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Agro-écologie/Ecophyto

Avec les plantes de service, semez votre désherbant


Grandes cultures le 09/03/2018 à 18:02
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L’association d’un couvert ou d’une culture secondaire à la culture principale est un levier efficace contre le salissement des parcelles. Mais les services rendus par ces plantes vont souvent au-delà de l’économie d’herbicides.

L’interdiction prochaine du glyphosate accélère la nécessité de trouver des alternatives au désherbage chimique en général. « Il faut raisonner plus globalement que sur le glyphosate, déclare Mathieu Lorin, enseignant-chercheur à l’Esa d’Angers. Certes, cette molécule et son produit de dégradation l’Ampa sont en tête des pesticides les plus quantifiés dans les cours d’eau. Toutefois, on trouve en fait douze herbicides parmi les quinze premières substances de cette liste. »

Une solution prometteuse est celle des « plantes de service » : elle commence à se développer chez les agriculteurs notamment pour la culture du colza où l’on parle aussi de « plantes compagnes ». Des légumineuses gélives sont semées en même temps afin de concurrencer les mauvaises herbes et de réduire le recours aux désherbants. Dans sa thèse en 2015, Mathieu Lorin a testé plusieurs légumineuses seules ou en mélange dans du colza (vesce, fenugrec, féverole, trèfle d’Alexandrie, lentille, pois fourrager, gesse). Il a observé de 20 à 75 % d’adventices en moins.

Afin de maîtriser le salissement sur la rotation, il est possible d’utiliser une légumineuse pluriannuelle telle que la luzerne, le trèfle blanc ou le trèfle violet : dans ce cas, celle-ci prend le relais après la récolte du colza, pendant l’interculture. Avant le semis de la culture suivante (d’hiver ou de printemps), la luzerne est simplement régulée. Et ainsi de suite pendant plusieurs années de façon à maintenir un couvert permanent. Les légumineuses de service peuvent également être semées en même temps qu’un blé d’hiver, ou en février/mars sous couvert de la céréale.

Les plantes de service entrent en compétition avec les mauvaises herbes, mais elles sont susceptibles de concurrencer aussi la culture elle-même. Il ne faut donc pas les choisir au hasard. Dans le cas du colza, gourmand en azote, les légumineuses conviennent bien car leurs besoins sont faibles. Si le couvert est pluriannuel, le potentiel de réduction des adventices s’accroît, mais aussi la compétition avec la culture principale. D’où l’importance de le réguler en favorisant les solutions mécaniques (broyage, fauchage ou pâturage).

Le maintien d’un couvert permanent ne permet pas non plus le recours au travail du sol afin de contrôler les adventices. Selon Mathieu Lorin, « tout cela doit être pensé à l’échelle du système de culture, et avant d’utiliser des plantes de service, la première étape indispensable est de diversifier la rotation, car c’est le levier le plus simple et le plus efficace. »

Qu’ils soient annuels ou pluriannuels, ces couverts apportent par ailleurs d’autres services que la réduction des herbicides, vérifiés par les utilisateurs. Agriculteur à Marigny-Marmande en Indre-et-Loire, Samuel Brault utilise des plantes de service dans son colza depuis sept ans. Il a supprimé le désherbage à l’implantation, et parfois même l’anti-graminées à l’automne ; il a réduit de trente unités sa fertilisation azotée ; et il n’applique plus d’insecticide systématique contre les altises. « Avec la masse de végétation importante à l’automne, les insectes ne retrouvent plus le colza, témoigne-t-il. Le mélange vesce pourpre et trèfle d’Alexandrie me coûte 40 euros/ha, mais un désherbage au semis coûte à lui seul plus de 100 euros/ha. » L’agriculteur constate en outre un meilleur comportement du colza en situation d’hydromorphie, grâce à l’amélioration de la structure de ses sols argilo-calcaires. Il a enregistré un rendement de 45 q/ha en 2017.

Très au point sur le colza, la stratégie des plantes de service est à l’étude pour de nombreuses autres cultures, notamment chez des agriculteurs cherchant à développer la recette adaptée à leur rotation et leur système. Outre son action désherbante, elle vise parfois aussi à sécuriser le rendement via une double récolte. Dans le cadre d’une thèse à l’Esa, des essais de blé ou triticale en tant que plantes de service dans du lupin d’hiver ont été réalisés. Le lupin est semé à sa densité optimale, en même temps que la céréale à 30 % de sa densité optimale. La population d’adventices est significativement réduite, tout en augmentant la production globale de la parcelle. La limite est la récolte qui exige la concordance des maturités et le tri des grains.