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Charges de mécanisation

Réduire la puissance des tracteurs pour limiter les coûts de production !


TNC le 13/03/2020 à 06:04
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Pour sa première journée certifiée terrain, Innov-Agri a rassemblé une centaine d'agriculteurs. (©TNC)

Puissance de traction, pression des pneumatiques, répartition de la charge, type d'attelage, contrôle d'effort, rapport poids/puissance, consommation de carburant, lestage... des mots barbares qu'il vaut mieux maîtriser pour limiter les charges de mécanisation de l'exploitation. Les réduire est indispensable mais pas à n'importe quel prix. C'est ce qu'explique Julien Hérault, conseiller indépendant en machinisme agricole, à l'occasion de la première journée certifiée terrain d'Innov-agri 2020 à Outarville (Loiret).

À l’occasion de la première journée certifiée terrain, autant dire que les organisateurs d’Innov-Agri n’ont pas manqué d’air ! Une centaine de participants ont profité des conseils de Julien Hérault, expert en machinisme et animateur de la journée.

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Avoir la bonne pression dans les pneumatiques, bien répartir la charge de l’attelage, lester le tracteur, adapter la dimension des outils à la puissance du tracteur, le diamètre des roues… autant de paramètres à prendre en compte si l’on souhaite optimiser sa capacité de traction en vue de réduire la consommation de carburant et limiter la compaction du sol. Il en va de la rentabilité des exploitations agricoles.

Le poste traction représente 50 % des charges de mécanisation

Julien Hérault, conseiller indépendant en machinisme agricole, rappelle le poids des charges de mécanisation qui pèsent sur la trésorerie des exploitations agricoles françaises. En moyenne, l’amortissement du matériel représente 52 % des dépenses. Sur le plan comptable, le poste le plus important est celui de la traction. Il représente entre 40 et 50 % et est suivi par la récolte, entre 20 et 30 %. De quoi faire aussitôt réfléchir les agriculteurs présents dans la salle !

En France, la puissance moyenne des tracteurs a augmenté de 18 ch en 10 ans. « Les charges doivent diminuer, sans impacter le chiffre d’affaires de la ferme ! L’un des leviers, c’est de jouer sur le dimensionnement des outils. Soit le fermier augmente leur taille pour optimiser le débit de chantier des engins et ainsi diluer les charges à l’hectare, soit il diminue la puissance de ses tracteurs ! », explique le jeune spécialiste. Entre 2007 et 2017, les charges sont passées de 457 à 611 €/ha. 

3 à 4 ch pour semer au monograine

« La plupart des producteurs raisonnent leurs investissements de façon à pouvoir tout faire la pire année. Il faut calculer le surcoût engendré et le comparer au gain réalisé en conditions difficiles. La perte de rendement liée à une mauvaise année est-elle supérieure au coût du sur-équipement le reste du temps ? », précise le jeune homme.

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Pour optimiser les charges de mécanisation, il est primordial de raisonner aussi le rendement énergétique du tracteur. Se poser les bonnes questions est indispensable : quels travaux sont concernés, puis-je augmenter la vitesse de travail, le moteur sera t-il à plus de 80 % de taux de charge ? « Avoir des chevaux sous le capot, d’accord. Encore faut-il que certains ne boivent pas sans bosser ! », indique Julien. La puissance se justifie pour gagner en capacité de relevage. Non côté traction. « Pour emmener un semoir monograine, 3 à 4 ch par rang suffisent. Du coup, le D22 du grand-père suffit pour tracter l’outil à six rangs », ajoute le spécialiste en souriant.

50 % de rendement énergétique moyen pour les tracteurs de tête

À ce titre, mieux vaut d’ailleurs privilégier les outils traînés. « Certes, ils sont souvent plus chers à cause de l’homologation. Mais finalement, le coût lié à la surpuissance du tracteur ne paie-t-elle pas le châssis de l’outil ? », interroge l’expert. Les agriculteurs doivent travailler sur le rendement énergétique des moteurs. « Les capacités du tracteur de tête ne sont exploitées qu’à 50 %. Moins de 40 si l’on parle d’un engin de cour qui sert essentiellement pour manœuvrer », rappelle Julien.

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Attention à ne pas confondre puissance et effort de traction ! Si la puissance du tracteur augmente, son débit de chantier doit grimper également. « Pour gagner un tire à la corde, il ne faut pas choisir les plus forts mais les plus lourds ! », illustre le conseiller. Le rapport poids/puissance doit aussi être pris en compte. Lester le tracteur n’améliore pas son rendement énergétique. Pour cela, mieux vaut monter les rapports pour limiter le régime moteur (ou augmenter la vitesse de travail). Les équipements modernes bénéficient d’une régulation automatique qui prend en compte le taux de charge et vise à l’optimiser. 

Augmenter le diamètre des roues pour compenser le poids

Autre élément à considérer : le lestage augmente la résistance au roulement. Pour ne pas trop impacter les performances du tracteur, l’agriculteur peut jouer sur la largeur des pneumatiques. En augmentant le diamètre des roues, l’opérateur limite la résistance au roulement et élargit la surface de l’empreinte. Ce qui réduit évidemment le tassement de sol.

Le contrôle d’effort a souvent disparu des réglages faits par les agriculteurs. Son rôle est important dans le comportement de l’attelage et influe sur le taux de patinage du tracteur. Même si les agriculteurs cherchent à l’éliminer, le patinage améliore la capacité de traction. « De manière optimale, il convient de viser un taux compris entre 10 et 15 % », tente de convaincre l’animateur.

La répartition de la charge entre l’essieu avant et arrière a aussi son importance. Lorsque l’agriculteur calcule, il doit prendre en compte le fait que naturellement, le tracteur déleste l’essieu avant lorsqu’il tracte. Par exemple, sur un tracteur conventionnel à quatre roues motrices, la répartition du poids est égale quand le tracteur est statique. Au travail, la répartition change et est plutôt de l’ordre de 35 % sur l’essieu avant et 65 % sur l’essieu arrière. Idem avec les tracteurs à quatre roues égales. À l’arrêt, la charge sur l’essieu avant devra être d’environ 60 % si l’agriculteur vise l’équilibre au travail.

Les sources de surconsommation

La déformation du pneu engendrée par la baisse de pression, augmente la résistance au roulement et donc la consommation de carburant sur sol dur. D’où la nécessité de regonfler les roues sur la route ou dans les parcelles à sol dur. Sans oublier la déformation du sol. En conditions humides ou sur sol travaillé, le moteur consomme plus.

Question compaction, raisonner les basiques d’abord. Un essieu chargé à 20,7 t tasse le sol sur 25 cm de profondeur si le sol est humide à 20 %. À 37 % d’humidité, le tassement descend jusqu’à 55 cm. En clair, dans la mesure du possible, sortez la cavalerie seulement si les conditions le permettent. Il en va de préserver la qualité de la structure. Autre exemple : les engins automoteurs, comme les arracheuses à betteraves intégrales. Quoi qu’on raconte, elles tassent le sol, c’est inévitable. « La marche en crabe évite de tasser la même zone. Au lieu de créer des ornières dans le champs, la machine offre un champ d’ornières ! », remarque encore le spécialiste.

Control Trafic Farming : jusqu’à 80 % de surface jamais tassée

Toujours en vue de limiter la compaction, la technologie CTF (Control Trafic Farming) joue un rôle. Grâce aux antennes GPS, les engins sont capables de rouler au même endroit. Résultat : la surface compactée passe de 90 à 15 %. Ceci représente entre 70 et 80 % de la surface de la parcelle qui n’est jamais compactée. Le coût de la technique est élevé, principal frein à son développement.