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Changement climatique

Varenne de l’eau : l’adaptation des filières agricoles au cœur des objectifs


TNC le 31/05/2021 à 10:00
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Le Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique a été lancé le 28 mai par le ministre de l’agriculture et la secrétaire d’État à la biodiversité, résolus à travailler ensemble sur un enjeu de taille : la gestion de l’eau en agriculture et l’adaptation des filières aux évolutions du climat. Ce Varenne se décline en trois thématiques, la gestion des risques, la résilience de l’agriculture, et l’articulation des besoins agricoles à la ressource en eau, avec des objectifs précis (agenda, résultats) pour chaque groupe de travail.

Inauguré ce 28 mai par le ministre de l’agriculture Julien Denormandie et la secrétaire d’État à la biodiversité Bérangère Abba, le Varenne agricole de l’eau et du climat veut prendre à bras le corps le sujet clivant de la gestion de l’eau en agriculture, dans un contexte de changement climatique.

« À terme, le risque est la diminution de la production agricole qui menace notre souveraineté alimentaire », a rappelé le ministre de l’agriculture. Face à l’urgence, « nous avons la volonté de faire front et de trouver les réponses », a ajouté Bérangère Abba.

Il s’agit, en effet, de lutter contre le changement climatique tout en favorisant l’adaptation du monde agricole à l’évolution du climat. Car si les six dernières années ont été les plus chaudes que l’on ait connues depuis 150 ans, la trajectoire de réchauffement va se poursuivre avec des effets très concrets dans les prochaines années, a rappelé le climatologue Jean Jouzel. Ainsi, avec un degré supplémentaire, l’évapotranspiration augmente de 7 %. L’eau en surface sera donc diminuée. Globalement, comme on le constate déjà aujourd’hui, les aléas seront plus fréquents, plus intenses, les débits moyens des cours d’eau et les débits d’étiage vont diminuer, parallèlement à une moins bonne recharge des nappes phréatiques.

Impact sur l’agriculture : le témoignage concret d’une agricultrice

Agricultrice installée en Normandie avec son conjoint, Nadège Petit a témoigné de son vécu sur la ferme familiale, une exploitation qui grâce à l’irrigation installée en 1986 par ses parents, permet une grande diversité de cultures. Néanmoins, le changement climatique se fait sentir : « nous constatons une difficulté d’implantation des cultures au printemps ou en fin d’été, des problèmes de fourrages pour les animaux » mais également « l’augmentation du vent en plaine, qui favorise l’évapotranspiration et engendre donc une sécheresse plus importante », explique l’agricultrice.

Autre constat, « aujourd’hui, l’évolution des variétés et du climat nous permet de cultiver du blé dur… La question que je me pose, c’est que reste-t-il aux zones intermédiaires ? », demande Nadège Petit. La difficulté à diversifier les assolements, à mettre en place des cultures de printemps qui luttent contre le salissement des parcelles, sont également des problématiques qui se posent. Pour l’agricultrice, il faudra adapter les solutions à chaque territoire mais aussi, plus largement, sortir du débat qui lie agriculteurs et irrigation, pour parler plutôt du lien entre l’eau et l’alimentation.

Une combinaison de leviers

« L’agriculture de 2050 ne sera pas celle de 2021 », a expliqué de son côté Thierry Caquet, directeur scientifique Environnement à Inrae. Les effets déjà observés vont se renforcer avec, pour une partie du territoire national, une baisse des rendements et une pression accrue des bioagresseurs en grandes cultures notamment. Les leviers d’adaptation sont multiples, mais il sera nécessaire de les combiner car ils n’ont qu’une efficacité partielle, indique-t-il.

Ces adaptations peuvent être incrémentales, comme le décalage des dates de semis (qui n’est possible que si les parcelles ne sont pas détrempées et si le printemps n’est pas trop sec), la sélection variétale, l’amélioration de l’efficacité de l’irrigation… Elles peuvent également être systémiques : reconception des systèmes de culture, remplacement d’espèces, diversification intra-parcelle, agroforesterie… Ou transformantes, en prenant la forme de nouvelles domestications d’espèces, d’abandon de productions à l’échelle régionale ou locale, ou d’une délocalisation de certaines productions, explique Thierry Caquet.

Gestion des risques, résilience de l’agriculture et vision raisonnée

Pour élaborer et mettre en œuvre ces solutions à grande échelle, le Varenne de l’eau se décline en trois groupes de travail : gestion des risques climatiques, résilience de l’agriculture, et gestion partagée et raisonnée des ressources en eau.

Piloté par Frédéric Descrozaille, député LREM qui a récemment rendu un rapport sur la gestion des risques, le premier groupe poursuivra trois axes de travail : une refonte du dispositif d’assurance récolte pour 2023, faire évoluer l’évolution de la gouvernance du fonds des calamités agricoles (FNGRA) dès 2021, et élaborer un protocole de gestion des crises de sécheresse.

Le deuxième groupe, dirigé par Anne-Claire Vial (présidente de l’Acta-Instituts techniques), et François Champanhet, se penchera sur les travaux réalisés par les filières pour l’adaptation au changement climatique, les diagnostics territoriaux à l’échelle régionale, et les réflexions thématiques sur un certain nombre de sujets (irrigation compatible avec le bon état des eaux, contribution de la sélection génétique, etc.). L’objectif étant d’aboutir à des stratégies d’adaptation au changement climatique.

Enfin, le dernier groupe piloté par Luc Servant (APCA), Jean Launay et Hugues Ayphassorho, devra identifier les orientations et actions à mettre en place pour une mobilisation sécurisée des ressources en eau à long terme, et construire une vision partagée pour mobiliser au mieux les ressources. Il se penchera notamment sur l’accélération des projets territoriaux de gestion des ressources en eau, la meilleure mobilisation des gisements existants.