Se reconvertir vers l’agriculture pour moins de 500 €/mois


TNC le 30/06/2025 à 06:49
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Ceux qui se reconvertissent en agriculture peinent à vivre de leur activité agricole. (© thanakrit, Adobe Stock (visuel généré par IA))

Peut-on vivre de sa reconversion professionnelle vers l'agriculture ? Difficilement selon l'étude Agrinovo de l'École supérieure des agricultures - Esa d'Angers : beaucoup de reconvertis tireraient, de leur activité agricole, un salaire inférieur à 500 €/mois.

Pour rappel : le projet Agrinovo, piloté par l’École supérieure des agriculture – Esa d’Angers, sur les nouveaux installés en agriculture a mis en évidence, selon leur origine sociale et géographique, leur parcours d’accès à ce métier, les modes de transmission…, plusieurs profils de jeunes agriculteurs :

– les « héritiers bien préparés », qui ont presque tous un parent producteur agricole et de l’expérience dans ce domaine ;

– les « héritiers sans vocation agricole », pour la plupart enfants d’exploitant mais ayant travaillé dans d’autres secteurs ;

– les « classes populaires rurales », qui vivent à la campagne, ont suivi des études agricoles et ont, pour beaucoup, un agriculteur dans leur famille ;

– les « reconvertis des classes moyennes », ayant peu de liens avec le monde agricole ;

– les « reconvertis et contre-mobiles des classes supérieures urbaines », les premiers n’étant pas issus du milieu agricole à la différence des seconds qui reviennent à l’agriculture après s’en être détournés un temps.

Les « reconvertis » dégagent le plus faible revenu

Au-delà de l’analyse de cette typologie de jeunes installés en agriculture, Agrinovo propose un focus intéressant sur les revenus qu’ils tirent de leur activité agricole. Y-a-t-il ou non des différences entre les groupes ? La réponse est oui, et nettement. Les reconvertis sont ceux qui gagnent le moins d’argent : moins de 500 €/mois pour 65 % de ceux qui viennent des classes moyennes et 55 % des classes supérieures ! Un pourcentage qui descend à 40 % pour les contre-mobiles des classes supérieures et les héritiers sans vocation, 37 % pour les classes populaires rurales et 25 % pour les héritiers bien préparés.

(© Agrinovo, Esa d’Angers)

Dans le détail : 19 % des classes populaires rurales se prélèvent 500 à 999 € et 1 000 à 1 499 €, et 11 % plus de 2 000 €. 18 % des contre-mobiles des classes supérieures s’allouent 1 500 à 1 999 € et 14 % 2 000 € et plus. 25 % des héritiers bien préparés s’octroient 1 000 à 1 499 €/mois, puis 12 % plus de 2 000 €. 23 % des héritiers sans vocation dégagent 500 à 999 € et seuls 6 % 2 000 € et plus. Signalons que les héritiers et les contre-mobiles sont ceux qui investissement le plus au moment de l’installation

L’argent, dernière motivation pour être agriculteur

L’enquête fait aussi un zoom sur les motivations de ces nouveaux agriculteurs pour s’installer en agriculture. 

(© Agrinovo, Esa d’Angers)
  • Les héritiers bien préparés comme sans vocation agricole : reprendre le flambeau familial

La « reprise de l’exploitation/le métier des parents » a motivé l’installation de 63 % des héritiers bien préparés, quasi à égalité avec « travailler dehors au contact de la terre et des animaux » (62 %), loin devant « construire quelque chose/avoir quelque chose à transmettre » (40 %), « ne pas être sous les ordres de quelqu’un d’autre » (35 %), « mettre en œuvre des valeurs et convictions, se sentir utile » (34 %), une motivation à laquelle on ne s’attendait pas cependant à un tel niveau chez ces individus.

