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Trois questions à Henri Bénard, Tereos

L’accès à l’énergie dicte le calendrier de la récolte de betteraves


AFP le 09/09/2022 à 16:34

Le géant sucrier Tereos a avancé de près de deux semaines le calendrier de sa récolte de betteraves, une décision dictée par « la géopolitique de l'approvisionnement en énergie », a expliqué à l'AFP Henri Bénard, directeur des opérations agricoles du groupe coopératif, numéro 1 français du sucre.

Le deuxième groupe sucrier mondial, derrière l’Allemand Südzucker, veut accélérer récolte et transformation de ses betteraves pour « limiter son exposition » en cas de « coupures de gaz cet hiver », même si les industries agro-alimentaire ne devraient pas être en première ligne en cas d’arrêt total des livraisons de gaz russe.

Pourquoi avoir avancé de près de deux semaines le calendrier des récoltes, qui ont débuté jeudi ?

« Ce n’est pas une décision à caractère agricole, c’est la géopolitique de l’approvisionnement en énergie qui a dicté ce choix. Si on n’avait aucune crainte, on pourrait au contraire reculer les premiers arrachages pour chercher l’optimisation agricole.

On termine d’habitude notre saison courant janvier, l’objectif cette année est d’avoir réalisé la production à la toute fin décembre ou début janvier, avant d’entrer dans les mois d’hiver où la demande énergétique va être très forte et la situation très tendue.

La volonté de Tereos est de limiter notre exposition si par malheur il devait y avoir des restrictions sur l’approvisionnement en énergie cet hiver. »

En quoi un défaut d’approvisionnement énergétique serait grave pour vous ?

« La transformation de la betterave est un processus extrêmement énergivore : il faut laver la plante, la découper en cossettes – de fines lamelles – puis plonger les cossettes dans un bain d’eau bouillante, laisser infuser, conserver le « bain sucré », puis faire évaporer l’eau pour ne récupérer que le sucre.

C’est un processus continu. Une fois arrachée, la betterave est ramassée et transformée dans les jours qui suivent. On ne peut pas la conserver, comme on le fait par exemple avec le blé qui peut rester en silo pendant des mois voire des années.

Une interruption du processus faute de gaz dans les usines aurait des conséquences immédiates sur la production de sucre. »

Mais la betterave est petite cette année du fait de la sécheresse estivale. Comment dédommager les agriculteurs qui acceptent un arrachage précoce, au détriment de volumes potentiellement plus importants du fait de l’arrivée des pluies ? 

« Nous avons mis en place un système d’indemnisation financière pour compenser un éventuel manque à gagner pour les producteurs. Sur 12 000 producteurs, 1 100 ont accepté, ce qui nous a permis de lisser le calendrier des récoltes.

L’indemnité sera dégressive : entre le 8 et le 15 septembre, ce sera 7,35 euros par tonne, ce qui est assez conséquent pour un produit dont on estime en prévisionnel qu’il pourrait être de l’ordre de 35 euros la tonne cette année – le prix définitif est fixé en fin de saison.

A partir du 16 septembre et jusqu’au 21, les indemnités s’échelonneront d’environ 2 euros à 35 centimes.

Jusqu’à fin juillet, on pouvait s’attendre à une très, très bonne année. Avec la canicule d’août et l’absence de pluies, cette année, la betterave est beaucoup plus petite. Elle est aussi plus sucrée, mais le taux de sucre ne compense pas la perte en volume.

L’indemnisation prend en compte le fait qu’une récolte tardive aurait pu permettre aux betteraves de grossir plus. Mais même des pluies tardives sur une plante asséchée n’auraient sans doute pas changé grand-chose. »