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Agriculture et changement climatique

Une adaptation trop incrémentale, insuffisante pour relever le défi climatique


TNC le 04/04/2023 à 16:25

Le réchauffement climatique va exposer l'agriculture européenne à davantage de phénomènes extrêmes. (©Pixabay)

Malgré de nets progrès et la mise en œuvre d’un certain nombre d’actions pour limiter le réchauffement de la planète, l'agriculture doit accélérer sa transition pour préserver la sécurité alimentaire mondiale à moyen terme.

« Aujourd’hui, l’action pour le climat monte en puissance mais l’adaptation reste incrémentale et ne prépare pas suffisamment aux conséquences d’un climat qui se réchauffe », « le rythme et l’ampleur des engagements ne sont pas suffisants », explique la paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte. Directrice de recherche au Commissariat à l’énergie atomique, la scientifique est intervenue au congrès de la FNSEA à Angers le 30 mars pour évoquer le défi climatique auquel l’agriculture est confrontée.

Les émissions de gaz à effet de serre issues des activités humaines continuent ainsi à augmenter, en partie à cause de l’agriculture qui, au niveau mondial, est responsable de 14 % des émissions de CO2 (dioxyde de carbone), 41 % des émissions de CH4 (méthane) et 69 % des émissions de N20 (protoxyde d’azote). Or, ces émissions provoquent en Europe de l’Ouest une intensification des phénomènes extrêmes : pluies ou chaleurs excessives, sécheresses agricoles… En fonction du niveau de réchauffement planétaire (de +1,5°C à +4°C par rapport à la période 1850-1900), une part plus ou moins importante du globe sera concernée par une élévation de la température du jour le plus chaud, une modification de l’humidité des sols, et un changement de précipitations pour le jour le plus pluvieux, explique la chercheuse.

Une généralisation des impacts graves pour la production agricole

Ces changements auront des impacts directs sur la production alimentaire. « Pour chaque incrément de réchauffement supplémentaire, les risques pour la production alimentaire vont s’aggraver », souligne Valérie Masson-Delmotte. Par exemple, pour un réchauffement compris entre +3,3 et +4,8°C d’ici la fin du siècle, les rendements de maïs en France et en Europe pourrait diminuer de 25 %, et de 30 % si le réchauffement est compris entre +3,9°C et +6,0°C. Or, on sait déjà que compte tenu des émissions actuelles, le réchauffement se poursuivra pour atteindre +2°C à l’échelle mondiale d’ici 2050 (par rapport à la période préindustrielle), et +3°C en France.

Quelles options d’adaptation et d’atténuation pour l’agriculture ?

Cependant, « de nombreuses options d’actions faisables, efficaces et abordables sont disponibles dès maintenant pour réduire les émissions et s’adapter à un climat qui change », indique la scientifique : systèmes d’élevage efficients, meilleure gestion des terres cultivées, efficience de l’utilisation en eau, agroforesterie figurent ainsi parmi les leviers d’adaptation pour le secteur agricole.

Pourront également être mobilisés les systèmes de mutualisation du risque, les filets de sécurité sociale, les services climatiques dont les systèmes d’alerte précoces, mais aussi les migrations, la relocalisation planifiée, ou encore la diversification des moyens de subsistance.

Pour atténuer les émissions, le secteur agricole peut travailler à limiter la conversion des écosystèmes naturels, augmenter le stockage de carbone dans les sols, et restaurer un certain nombre d’écosystèmes.

Malgré les progrès de la planification de l’adaptation et de la réduction des émissions de GES, une accélération reste nécessaire pour limiter au maximum les conséquences du réchauffement climatique sur l’agriculture mondiale et donc sur la sécurité alimentaire.