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Académie d'agriculture de France

Les métamorphoses de la vigne par les mains de l’homme


Marc-André SELOSSE & Patrick OLLIVIER, membres de l'Académie d'Agriculture de France le 25/08/2020 à 06:16
Sunset over vineyards with red wine grapes in late summer

(©Getty images)

Le chemin qui a conduit aux plus de 9 000 cépages actuels, a commencé entre la Mer Noire et l'Iran (peut-être Géorgie) entre le VIIème et le Vème millénaire avant notre ère. On sait peu de chose du processus, mais comme la vigne sauvage existe toujours, on peut en reconstituer les métamorphoses.

La vigne a été domestiquée par l’Homme, qui l’a modifiée. Le vin que nous buvons est la conséquence de cette métamorphose. Appartenant à la famille des Vitacées (où le genre « Vitis » comprend une soixantaine d’espèces), la vigne d’origine existe dans la nature, de l’Atlantique au Caucase, et autour du bassin méditerranéen, entre 43° et 49° de latitude nord.

De la vigne sauvage à la vigne cultivée

La domestication a métamorphosé la plante : par exemple, la vigne sauvage produit des petits fruits noirs à petits pépins, épars sur la rafle, tandis que la vigne domestiquée produit de très nombreux fruits de plus grosse taille, densément serrés, à gros pépins. Leur pruine, plus développée, réfléchit la lumière et assure une meilleure protection. La floraison et la fructification sont plus synchrones, favorisant la récolte de grappes mûres au même moment.

Un trait majeur de la vigne cultivée est sa forme buissonnante et peu lianescente, largement déterminée par la taille. C’est une manipulation profonde de la physiologie de la plante, qui vise d’abord à empêcher la vigne d’accumuler de trop nombreuses tiges qu’elle nourrirait aux dépens des fleurs et des raisins, et permet à la plante de consacrer plus de ressources aux fruits.

La vigne cultivée a vécu une métamorphose géographique, sa culture s’étant rapidement échappée de sa zone de domestication initiale : elle a colonisé le bassin méditerranéen et est arrivée à Marseille et en Corse au VIIe siècle. Par la suite, la demande se développant, la vigne se répandit en Europe, jusqu’aux climats humides de l’Atlantique et du Val de Loire, ou aux frimas de Bourgogne et d’Allemagne.

Diversification et sélection de la vigne

Au long de ces cheminements, des cépages divers sont apparus, adaptés aux conditions locales, et isolés de ceux dont ils provenaient.

Un signe de diversité est la couleur des baies, différente de celle des fruits noirs de la vigne sauvage ; la métamorphose des couleurs s’est d’ailleurs sans doute produite tôt dans la domestication.

Au niveau organoleptique, la vigne cultivée a également subi des métamorphoses aromatiques, puisque son génome est riche en gènes impliqués dans la fabrication des tannins, des flavonoïdes et de stilbènes (tel le resvératrol), ainsi que de terpènes qui sont des composants majeurs de l’arôme.

Quelles pistes pour l’avenir?

Phénomène relativement récent, le verrouillage des cépages est imposé à la fois par la demande des consommateurs (souvent liée à un nom de cépage) et par les règles des AOC (appellation d’origine contrôlée) et AOP (appellation d’origine protégée) qui limitent les utilisations locales. Mais ce verrouillage bloque des cépages qui seraient adaptés à tel ou tel terroir.

Or le changement climatique malmène nos cépages, en particulier parce que leur maturité aromatique (la maturité tannique) et leur maturité sucrée (le rapport entre sucres et acides) ne coïncident plus dans le temps : un climat plus chaud avance la date de la seconde maturité. Aussi faudra-t-il reprendre la sélection à partir de graines pour protéger le goût d’un cépage dans une région…

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