100 vêlages charolais : Sandra gère seule ce marathon en 6 semaines
TNC le 13/06/2025 à 05:13
Installée en 2019, Sandra Kalinowski a fait de la technique un allié au quotidien. Sélection vêlages faciles, échographies de contrôle de gestation, préparation vêlages réglée au millimètre… Tout est pensé pour lui permettre de gérer seule une centaine de vêlages en six semaines.
« Faire naître des veaux, c’est tout le sens du métier d’éleveur », estime Sandra Kalinowski au micro de la SpaceTV. Pour elle la reproduction ne se limite pas aux quelques semaines où le taureau est de service ! Son objectif : faire vêler une centaine de vaches en 6 semaines.
Installée en 2019 dans l’Allier, l’éleveuse est une vraie passionnée de Charolais. « J’ai toujours su que je voulais prendre la suite de mon père. » Mais les circonstances ont un peu précipité les choses : « une exploitation était à céder dans les environs, alors je me suis installée avec une soixantaine de mères ». Depuis le départ à la retraite de son père en 2024, la jeune femme gère les deux structures conjointement. « Mon père était moins technique que moi. M’installer en amont m’a permis d’étayer mon système. »
Seule sur la ferme, la technique est une manière pour elle de s’imposer. « Il est vrai que le monde du Charolais n’est pas très féminin ! », sourit Sandra « Pour être autonome au quotidien, j’essaie de travailler avec ma tête plutôt que de forcer. »
Une prépa vêlage aux petits oignons
Si bien que chez elle, l’art de faire naître des veaux est parfaitement optimisé. « Je guette les premiers retours en chaleur à l’automne, juste après les vêlages », explique l’agricultrice. S’il n’y a pas de retour, elle réalise une écho. Une manière d’éviter métrites, endométrites et tout autre trouble de l’appareil reproducteur. « Lorsque la période de repro débute, je sais que toutes mes vaches sont saines. » Dans la stabu, comme sur le téléphone, l’éleveuse assume : elle passe une bonne partie de son hiver à guetter les chaleurs. « Ça tombe bien, c’est aussi la période où il y a le moins de travail dans les champs », plaisante Sandra. Une caméra sur rail au sommet du bâtiment lui permet d’avoir toujours un œil sur ses protégées.
Elle en profite également pour réaliser une vraie prépa vêlage. Un minéral est apporté à l’auge. Les vaches sont vaccinées contre les diarrhées des veaux et les gros nombrils. Des copros sont réalisées pour jauger la charge parasitaire et un bolus est administré un mois avant vêlage. « On en demande beaucoup à une vache en fin de gestation. Le veau commence à prendre de la place. On souhaite qu’elle revienne vite en chaleur… Il faut leur en donner les moyens », tranche Sandra.
Inséminatrice par le passé, elle a tiré profit de cette expérience pour penser le fonctionnement de sa ferme. « Je me suis beaucoup inspirée du lait. Ils ont peu de place à l’improductif et je trouvais intéressant de le transposer au Charolais. »
Un contrôle de gestation dès 25 jours
Au 15 décembre, la période de reproduction débute. L’éleveuse laisse le taureau avec les 35 vaches du site historique, et gère les IA dans la seconde stabulation. Des premières échographies sont réalisées 24 jours après l’IA ou la saillie par le taureau. « Une manière de se rassurer », avoue Sandra. Une seconde échographie, 35 jours après, permet de confirmer la gestation.
Au 20 janvier, selon les résultats, l’éleveuse détermine la date de fin de sa période de reproduction. « En général, j’arrête au 1er février. Si vraiment, il me manque des vaches, je rallonge de 15 jours. »
Pour le contrôle de gestation, elle mise sur un contrat de suivi de reproduction. « Ça me revient à 10 € par tête. Certains diront que ça coûte cher, mais c’est toujours plus avantageux que d’avoir des vaches vides. » La méthode paye, l’élevage affiche un IVV de 358 jours et de 95 % de gestations.
La réussite de la reproduction ne se limite pas aux quelques semaines d’IA. « Je fais en sorte d’avoir des vêlages faciles pour ne pas trop fatiguer les vaches », explique Sandra. Une vache qui souffre au vêlage aura plus de difficultés à retrouver des cycles réguliers dans les semaines suivantes. Et la sélection génétique est pensée en circonstance : « je veux des vaches qui aient du bassin ». Chez elle, les césariennes sont rares. « Le véto est venu une fois l’année dernière, et encore, il a sorti le veau à la vêleuse ». Elle opte également pour des taureaux vêlages faciles, notamment sur les génisses. « Je vise les 108 d’Ifnais minimum », précise l’éleveuse.
Les vaches sont choyées : « j’ai des vêlages d’automne, alors s’il fait sec au pré, j’affourage. Il ne faut pas trop en demander à une vache en fin de gestation ». D’autant que les vêlages d’automne permettent de sevrer les veaux à l’approche de l’été.
Six semaines de vêlages « intenses »
Mais faire tenir sa période de reproduction sur six semaines, c’est aussi avoir six semaines de vêlages. « C’est intense », admet l’éleveuse. « J’ai une dizaine de smartvel, mais il y a tellement de vaches à vêler qu’ils ne sont pas forcément sur les bonnes. » Pour elle, cette période de vêlages est le prix à payer pour pouvoir se libérer à d’autres moments de l’année. « Ça me permet de rationaliser tout ce que je fais. Quand je suis dans les vaccins, je vaccine tout le monde, quand on fait des échos, on passe sur tout le troupeau. »
Car la ferme n’est pas la seule passion de l’éleveuse. Pompier volontaire, elle troque avec plaisir sa casquette d’agricultrice pour un casque d’intervention. « J’aime bien que ça bouge », confie Sandra. « Ça permet de voir autre chose, et surtout de continuer à faire vivre nos villages. Mais pour faire tout cela, il faut s’organiser pour avoir du temps. »
Après six années d’installation, la technique paye et lui permet de jongler entre travail et passion. « Le contexte s’éclaircit un peu en ce moment, mais il y a eu beaucoup d’années difficiles. Je pense qu’il faut rester bon techniquement pour affronter les crises. La FCO le montre bien, la reproduction est quelque chose de fragile. Il suffit d’un grain de sable dans l’engrenage pour que tout se complique. »