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Témoignage d'agricultrice

Elisabeth Bouchet : « le lupin blanc réduit les besoins d’azote du blé suivant »


Grandes cultures le 29/04/2016 à 19:25
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Elisabeth Bouchet, de l’EARL de la Grée dans le Poitou, consacre près d’un tiers de sa sole au lupin d’hiver, au mélange lupin-triticale et au lupin de printemps. En plus d’allonger sa rotation, la légumineuse améliore la fertilité et la structure du sol pour les cultures suivantes.

Encouragées par la Pac et de plus en plus appréciées pour leurs atouts agronomiques, les légumineuses sont souvent choisies pour allonger les rotations. La coopérative Terrena Poitou accompagne ses adhérents depuis plusieurs années dans la culture du lupin d’hiver et de printemps, mais aussi en association avec le triticale. A Rouillé près de Poitiers, Elisabeth Bouchet, de l’EARL de la Grée, cultive 150 ha de céréales, de colza et de lupin et élève 1 800 oies pondeuses.

« Nous avons commencé le lupin d’hiver il y a une quinzaine d’années. Les rendements se sont améliorés au fil du temps. Il y a quatre ans, je me suis lancée dans le mélange lupin-triticale, une association qui m’intéressait pour sa capacité à réduire le salissement des parcelles. En 2015, j’ai décidé de remplacer mon traditionnel tournesol par un lupin de printemps », explique Elisabeth Bouchet. Aujourd’hui, le lupin représente près d’un tiers de sa sole, avec cette année 18 ha de lupin d’hiver, 13 ha de lupin de printemps et 10 ha de mélange lupin d’hiver-triticale. Sa rotation type : colza, blé, orge, lupin d’hiver ou lupin de printemps précédé d’un Cipan.

Comme le pois protéagineux et la féverole, le lupin ne demande aucun apport de fertilisation azotée. Grâce à la bactérie Rhizobium qui fixe l’azote de l’air au niveau de ses racines, il produit l’azote dont il a besoin pour sa croissance. Mieux : l’azote organique qui reste dans ses pailles et ses racines après récolte profite à la culture suivante. Le lupin a aussi un effet structurant sur le sol grâce à sa racine pivot qui ameublit la terre. « L’économie de fertilisation azotée sur un blé après lupin est de l’ordre de 30 U/ha, pour un gain de rendement estimé à 5 q/ha. On peut aussi se passer d’un traitement de semences contre le piétin échaudage », estime Bernard Duverger, technicien spécialisé chez Terrena Poitou. Un apport de fertilisation P, K reste nécessaire, à hauteur de 40 à 45 UP/ha et 50 à 55 UK/ha.

Elisabeth a semé son lupin d’hiver en septembre et son lupin de printemps début avril. Les espèces sont semées aux densités respectives de 25 grains/m² et de 50 grains/m² : le lupin d’hiver, qui est au mois d’avril à son stade floraison 1er étage, produit beaucoup plus de ramifications et de végétation que le lupin de printemps. « Il y a plus d’irrégularité dans la production de lupin de printemps que dans celle de lupin d’hiver car ce dernier bénéficie de la réserve en eau d’hiver ; celui de printemps est sensible aux coups de chaud et à la période orageuse de mai-juin. Il craint aussi davantage l’anthracnose », indique Bernard Duverger.

Le lupin demande par contre une bonne maîtrise des sols. Il accepte mal les substrats calcaires, humides ou trop tassés. Chez Elisabeth, les sols sont des terres rouges à châtaigniers semi profondes, limono-sableuses avec silex. Avant les semis de printemps, l’agricultrice passe un cover-crop, laboure puis sème avec un semoir à disques. « Malgré sa racine pivot, le lupin a besoin d’un sol aéré pour que les nodosités se mettent correctement en place », explique Bernard Duverger. L’agricultrice ne sème qu’un rang sur deux, tous les 26 cm, un choix qui lui permet de limiter les maladies. Aux semis d’hiver, elle passe un simple décompacteur.

L’autre difficulté de la culture est la gestion des adventices, car le lupin est peu concurrentiel. Géranium, brome, gaillet, carotte, matricaire : peu de solutions herbicides existent sur lupin. Les terres d’Elisabeth, riches en silex, sont par ailleurs peu propices au binage. Pour lutter, elle utilise les quelques produits antidicotylédones et antigraminées homologués. L’agricultrice protège par ailleurs ses lupins au semis contre les limaces et contre la rouille, le botrytis et l’anthracnose dès l’apparition des premières feuilles.

L’arrivée récente du lupin de printemps dans la rotation d’Elisabeth lui permet de mieux gérer son travail tout au long de l’année. « Le lupin me donne aussi beaucoup moins de souci que le tournesol, qu’il m’arrivait souvent de devoir refaire. Je devais surveiller la levée et effrayer les oiseaux avec des pétards », se souvient-elle. Lupins d’hiver et de printemps se récoltent entre fin juillet et mi-septembre. Sur la campagne précédente, Elisabeth a obtenu un rendement de 15 q/ha en lupin de printemps et de 22 q/ha en lupin d’hiver (35 q/ha en 2014). Malgré des rendements parfois fluctuants, elle compte bien garder ces deux espèces dans sa rotation.