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Académie d'agriculture de France

Comment évaluer l’état de dégradation des sols ?


Christian VALENTIN, membre de l'Académie d'Agriculture de France le 02/08/2022 à 10:32
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Mégaravine dans le KwaZulu Natal d'origine naturelle en Afrique du Sud. (©Christian Valentin)

La dégradation des sols constitue un enjeu majeur pour la durabilité de leurs fonctions et services. Les formes et les causes de dégradation anthropiques des sols sont très variées. Cette multiplicité des formes de dégradation et la difficulté de définir des états de référence rendent difficile une évaluation de l'état mondial des sols et de son évolution. Le point avec l'Académie d'agriculture de France.

Les formes de dégradation

Pour des raisons pédagogiques, il est fréquent de distinguer dix grandes formes de dégradation anthropique des sols :

  1. la réduction de la biodiversité des sols ;
  2. la réduction des teneurs en matières organiques ;
  3. l’imperméabilisation du sol par encroûtement superficiel ou par urbanisation […] ;
  4. l’érosion […] ;
  5. la compaction due au piétinement et le passage d’engins lourds, qui réduit la perméabilité des sols, augmente les problèmes de levée des semences et d’enracinement, diminue l’aération des sols et l’activité microbienne, et peut augmenter les risques d’émissions de gaz à effet de serre (méthane et protoxyde d’azote) […] ;
  6. l’engorgement par l’eau, qui, lui aussi entraîne de nombreuses conséquences en termes d’effondrement de structure, d’alimentation en oxygène et en émission de protoxyde d’azote […] ;
  7. l’appauvrissement en éléments nutritifs, qui se manifeste en l’absence de périodes assez longues de jachère, ou de restitutions suffisantes sous formes d’engrais organiques ou minéraux pour compenser l’exportation de ces éléments par les récoltes et l’érosion […] ;
  8. l’acidification, qui entraîne une réduction des rendements […] ;
  9. la salinisation […] ;
  10. la pollution, qui peut être de natures minérale (ex : métaux lourds), organique (ex : hydrocarbures, pesticides), biologique (ex : bactéries pathogènes), ou des radionucléides (Césium137) […].

Difficultés de suivi de la dégradation des sols

Alors qu’à l’échelle mondiale, il est devenu relativement facile de mesurer et de suivre des paramètres de l’atmosphère, aucun dispositif mondial n’a jusqu’ici été encore vraiment été mis en place pour déterminer et suivre l’état de dégradation des sols.

Une des difficultés provient de la définition même de la dégradation des sols, entachée d’une certaine relativité, puisqu’elle se réfère à des biens et services fournis dont l’attente peut varier dans le temps et dans l’espace. De plus, il est souvent difficile de se référer à un état de référence : quel sol n’a-t-il jamais été soumis à aucun agent de dégradation (feux, pluies acides, retombées de Césium137… ?). Par exemple, les comparaisons entre des sols sous forêts ou sous cultures peuvent s’avérer trompeuses, puisque ce sont souvent les sols les moins productifs qui ont été laissés sous forêt.

De plus, les nombreuses formes de dégradation interdisent tout recours à un indicateur de dégradation – unique et généralisable à l’ensemble de la Terre – qu’il suffirait de mesurer et de suivre périodiquement. À une approche spatiale, souvent liée à l’évaluation des surfaces cultivables en regard des surfaces artificialisées, s’ajoute une approche plus qualitative sur les propriétés, ou qualité du sol en termes de propriétés physiques (profondeur, perméabilité, réserve en eau), chimiques (pH, teneurs en matière organique, en sels, en contaminants minéraux et organiques) et biologiques (biodiversité microbienne et de la macrofaune). Enfin, des formes de dégradation peuvent résulter de processus naturels, telles certaines formes d’érosion (voir image ci-dessus) ou de salinisation.

Trois grandes approches ont été adoptées pour évaluer le degré et l’extension de la dégradation des sols à l’échelle planétaire. La première tentative (coordonnée par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement) s’est fondée au début des années 1990 sur l’avis d’experts de l’ensemble des pays. Cette approche présente l’avantage de la connaissance du terrain, et ce sont les données issues de cet effort international qui continuent à faire référence, faute d’exercice du même type plus récent.

Toutefois sont apparus des problèmes d’uniformisation des critères et de l’homogénéisation des évaluations, voire même des arrière-pensées de certains états qui, en fournissant des cartes montant des sols entièrement dégradés sur l’ensemble de leur territoire, escomptaient ainsi susciter une aide internationale.

La deuxième tentative a été entreprise en 2008 par la FAO, en ayant recours à la télédétection spatiale de l’indice de végétation NDVI. Il est clair toutefois que l’état des sols ne peut pas se résumer au taux de couverture végétale : des sols peuvent par exemple être très bien couverts, mais gravement pollués. La troisième et dernière tentative de la FAO date de 2010, et repose sur la modélisation en combinant couvert végétal, type de sols, climat et densité de population. Les cartes produites cumulent les défauts inhérents aux modèles très simplistes utilisés, et à l’absence de vérité terrain. Ainsi, selon l’approche adoptée, les surfaces mondiales dégradées varient entre 1 à plus de 6 milliards d’hectares, soit une différence de plus de 50 millions de km2 , ce qui pose des risques importants de surestimation de terres disponibles pour l’agriculture.

Enfin, ces approches ne s’accordent pas toutes sur la distribution géographique des sols dégradés.

La nécessité de dispositifs de suivis

D’après la FAO , un tiers des sols mondiaux serait dégradé. La situation des sols ne s’améliorerait que sur 10 % de la surface terrestre. En fait, si l’on ne considère que les 22 % des terres émergées qui présentent un potentiel agricole, 60 % seraient déjà affectés par différentes formes de dégradation des sols. En l’absence d’un dispositif fiable de suivi mondial, il est toutefois difficile de préciser si cette dégradation s’accélère ou non.

Il manque un dispositif mondial de suivi de l’état des sols, fondé sur un échantillonnage à pas de temps régulier et sur des mesures standardisées. De tels dispositifs ont été mis en place au Royaume Uni, avec des campagnes d’échantillonnage en 1978, 1998 et 2007. En France, un réseau de mesures de la qualité des sols (RMQS) a été lancé en 2000, avec un échantillonnage systématique (incluant donc aussi les villes) selon une maille carrée de 16 km de côté.

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