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Académie d'agriculture de France

Quels défis et perspectives pour l’utilisation de la fixation biologique de l’azote en agriculture ?


Benoît ALUNNI (Université Paris Sud) et Peter MERGAERT (CNRS) le 15/03/2022 à 06:45
A young agronomist holds a folder in his hands on a green wheat field. A farmer makes notes on the background of agricultural land during sunset. Man in a cap with a folder of documents

(©Getty Images)

L'azote est un élément essentiel pour le développement des plantes ; mais ceci se traduit par l'utilisation massive d'engrais azotés pour soutenir la productivité agricole. Les conséquences environnementales – liées au mode de production des engrais ainsi qu'à leur fuite dans l'environnement – posent donc la question de la durabilité du modèle agricole actuel. Le point avec l'Académie d'agriculture de France.

Une alternative écologique à ces engrais consiste à promouvoir l’utilisation des plantes légumineuses (pois, soja, féverole, haricot, luzerne, trèfle…) qui ont la capacité d’établir une symbiose avec des bactéries fixatrices d’azote, les rhizobia. Les initiatives menées actuellement consistent à intégrer les légumineuses dans les rotations agricoles, et à améliorer leurs performances agronomiques en tirant profit des connaissances acquises sur la symbiose.

Enfin, des approches biotechnologiques visent à transférer les capacités symbiotiques des légumineuses à d’autres familles de plantes cultivées comme les céréales, questionnant l’acceptabilité de ces approches par le grand public.

L’addiction de l’agriculture à l’azote

La croissance des plantes dépend de la disponibilité dans le sol d’azote sous une forme utilisable. L’azote est l’un des éléments les plus abondants, constituant près de 80 % de l’atmosphère où il est présent sous forme de molécule de diazote gazeux (N2), chimiquement très stable et inutilisable par la plupart des organismes vivants. A contrario, les formes utilisables d’azote sont assez rares dans la biosphère, notamment dans les systèmes agricoles.

Surgi au tournant du XXe siècle, le procédé Haber-Bosch a été une invention majeure, une merveille d’ingénierie des procédés chimiques, qui a permis la production massive d’engrais azotés à partir de N2. Depuis sa découverte, ce procédé a été déployé à une échelle mondiale, tirant les rendements agricoles à des niveaux jamais atteints auparavant. […]

Bien que la dépendance planétaire vis-à-vis du procédé Haber-Bosch soit loin de s’estomper à court terme, il devient de plus en plus urgent de développer d’autres pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement et plus durables. Une partie de la solution se trouve sans doute dans l’utilisation innovante de la fixation biologique de l’azote.

Fixation symbiotique de l’azote : pierre angulaire d’une future agriculture durable

Pour les mêmes raisons qu’en chimie industrielle, la fixation biologique de l’azote est très difficile à réaliser et très consommatrice d’énergie : ni les plantes ni animaux n’ont acquis la capacité à cliver la triple liaison du N2. Toutefois, certaines bactéries et archées disposent de l’enzyme nitrogénase, capable de réduire le N2 en ammoniac.

Certaines plantes ont tiré bénéfice de la fixation biologique de l’azote, en mettant en place des interactions symbiotiques avec ces bactéries diazotrophes. […]

Ingénierie de la fixation d’azote : les trois stratégies en cours d’exploration

Outre l’amélioration des performances symbiotiques des légumineuses par l’amélioration variétale et la promotion des légumineuses dans les schémas de rotations culturales, l’extension de la capacité à fixer l’azote à des plantes cultivées comme les céréales est un objectif ambitieux affiché par la communauté scientifique travaillant sur des symbioses fixatrices d’azote. […]

À partir des connaissances scientifiques, et grâce aux avancées techniques dans le domaine de la génomique et de la biologie synthétique, trois stratégies sont actuellement poursuivies à l’échelle internationale, afin de produire des plantes cultivées obtenant leur azote de la fixation biologique.

Ces trois stratégies sont :

  • Les souches endophytes diazotrophes, colonisant les racines des plantes, pourront être testées pour leur contribution à la nutrition azotée de l’hôte ; à défaut de résultats probants, les souches endophytes capables de coloniser efficacement les tissus de l’hôte pourraient être utilisées comme châssis pour l’introduction de gènes de fixation d’azote. Jusqu’à présent les endophytes caractérisés sont exclusivement extracellulaires (apoplastiques), mais il est possible qu’existent certaines bactéries capables de coloniser les cellules végétales de façon intracellulaire.
  • La reconstitution de la voie métabolique de la fixation biologique de l’azote, par introduction dans les plastes et/ou les mitochondries des gènes codant la nitrogénase, permettrait de générer des nitroplastes fixateurs d’azote.
  • L’introduction des gènes contrôlant la formation et le fonctionnement de nodosités pourrait permettre la mise en place de nodosités fixatrices d’azote sur les systèmes racinaires de plantes de grande culture. […]

Finalement, quelles que soient les solutions envisagées, elles reposent toutes sur l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés, végétaux et/ou bactériens, tandis que dans l’état actuel, l’opinion publique reste largement opposée à toute forme d’application d’OGMs au champ. Donc un dernier verrou à lever, pour étendre la fixation biologique de l’azote vers les grandes cultures, sera d’obtenir l’acceptation de ces nouvelles cultures par le grand public.

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