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[Témoignages d'agris] Semis perturbés

Assolement, état des cultures, désherbage… : quelles conséquences ?


TNC le 16/12/2019 à 09:35
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Les semis de céréales d'hiver ont été perturbés, cette campagne, par de forts cumuls de précipitations. Dans ces conditions, les agriculteurs ont dû faire preuve, une fois de plus, d'adaptation : semer pendant les périodes de gel, recourir à la charrue (parfois abandonnée), découper les parcelles, revoir les assolements, etc. Retrouvez les témoignages d'agriculteurs et d'un technicien cultures à ce sujet.

Au sud d’Auxerre dans l’Yonne, « les semis de céréales d’hiver sont réalisés à 90-95 % », estime Olivier Coste, agent relation cultures pour Soufflet Agriculture dans ce secteur. Le gel a permis de bien avancer la semaine dernière. « Les agriculteurs ont été très réactifs pendant ce créneau plus favorable aux semis, en travaillant la nuit jusqu’au dégel et en s’aidant entre voisins », ajoute Olivier Coste. Pour les parcelles qui n’ont pas pu être semées, « il faudra désormais attendre le printemps pour la région. Sinon, le potentiel des cultures pourrait être trop fortement engagé. Les semis de céréales sont encore envisageables début janvier dans d’autres régions comme en Normandie ou dans les Hauts-de-France, où les sols disposent d’une meilleure réserve utile ».

Des adaptations techniques nécessaires

Pour Emmanuel Sagot, installé au sud de la Vendée, il reste encore 3 ha de blé dur à semer en semis direct. L’agriculteur, qui essaye de « passer doucement en agriculture de conservation des sols (ACS) », n’avait pas eu recours à la charrue depuis plusieurs campagnes pour les semis d’automne ». Mais « c’était nécessaire cette année pour les parcelles situées dans le Marais poitevin notamment ». Compte-tenu du décalage de la date de semis, il a fallu aussi revoir les densités : « + 10 à 20 % », note l’agriculteur.

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Dans le nord-est de l’Oise, « les fenêtres climatiques favorables n’ont pas été nombreuses non plus », constate Guillaume Le Pogam, agriculteur. Il utilise un semoir à disques depuis 2017 (en commun avec un agriculteur voisin) et remarque que « les couverts lui ont permis d’intervenir dans de meilleures conditions, notamment pour l’escourgeon semé sous couvert de trèfle. […] La charrue a été toutefois nécessaire derrière betteraves (pour 13 ha sur 20) et maïs grain ».

Chez  Vincent Luherne, éleveur de vaches laitières à l’est de Vannes (Morbihan), les semis de céréales, débutés fin octobre, se sont terminés la semaine dernière. « À chaque fois, j’ai profité de créneaux de deux voire trois jours plus favorables », commente l’éleveur. « La déclaration Pac risque, par contre, de ne pas être pratique à faire ». En effet, il a dû «  découper plusieurs parcelles : le sol étant caillouteux en haut et plus humide en bas ».

Un recul important des surfaces de céréales d’automne

Dans ces conditions, Agreste (service statistique du ministère de l’agriculture) note un recul de 5 % des surfaces en céréales d’hiver au 1er décembre 2019. « La sole de blé tendre atteindrait 4,7 millions d’hectares, soit une diminution de 4,8 % sur un an et de 5,6 % par rapport à la moyenne 2015-2019 ». Un sondage réalisé sur Terre-net entre le 3 et le 10 décembre 2019 (1 534 votants) montre aussi que la sole de blé tendre 2019/2020 est inférieure à celle de l’année dernière pour 49,1 % des agriculteurs. Elle reste stable pour 38,4 % des votants et elle augmente pour 12,5 % d’entre eux.

Selon Agreste, « les surfaces de blé dur poursuivraient aussi leur recul : – 225 milliers d’hectares cette année, soit – 7,5 % sur un an et – 31,7 % par rapport à 2015-2019, soit le niveau le plus bas depuis 1995. Les surfaces d’orge d’hiver diminueraient de 4,3 % par rapport à l’année dernière et de 5,6 % par rapport à la moyenne 2015-2019. Par rapport à 2019, les soles d’avoine, de seigle et de triticale pourraient également baisser respectivement de 7,5 %, 5,6 % et 8,4 % ».

