principal débouché du blé français à l'export. La part d'origine tricolore dans les imports du pays varie chaque année, et pourrait bien être réduite dans les années à venir face à la concurrence grandissante du blé russe. Par ailleurs, la lutte contre la corruption au sein de l'OAIC, organisme d'État pour l'importation des céréales, devrait permettre à l'Algérie de rationaliser davantage ses utilisations de blé.

L’Algérie est à ce jour le principal débouché du blé français à l’export. Les quantités exportées varient selon les années vers cette destination et dépendent principalement des productions algériennes et françaises, mais aussi des prix des concurrents. Toutefois, la France pourrait perdre sa place fragile de leader, entre la Russie qui cherche à pénétrer le marché et devenir un fournisseur du pays, et l’Algérie qui, de son côté, cherche à rationaliser ses achats en luttant contre la corruption au sein de l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC), un organisme étatique en charge de la majeure partie des achats de céréales pour le pays.

Chaque année, entre 20 et 25 % des exportations françaises de blé se font à destination de l’Algérie, sauf en 2013/14 et 2018/19, où elles sont montées à 30 %. Ramenées aux exportations françaises vers pays tiers, ce sont en moyenne (de 2010/11 à 2018/19) plus de deux tonnes sur cinq qui partent vers l’Algérie. En 2017/18 et 2018/19, c’était même plus d’une tonne sur deux !

Quant à la part de marché du blé français dans les importations algériennes, elle fluctue elle aussi. Sur les campagnes 2010/11 à 2018/19, c’est en moyenne 56 % du blé importé par l’Algérie qui était originaire de France. Au cours de la campagne 2018/19, le pays a importé 68 % (5,1 Mt) de blé d’origine française. En 2016/17, la part de marché française s’est effondrée et n’a été que de 27 %. Mais la raison vient du fait que la production française était catastrophique cette année là, avec en plus une qualité qui n’était pas au rendez-vous. La France n’a donc pas été en mesure de subvenir aux besoins du plus grand pays du Maghreb. 

L’origine française était, par le passé, fortement appréciée par les décideurs africains, qui lui donnaient une large préférence en dehors de toute considération de prix. Mais aujourd’hui, le prix est devenu un facteur déterminant. 

Vers plus de blé russe en Algérie

L’Algérie importe principalement en provenance de France, mais également des autres grands exportateurs tels que l’Argentine, le Canada ou encore les États-Unis. Mais depuis quelques temps, l’Algérie, dont l’économie reste fragilisée par une grande dépendance aux fluctuations des hydrocarbures, cherche à diversifier ses fournisseurs pour acheter moins cher son blé. Elle prospecte notamment du côté de la mer Noire, au grand bonheur de la Russie.

Lire aussi : La Russie veut chasser le blé français des fournils algériens

Cependant, le critère qualité est primordial pour le pays et n’est pas toujours garanti par les autres origines que celles de son fournisseur « traditionnel », la France. Les hautes exigences du pays l’ont déjà conduit par le passé à refuser des cargaisons, notamment en provenance d’Argentine.

Jusqu’à présent, le blé russe était limité en Algérie du fait d’un seuil de dégâts causés par des insectes fixé à 0,1 % sur les cargaisons, qu’il pouvait difficilement respecter. Au dessus de cette limite, les bateaux qui arrivent sont systématiquement refusés. Mais la Russie vient de gagner une « approbation préliminaire », a déclaré le responsable de la sécurité agricole de Moscou, Rosselkhoznadzor, début février. 

L’OAIC pourrait faire passer la limite à 0,5 % et permettre ainsi au blé russe de participer aux futurs appels d’offres, ce qui pourrait bien remettre en cause l’hégémonie française prochainement. Néanmoins, Andrey Sizov, directeur général de  SovEcon, avait montré un enthousiaste limité face à la nouvelle : « Même si la limite des dégâts d’insectes est assouplie, il faudra du temps avant que quelqu’un de courageux vende du blé russe à l’Algérie. Avez-vous une idée de la quantité de blé russe vendue à l’Arabie Saoudite après que la limite de dommages d’insectes ait été abaissée au début de la campagne 19/20 ? 0 tonnes ».

La Russie pourrait donc bien entrer en concurrence avec les blés français en Algérie et grignoter des parts de marché dans les prochaines années, bien que cela ne devrait pas se produire tout de suite. Elle devra avant cela affûter sa stratégie pour répondre aux exigences précises des cahiers de charges algériens.

Une rationalisation des imports algériens

De son côté, le gouvernement algérien cherche à rationaliser ses achats, pour limiter sa facture. Fin novembre 2019, il avait fait part de son intention de limiter ses importations annuelles de blé à 4 Mt, contre près de 6,2 Mt précédemment. Le plafond d’importation correspondait à une estimation des pouvoirs publics sur les besoins réels du marché intérieur.

Néanmoins, l’Algérie a déjà fait largement sauter son plafond. Rien que la semaine dernière, l’OAIC avait acheté près de 660 kt de blé, probablement d’origine française. Pour rappel, le pays ne dévoile pas les résultats de ses appels d’offres et les rapports d’achat sont basés sur des évaluations commerciales. Ce dernier achat a porté les importations algériennes de blé pour la campagne en cours à environ 4,9 Mt, soit près de 900 kt au dessus de la limite d’importation que le gouvernement avait fixé ! 

Par ailleurs, l’organisation de l’OAIC avait été revue au cours de l’année passée, à la suite de problèmes de corruption. L’organisme importait plus de céréales que nécessaire pour toucher des subventions. Suite au démantèlement de ce réseau, l’Algérie rationalisera davantage ses utilisations de blé. En novembre dernier, Agritel affirmait que 45 moulins avaient été fermés en 2019 et que 300 autres étaient sous contrôle pour soupçon de corruption.

Le blé, une céréale indispensable

Le blé est à la base du régime alimentaire des consommateurs algériens. Mais le pays n’en produit pas suffisamment, notamment en raison de conditions climatiques défavorables, et la filière nationale peine à satisfaire les besoins croissants de sa population. La consommation de blé dans le pays dépasse les 10,5 Mt, pour une production qui oscille en moyenne entre 2 et 3 Mt. ce qui contraint le pays à importer près de 90 % de ses besoins en matière de blé tendre. L’Algérie fait ainsi partie des principaux importateurs mondiaux. Durant la campagne 2018/19, le pays a été le quatrième plus grand importateur de blé (7,52 Mt), derrière l’Égypte (12,3 Mt), l’Indonésie (10,9 Mt) et les Philippines (7,54 Mt) (chiffres USDA).