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Partage d'expériences

Désherbage du colza : des interventions à vue, en post-levée, plebiscitées


TNC le 02/07/2021 à 18:02
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En 2021, le colza est bien la culture de l’agilité. À cause des problèmes de levées récurrents dus à la sécheresse estivale, le désherbage glisse vers la post-levée avec un raisonnement adapté à la flore adventice. À chaque conduite de la culture, TCS ou non, avec ou sans plantes compagnes, l’objectif est aussi de moduler les doses en pré-levée et post-levée précoce. Le bon compromis entre efficacité, préservation de l’eau et optimisation des coûts est recherché.

De nouvelles stratégies pour réussir l’implantation du colza se déploient sur le terrain, avec comme objectif semer plus tôt, dès que possible en août, sur un sol humide. Les paramètres du désherbage évoluent en conséquence. « Il vaut mieux miser sur une stratégie de désherbage à vue qui évite d’engager un investissement dès le départ, témoigne Damien Bellois, agriculteur à Saint-Ange-et-Torçay, en Eure-et-Loir (285 ha, dont 90 ha de colza avec une rotation colza-blé-orge). Si jamais la culture est compromise, alors les herbicides sélectionnés doivent me permettre de semer un blé en octobre, une fois la parcelle de colza labourée. »

En Normandie, l’implantation du colza se gère sans trop de difficultés. Fabrice Moulard, agriculteur dans l’Eure à Villiers-en-Désœuvre (217 ha, dont 49 ha de colza), raisonne son désherbage en lien avec le niveau de pression adventice et son mode de travail du sol. En TCS, il est resté en 2020 sur la pré-levée avec Altiplano (clomazone + napropamide) pour son large spectre d’efficacité. Le rattrapage est assuré à l’aide d’un anti-graminée. « J’ai des sérieux problèmes de géranium, explique-t-il, quelques sanves et récemment, du torilis. Absente de nos régions jusqu’en 2010, elle gagne du terrain en zones argilo-calcaires. Mais pour 2021, je regarde pour traiter en post-levée sur dicot’ dans certains cas, afin d’ajuster le programme à chaque problématique de parcelles. »

Traitements en post-levée salvateurs

L’essentiel de la stratégie de désherbage sur colza repose sur des applications de pré-levée. Mais depuis deux ans, gérer exclusivement en post-levée est envisageable. Six herbicides sont autorisés contre les dicotylédones : Mozzar/Belkar, Fox, Atic Aqua, Callisto, Cent 7, Ielo/Yagoo/Biwix. Ces solutions rendent moins dépendant de la météo : les chlorés ne fonctionnent pas avec la sécheresse et un risque de phytotoxicité existe avec les pluies excessives. Elles ne restreignent pas le choix des cultures, en cas de non levées. En permettant de « tirer à vue » dans une stratégie de rattrapage, elles facilitent la réduction des usages de produits composés de chlore et couvrent des dicotylédones difficiles à éliminer.

C’est l’option choisie par l’exploitant Damien Bellois. « Le premier passage, indique-t-il, c’est pour un nettoyage avec un herbicide à la fois anti-graminées et anti-dicotylédones afin de bien préparer le terrain et permettre au colza de se développer. » Il applique Rapsan TDI (metazachlore + quinmérac) en modulant la dose à 1 L/ha en pré-levée, soit 40 % de la dose. Il complète avec un second passage de Mozzar (halauxifen-méthyl + picloram) à 0,25 L/ha. « J’ai des ronds de géranium très importants, précise l’exploitant, ce produit finit le nettoyage avec un traitement localisé. » D’autant qu’appliqué à la mi-octobre, à partir du stade 4 feuilles du colza, il détruit en même temps le couvert de féveroles associées au colza semé sur 10 ha pour perturber les altises. « Je garde ainsi suffisamment longtemps la plante compagne. »

Arnaud Lerouge, associé avec son frère Alexandre sur 370 ha à Saint-Germain (Vienne), valide l’intérêt de cet herbicide sur adventices jeunes : « Pas plus grosses qu’une pièce de 2 € ». Sur sa sole de colza, il rencontre des problèmes d’ombellifères levant tardivement en octobre. « Selon la nature des sols, le lieu des parcelles avec des niveaux de pluies très différents, les levées de colza et d’adventices sont très échelonnées, au point que le dernier passage avec Mozzar à 0,3 L/ha, c’était avant Noël ! En raison du climat doux de l’automne, il a poussé jusqu’à cette période », détaille-t-il. Il a conservé une base en post-précoce, « pour ne pas avoir de concurrence vis-à-vis de l’accès à l’eau au moment clé de la levée ». Son choix : Alabama (dmta-p, métazachlore et quinmérac) dosé à 1 L/ha sur sol limoneux et 2 L/ha sur sol argileux. « C’est une bonne solution grâce à son large spectre d’action, indique Arnaud Lerouge. Elle permet de donner toutes les chances au colza. » Et de la chance, il en faut : « Jusqu’au mois de décembre, on a bien pensé devoir retourner certaines parcelles, confie-t-il. D’où l’intérêt d’un raisonnement, au cas par cas. »

Enjeu des repousses de céréales et de la culture associée

Le cas par cas, c’est aussi la stratégie d’Emmanuel Leveugle, agriculteur sur 60 ha près de Cambrai, dans le Nord. En agriculture de conservation des sols, sa priorité ce sont les repousses de céréales. « Les petits grains de blé peuvent se retrouver dans l’andain de la moissonneuse-batteuse, raconte-t-il. Ceux qui ne gèrent pas cette levée les voient apparaître en bandes denses au bout de trois semaines tous les 7 m. En se développant, les céréales concurrencent le colza pour l’eau. Celui-ci ne lève plus. Alors pour régler le problème, j’applique Agil de la famille des Fop ou Centurion (cléthodime) si j’ai du vulpin, en post-levée au stade 3 feuilles du blé. Puis je complète avec un passage de Kerb, en novembre/décembre, quand le sol est froid, afin que la molécule se dégrade durant l’hiver. » Il rappelle l’importance du respect des bonnes pratiques de traitement : bonne hygrométrie, addition d’huile, matières actives alternées, jamais la pleine dose, et ajustement du programme selon la flore et les conditions.

Comme il l’a fait pour une fèverole semée à la volée suivie d’un semis de colza, sur un sol hydromorphe. « J’ai utilisé l’herbicide Fox (bifenox) à 1 L/ha tardivement pour réguler la féverole associée en octobre et pour régler en même temps un gros problème de ravenelles, se remémore-t-il. J’avais carrément un tapis au sol, avec en plus de la moutarde et plus ponctuellement de la matricaire. Le large spectre de Fox a permis de détruire la culture associée, car nous n’avons pas eu d’hiver froid. » Depuis, le gel a pourtant fait des dégâts en avril, fragilisant les parcelles attaquées par les altises à l’automne. Preuve qu’il ne lâche pas la culture, Emmanuel Leveugle compte expérimenter en 2021 une stratégie plutôt innovante (voir encadré ci-dessous) misant non seulement sur les propriétés d’étouffement des plantes compagnes, mais aussi sur leur effet antagoniste vis-à-vis de certaines adventices.