Des éleveurs inquiets d’un possible manque de paille

Ces reculs des surfaces sont sources d’inquiétude pour les éleveurs notamment. Avec une trentaine d’hectares de céréales d’automne semés sur les 40 prévus, Vincent Luherne craint, une nouvelle fois, un manque de paille pour son troupeau l’année prochaine. Afin d’assurer ses stocks, l’éleveur breton a déjà réservé de la paille auprès de ses voisins agriculteurs. Une crainte partagée aussi par Emmanuel Sagot, qui élève 120 génisses et broutards. « D’habitude, je vends une partie de ma paille en andain, mais je pense tout garder cette fois-ci. […] La paille pourrait bien se vendre à un prix d’or l’année prochaine », estime l’agriculteur.

Des assolements à revoir

Pour les 10 ha qu’il n’a pas pu semer à l’automne, Vincent Luherne pense se tourner vers le maïs grain. Sur les plateaux de Bourgogne, les agriculteurs sont nombreux également à devoir revoir leurs assolements. Selon Olivier Coste, « l’orge de printemps, déjà en augmentation l’année dernière, pourrait bien gagner encore du terrain », étant donné que le matériel nécessaire est assez simple. Autres cultures possibles dans l’Yonne : le pois de printemps et le tournesol. « Dans le secteur, le maïs grain est assez compliqué, à cause des terres superficielles et du stress hydrique », ajoute Olivier Coste.

Avec des terres très hétérogènes, Emmanuel Sagot a dû aussi réaménager son assolement. « Des parcelles initialement prévues en pois de semences ont finalement été semées en blé dur, car les sols sont plus filtrants. […] Certaines parcelles situées dans le marais mouillé se sont retrouvées sous l’eau pendant plus d’une semaine début novembre. Il faudra donc revenir au printemps pour celles-ci ». Dans son assolement, les cultures de printemps représentent déjà la majeure partie des cultures habituellement (près de 80 ha sur 120) : haricot vert, maïs semences, maïs grain, maïs fourrage (en dérobé), pois de semences… Il est toutefois important pour l’agriculteur de ne pas tout miser sur les cultures de printemps : « cela peut être risqué, notamment dans notre région avec les restrictions d’irrigation ».

Quel impact sur le potentiel des cultures en place ?

Concernant les 40 ha de céréales d’hiver emblavés (blé dur, blé tendre, blé semences, orge d’hiver et un peu de triticale), « je ne suis tranquille que pour la moitié de la surface », confie Emmanuel Sagot. Il a notamment 7 ha de blé tendre semés dans du limon, qu’il pense retourner à cause d’une « épaisse croûte de battance ».

Compte-tenu d’une période de semis assez large, les stades des cultures varient beaucoup. Ils vont, par exemple, « d’une levée prévue pour début janvier, au mieux selon les conditions météo, à 3 feuilles voire 1 talle pour les premiers semis réalisés à la mi-octobre sur les plateaux de l’Yonne », commente Olivier Coste.

« C’est difficile d’estimer aujourd’hui quels pourraient être les impacts des retards de semis et des conditions climatiques difficiles sur le potentiel des cultures. Tout va dépendre des conditions climatiques de l’hiver et du printemps prochain. Mais aussi des températures du mois de juin pendant la phase de remplissage… », explique l’agent relation cultures de Soufflet Agriculture.

Le désherbage d’automne, une étape devenue incontournable, mais pas cette année…

Du point de vue du désherbage, les retards de semis pourraient représenter « un moindre mal », ajoute Olivier Coste. « Heureusement que les céréales d’hiver n’ont pas été semées de bonne heure sur les plateaux de Bourgogne vu la problématique vulpin importante et vu que les faux-semis n’ont pas été efficaces avec la sécheresse estivale ». Par contre, « les agriculteurs qui avaient prévu un désherbage d’automne n’ont pas pu le faire. S’il n’y pas de fenêtre climatique d’ici la fin décembre, il faudra voir au désherbage en sortie hiver ».  Même constat pour Guillaume Le Pogam : « je n’ai pas eu de fenêtre favorable pour réaliser un désherbage en post-semis/pré-levée ». Si les conditions climatiques le permettent au printemps, l’agriculteur réfléchit à tester le désherbage mécanique avec la herse étrille d’un voisin agriculteur.