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Adventices

« Les levées de vulpin désormais possibles tout au long de l’année »


TNC le 04/04/2023 à 11:45

« Pourquoi le vulpin est-il présent au champ à des périodes où on le voyait jamais il y a 20 ans ? Face à la perte d'efficacité des herbicides, comment le gérer ? » Telles sont les questions sur lesquelles travaillent Agro-Transfert dans le cadre des projets de R&D Adventurh et Copraa.

Connaître la biologie des adventices est un pré-réquis essentiel pour mettre en place une stratégie de lutte adaptée. Le vulpin des champs fait partie « des adventices avec les conditions de germination les moins restrictives », rappelle Marie Flament, chef de projet chez Agro-Transfert à l’occasion d’un webinaire sur la lutte contre le vulpin et le changement climatique . « La température minimale nécessaire pour que la germination des graines soit enclenchée est de 0°C et le potentiel hydrique de base de – 1,53 Mpa ».

(©Agro-Transfert)

« À l’épreuve des différentes attaques dans le sol, les graines de vulpin perdent leur faculté germinative au bout de 3 ans environ, du fait de leur paroi peu épaisse. Mais pour survivre dans le milieu, le vulpin peut « compter » sur une dormance faible, des conditions de germination peu restrictives, comme citées précédemment, ainsi que sur une production de graines importante. En effet, une plante peut produire entre 500 et 5 000 graines. Ces différents traits biologiques font du vulpin une des adventices les plus problématiques en France. 

Évolution du comportement du vulpin

« Aujourd’hui, on observe le vulpin au champ à des périodes de l’année où on ne le voyait jamais il y a encore 20 ans », note Marie Flament à partir des remontées terrain. Comment l’expliquer ? L’évolution des pratiques agricoles est l’une des hypothèses mises en avant, avec « la réduction du travail du sol, l’augmentation de la fertilisation azotée minérale et des dates de semis des céréales plus précoces. Il y a eu aussi un changement des programmes herbicides pour les céréales d’hiver, qui étaient basés sur des interventions au printemps avant et sont désormais plutôt axés sur des interventions à l’automne ». À noter également : « les phénomènes de résistance aux herbicides qui apparaissent et entraînent de manière générale une moindre efficacité des désherbages ».

Enfin, le changement climatique peut, lui aussi, avoir un rôle dans l’évolution du comportement du vulpin. « Il engendre des périodes de sécheresse agronomique plus fréquentes et des températures en moyenne plus élevées, ce qui va jouer sur le développement et les conditions de germination des adventices ». « Le vulpin avait auparavant deux pics de levée dans l’année : un principal à l’automne et un autre au printemps. Les données recueillies entre 2010 et 2020 montrent que les levées sont désormais possibles toute l’année, ce qui atténue notamment l’effet du levier rotation culturale. Le pic de levée à l’automne reste important mais s’étend jusqu’à la fin de l’hiver, l’effet du décalage de la date de semis d’une céréale d’hiver peut donc être, lui aussi, moins marqué », ajoute Marie Flament. 

Retrouvez les courbes de levée du vulpin des champs, historique en orange et actualisée avec les données 2010-2020 en vert (provisoire) : 

Courbe de levée du vulpin des champs. (©Agro-Transfert)

Adapter les leviers aux conditions de l’année

Avec ces changements, « les leviers agronomiques deviennent parfois moins efficaces individuellement, il faut les combiner pour maximiser leurs effets », estime Bastien Boquet, ingénieur d’études chez Agro-Transfert. Attention aussi à « les adapter en fonction des conditions de l’année. Avec les sécheresses agronomiques estivales de plus en plus récurrentes, les faux-semis réalisés en interculture dans ces conditions ne permettent pas de nouvelles levées de dormance. Dans le cas d’une pression vulpin élevée, il faudrait plutôt privilégier le labour au moment de l’implantation. Cela peut paraître contre-intuitif, parce qu’en conditions sèches, on pense aux techniques culturales simplifiées pour une bonne implantation de la céréale. Pour autant, le labour permettrait d’enfouir les graines de vulpin et d’éviter leur germination au moment du semis. À l’inverse, il faudrait plutôt privilégier le faux-semis en conditions humides, si cela est possible, de manière à déstocker au maximum les graines d’adventices avant le semis. »

À l’échelle de la rotation, « enchaîner 2 à 3 cultures de printemps consécutives peut également être un levier intéressant pour réduire le salissement des parcelles en graminées », ajoute Bastien Boquet.

« Autres leviers « pompiers » en cas de pression vulpin très élevée », testés dans le cadre du projet Copraa : 

– L’écimage des épis de vulpins : « une solution annuelle pour limiter la réinfestation du stock semencier. Deux types d’outils existent : l’écimeuse classique et l’écimeuse « récupératrice », qui collecte les épis pour éviter qu’ils retombent au sol. » « Dans les premiers essais mis en place, c’est la 3e date, au 15 juin, qui permettrait d’écimer le plus grand nombre de vulpins : environ 70 %. Il faut toutefois s’attarder aussi sur la viabilité des graines. Et en prenant en compte ce point, c’est la 2e date, au 1er juin, qui semble plus satisfaisante : 60 % des graines de vulpin sont écimées (au lieu des 70 % au 15 juin), mais à cette date, moins de 10 % des graines sont viables en moyenne (contre 30 à 40 % au 15 juin) », précise l’ingénieur d’études.

– L’ensilage des céréales et des adventices en immature : Bastien Boquet revient sur le retour d’expérience d’un agriculteur qui a choisi cette technique après un échec de désherbage sur une parcelle à potentiel limité et en rotation courte. « L’agriculteur avait observé une nette baisse d’efficacité des herbicides et un salissement très important en graminées. Et il souhaitait réduire le recours aux herbicides pour sa certification en HVE3. Après l’ensilage de la céréale, il a également implanté un seigle en septembre, suivi d’un maïs en mai, tous les deux ont été ensilés pour la méthanisation. Cette rupture a permis d’arriver à un niveau de salissement très faible à l’automne. »

Agro-Transfert a aussi profité de ce webinaire pour rappeler le développement de leur outil d’aide à la décision Odera, pour « aider les agriculteurs à réduire de manière cohérente l’usage des herbicides à l’échelle du système de cultures en s’appuyant sur des méthodes agronomiques préventives ». Un autre outil est également en cours de création pour « estimer le stock semencier, objectif : anticiper et sécuriser ses changements de pratiques ». Affaire à suivre !

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