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Coup de chaud

Des impacts différents selon les cultures et leur stade


TNC le 01/07/2019 à 12:45
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Depuis le 24 juin, une forte vague de chaleur touche l'ensemble du territoire. Encore difficiles à estimer aujourd'hui, les impacts diffèrent d'une culture à l'autre. Les experts Arvalis et Terres Inovia dressent un premier bilan.

L’Hexagone fait face, depuis le 24 juin, à une vague de chaleur assez inhabituelle pour la saison sur la quasi-totalité de son territoire. Avec des maximales supérieures à 35°C, cet épisode 2019 est de quelques degrés plus chaud que celui que le pays avait connu fin juin 2017, note Arvalis-Institut du végétal. Quel impact cela peut-il avoir sur les cultures, leur rendement, leur qualité… ?

Un possible « arrêt prématuré du remplissage » pour les céréales

Pour les céréales à paille, la situation diffère en fonction des espèces et de leur avancée. « La maturité physiologique des orges d’hiver est passée et les récoltes déjà initiées dans plusieurs régions », explique Jean-Charles Deswarte, Arvalis-Institut du végétal. Pour le blé par contre, le remplissage des grains est encore en cours dans de nombreux secteurs : « au nord d’une diagonale Nantes-Lyon », précise l’expert. Même constat pour les orges de printemps avec un « remplissage actuellement peu avancé, aux alentours du stade grain laiteux ».

Les fortes températures peuvent impacter la constitution du PMG des céréales de différentes manières, selon Jean-Charles Deswarte :

  • « Dans un premier temps, les températures modérément élevées (25 à 30°C) n’affectent pas fortement le métabolisme. Mais la durée (en jours calendaires) du remplissage se raccourcit plus que l’accumulation de sucres dans les grains, conduisant à une petite perte de PMG. »
  • « Ensuite, les températures supérieures à 30 voire 35°C engendrent des perturbations dans la multiplication des cellules (cas d’un stress précoce, avant grain laiteux) ou ralentissent brutalement le remplissage des grains (cas d’un stress thermique plus tardif, vers grain laiteux-pateux). La photosynthèse est également affectée sur le long terme, ce qui limite les opportunités de rattrapage lorsque l’épisode caniculaire sera terminé. »
  • « Lorsque la température dépasse 35°C et que les réserves en eau deviennent faibles, les plantes peuvent ne plus être capables d’absorber assez d’eau et de contrôler leur transpiration, amenant à un échauffement brutal des tissus exposés au soleil, et éventuellement à une forme d’embolie dans les vaisseaux du xylème. Ceci peut aboutir à un arrêt immédiat et définitif du fonctionnement de la plante. »

Les situations les plus à risques concernent donc « les parcelles plus tardives (blé tendre ou orge de printemps) avec des sols dont les réserves en eau sont épuisées ». Jean-Charles Deswarte conseille également de surveiller, en parallèle, les critères technologiques. « Un fort stress thermique en fin de remplissage ou en début de dessication des grains peut conduire à une levée de dormance. Ceci n’aura cependant pas de conséquence si les semaines à venir sont sèches et chaudes »

Un risque plus marqué pour les protéagineux de printemps que ceux d’hiver

Pour les protéagineux, la campagne s’annonçait très favorable jusqu’alors. Face à cette vague de chaleur, la situation semble assez similaire à celle des céréales à paille. Pour les cultures en cours de maturation (comme les pois d’hiver) : « le cycle est quasiment terminé et on peut donc penser que les fortes températures vont accélérer la dessication des plantes et des graines, ainsi que la maturité », note Véronique Biarnes de Terres Inovia. Cela aura donc peu d’impact sur le rendement, « excepté les parcelles plus tardives où le remplissage du dernier étage peut être affecté (PMG et teneur en protéines) ».

En revanche, pour les cultures actuellement en phase de remplissage, dont les pois de printemps notamment, « les conséquences seront sans doute plus importantes. On peut déjà le constater visuellement avec des parcelles qui virent du vert au jaune de façon rapide ». Cela pourrait causer « des avortements de graines dans les gousses pour les étages du haut les moins avancés et aussi des tailles de graines réduites ». Les deux composantes du rendement (nombre de graines/m² et PMG) seront alors affectées. « À noter qu’une plante bien alimentée en eau supportera mieux des températures élevées qu’une plante en situation de stress hydrique », complète l’experte.

Bien que le pois chiche soit une culture très bien adaptée au climat méditerranéen, cet épisode de chaleur pourrait aussi avoir « un impact plus ou moins important selon le stade de la culture, la gamme de température atteinte et l’état hydrique des sols », d’après Agathe Penant de Terres Inovia. Une grande partie des parcelles se trouvent au stade critique : « de la floraison jusqu’à la fin du remplissage des graines ».

Une période de sensibilité maximale du colza généralement passée

Moins d’inquiétude du côté du colza. La période de sensibilité maximale de la culture au stress hydrique, comprise entre F1 et G4, est généralement passée. « Dans la majorité des situations, les conditions climatiques de fin juin devraient avoir un impact modéré car elles surviennent en phase finale de remplissage », précise Aurore Baillet de Terres Inovia.

Des conséquences pourraient toutefois être observées « dans les sols superficiels peu arrosés, pour les colzas mal enracinés et/ou attaqués par les ravageurs ou bien les colzas très tardifs qui sont encore dans une phase de croissance rapide des graines ».

Pas de problème pour le soja et le tournesol

Pas d’inquiétude non plus pour le soja et le tournesol ! Cet épisode intervient relativement tôt pour ces deux cultures, bien adaptées aux températures élevées. Elles sont à « des stades de développement moins sensibles aux fortes températures que les stades à venir », explique Hélène Dechatre de Terres Inovia. De plus, « l’état des réserves utiles est correct pour la majorité du territoire, exceptée dans l’est. La situation est donc à surveiller dans cette zone mais elle n’est pas alarmante ».

Pour ces deux cultures, « quelques flétrissements peuvent être observés en journée, il n’y a pas d’inquiétudes à avoir pour l’instant ». L’experte rappelle qu’une irrigation avant floraison pourrait avoir des conséquences préjudiciables ». Cela risquerait d’augmenter le risque de sclérotinia et le risque de verse pour le soja. Du côté du tournesol, cela pourrait entraîner un « développement foliaire exubérant impactant l’évapotranspiration et l’allocation des ressources ».

Quelles que soient les cultures, l’impact de cet épisode de chaleur est encore difficile à estimer aujourd’hui. Il est notamment lié au stade de la culture, son besoin en eau et aussi à la durée de cette canicule, qui pourrait selon les dernières prévisions météo perdurer jusque lundi dans le sud et l’est.