Étonnamment, « reprendre l’exploitation/le métier des parents » est la première des aspirations des héritiers sans vocation agricole (47 %) suivie, plus classiquement, de « travailler dehors au contact de la terre et des animaux » (44 %). Viennent ensuite, de façon deux fois moins importante, et à égalité ou presque, « mettre en œuvre des valeurs et convictions, se sentir utile » (21 %), ce qui peut surprendre un peu chez ce public, « changer de métier/milieu professionnel » (21 %), « avoir des horaires flexibles, du temps pour sa famille ou d’autres activités » (20 %).

  • Les classes populaires rurales et les reconvertis des classes moyennes : « travailler dehors au contact de la terre et des animaux »

C’est le premier motif pour s’installer chez 63 % des classes populaires rurales. 46 % veulent « construire quelque chose/avoir quelque chose à transmettre », 46 % « mettre en œuvre des valeurs et convictions, se sentir utile », 40 % « ne pas être sous les ordres de quelqu’un d’autre », 26 % « avoir des horaires flexibles, du temps pour sa famille ou d’autres activités », et 13 % « changer de métier/milieu professionnel ». À signaler : l’importance accordée à « construire quelque chose/avoir quelque chose à transmettre » et « mettre en œuvre des valeurs et convictions, se sentir utile ». 

69 % des reconvertis des classes moyennes aspirent à « travailler dehors au contact de la terre et des animaux », 61 % à « mettre en œuvre des valeurs et convictions, se sentir utile », largement devant « construire/transmettre quelque chose » (36 %), « ne pas être sous les ordres de quelqu’un d’autre » (34 %), « changer de métier et de milieu professionnel » (30 %), qui n’arrive qu’en cinquième position, « avoir des horaires flexibles, du temps pour sa famille ou d’autres activités » (21 %).

  • Les reconvertis des classes supérieures : « mettre en œuvre des valeurs et convictions, se sentir utile »

C’est le cas pour 71 % d’entre eux. 70 % souhaitent également « travailler dehors au contact de la terre et des animaux », bien avant « construire/transmettre quelque chose » (38 %) et là encore « changer de métier/milieu professionnel » (31 %), « ne pas être sous les ordres de quelqu’un d’autre » (21 %) et « avoir des horaires flexibles, du temps pour sa famille ou d’autres activités » (18 %).

  • Les contre-mobiles des classes supérieures : prendre aussi la suite des parents

55 % reviennent à l’agriculture pour cette raison. 52 % désirent « mettre en œuvre des valeurs/convictions, se sentir utile », 46 % « construire quelque chose/avoir quelque chose à transmettre », 44 % « travailler dehors au contact de la terre et des animaux », 21 % « ne pas être sous les ordres de quelqu’un d’autre », 19 % « avoir des horaires flexibles, du temps pour sa famille ou d’autres activités », 14 % « changer de métier/milieu professionnel ».

Partout, l’item « horaires flexibles, temps pour sa famille ou d’autres activités » recueille un pourcentage autour de 20 %, ce qui peut étonner au départ vu la charge de travail bien connue en agriculture. Ici, c’est plus la liberté de pouvoir davantage s’organiser comme on l’entend, prendre du temps occasionnellement pour un rendez-vous, s’adapter à sa vie familiale (aller chercher les enfants à l’école, les avoir avec soi sur la ferme…) qui est mise en avant.

« Mieux gagner ma vie » est en queue du classement : de 6-9 % (héritiers et classes populaires rurales) à 1 % (reconvertis des classes supérieures), ce qui fait écho à ce qui a été dit plus haut sur les revenus. Quid du rapport au métier d’agriculteur et de la façon de l’exercer ? Assez naturellement, les héritiers bien préparés sont, pour la plupart, à la tête de grosses structures conventionnelles et les reconvertis des classes moyennes et supérieures d’exploitations paysannes. Les contre-mobiles des classes supérieures ont tendance à diversifier leurs activités et les héritiers sans vocation à s’installer en individuel en conventionnel.