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Agriculture biologique

Une consommation en déclin, des agriculteurs qui jettent l’éponge


AFP le 17/05/2023 à 19:31

Une consommation en déclin, des agriculteurs qui jettent l'éponge, d'autres découragés de se lancer : face à la « crise de croissance » du bio, le ministre de l'agriculture a annoncé mercredi une « enveloppe de crise » de 60 millions d'euros accompagnée de mesures pour stimuler la demande.

Alors que les conversions vers le bio ralentissent et que les départs augmentent, « ce serait notre échec collectif si on perdait des producteurs » bio, a déclaré Marc Fesneau depuis une ferme laitière de l’Oise. La France ambitionne d’avoir 18 % de surfaces agricoles en bio en 2027 (contre 10 % aujourd’hui), un objectif qui semble difficilement atteignable mais que le ministre a maintenu mercredi.

Dans l’Oise, aucune exploitation ne s’est convertie en bio ces deux dernières années. « On a des agriculteurs prêts à se convertir mais les laiteries ne veulent plus les prendre », regrette Sophie Tabary, présidente de Bio Hauts-de-France et productrice dans l’Aisne.

Le marché du bio a commencé à se retourner en 2021 après des années de croissance à deux chiffres qui avaient incité des agriculteurs à se lancer dans cette agriculture sans produits phytosanitaires ni engrais issus de la chimie de synthèse.

Mais les consommateurs, essorés par l’inflation (+ 15% sur un an en avril pour l’alimentation), s’en détournent au profit d’alternatives moins chères.

« Symbolique »

Marc Fesneau s’est aussi engagé à ce que les cantines sous responsabilité de l’Etat (ministères, prisons ou armées) mettent – enfin – 20 % de bio à leur menu d’ici à la fin de l’année. La loi Alimentation (ou Egalim, 2018) avait fixé pour 2022 cet objectif d’un minimum de 20% de bio dans les cantines. Mais la part du bio plafonne autour de 6 %.

« Commençons par balayer devant notre propre porte » en étant « exemplaires », a déclaré le ministre, appelant les collectivités locales – qui financent notamment les cantines scolaires – à faire de même.

« Mais les cantines de l’Etat, les armées et ministères, sont déjà proches des 20 % requis par la loi Egalim. La restauration scolaire est à 13 % de bio selon nous », a déclaré à l’AFP Marie-Cécile Rollin, directrice générale du réseau Restau’Co. « Un secteur dont on ne parle jamais, le médico-social, les hôpitaux, les Ehpad, les foyers pour personnes handicapées… est à moins de 1 % ! Il représente la moitié des repas de la restauration collective. S’il montait à 5 %, ce serait 150 millions d’euros d’achats de bio supplémentaires », estime-t-elle.

« À ce stade, l’engagement de l’Etat est symbolique », a réagi auprès de l’AFP le président de la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab), Philippe Camburet. « J’attends de voir si les collectivités locales emboîtent le pas. Aujourd’hui, elles disent « On paie les factures de gaz et on verra ce qui restera » » dans le budget. Selon lui, les 60 millions d’euros, dont les modalités seront définies ultérieurement, sont « encore loin du compte » pour soulager la trésorerie des professionnels en difficulté.

Une première « aide d’urgence » de 10 millions d’euros, actée fin février au Salon de l’agriculture, avait déçu. Le syndicat agricole majoritaire FNSEA s’est félicité dans un communiqué « de la revalorisation de l’enveloppe ».

« Tonnes d’invendus »

Le ministre a par ailleurs évoqué la « responsabilité de la grande distribution » dans la baisse de consommation de produits bio. Les linéaires sont moins fournis qu’avant en bio or « la visibilité d’un produit fait sa vente ». Il compte également « parler avec la grande distribution » du fait que les enseignes dégagent une « marge plus grande sur le bio que sur les autres produits », concourant à en augmenter le prix.

La visite ministérielle était organisée chez un éleveur, Michael Mos, qui dit avoir la chance « de faire partie des mieux payés de France en bio ». Excédentaire par rapport à la demande, le lait bio est parfois payé moins cher que du lait standard.

À côté, un producteur de légumes a dû abandonner le bio « à contre-cœur », « pour la survie » de l’entreprise placée en redressement judiciaire. Stéphane Dreumont avait pris la suite de ses parents qui étaient des pionniers du bio (1977). La ferme, qui a grossi à un moment où l’offre était déficitaire, s’est soudain retrouvée avec des « tonnes d’invendus ».

Cette déconversion « nous a complètement bousillés. On est bio dans l’âme, on faisait du bio par conviction, pas par opportunisme », a-t-il témoigné. Il a dit au ministre espérer « revenir le plus rapidement possible à nos valeurs ».