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Plan de sobriété sur l’eau

Sobriété, qualité, stockage : toutes les mesures qui concernent les agriculteurs


TNC le 03/04/2023 à 08:01

Le plan de sobriété sur l’eau annoncé par Emmanuel Macron jeudi 30 mars dans les Hautes-Alpes a été détaillé le lendemain par Christophe Béchu et Marc Fesneau, les ministres de la transition écologique et de l’agriculture. Une bonne quinzaine des 53 mesures du plan concernent directement les agriculteurs, a qui le Gouvernement demande des efforts de « sobriété » à l’hectare pour pouvoir irriguer plus de surfaces avec autant d’eau.

Emmanuel Macron a annoncé jeudi 30 mars un « plan de sobriété sur l’eau » pour tous les secteurs économiques et les particuliers. Un plan comportant 53 mesures que les ministres de la transition écologique et de l’agriculture, Christophe Béchu et Marc Fesneau, ont détaillé le lendemain.

Ce plan de sobriété, construit dans le même esprit que le plan de sobriété énergétique, invite d’abord tous les secteurs économiques, « y compris le secteur agricole » explique-t-on au ministère de l’agriculture, à présenter « d’ici à l’été » leur propre plan de sobriété.

Quelles mesures concerneront les agriculteurs ? Sur les 53 mesures du plan, une bonne quinzaine concernent directement les agriculteurs, dans quatre chapitres : organiser la sobriété, optimiser la disponibilité, améliorer la qualité, et les moyens à mettre en œuvre.

Organiser la sobriété « à l’hectare » pour permettre d’irriguer plus de surfaces avec autant d’eau

L’objectif global du plan est bien de réduire de 10 % l’eau prélevée d’ici 2030. Mais, pour le secteur agricole, cet effort brut sera à faire « à l’hectare » – autrement dit consommer moins d’eau par hectare – pour permettre d’irriguer plus de surface avec le même niveau de prélèvement.

  • Mesure 1 : Pour tous les secteurs économiques, établissement d’un plan de sobriété pour l’eau pour contribuer à l’atteinte de cet objectif (dès 2023) ;
  • Mesure 4 :  Pour les agriculteurs, 30 M€ supplémentaires par an seront consacrés au soutien des pratiques agricoles économes en eau (émergence de filières peu consommatrices d’eau, irrigation au gouttes à gouttes, etc.) (À partir de 2024) ;
  • Mesure 9 : Chaque grand bassin versant sera doté d’un plan d’adaptation au changement climatique précisant la trajectoire de réduction des prélèvements au regard des projections d’évolution de la ressource en eau et des usages (Dès 2023) ;
  • Mesure 10 : Des objectifs chiffrés de réduction des prélèvements seront définis dans les documents de gestion de l’eau à l’échelle des 1100 sous bassins du pays, à savoir les schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) et les projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) (Dès 2027)
  • Mesure 11 : Il sera progressivement mis fin aux autorisations de prélèvement au-delà de ce qui est soutenable dans les bassins versants dits en déséquilibre. Au fur et à mesure du renouvellement des autorisations (qui s’échelonne jusqu’en 2027) ;
  • Mesure 12 : L’installation de compteurs avec télétransmission des volumes prélevés sera rendue obligatoire pour tous les prélèvements importants (correspondant aux seuils d’autorisation environnementale). Lancement d’une expérimentation dans 10 territoires dès 2024, généralisation d’ici 2027.

Améliorer le stockage, réduire les fuites, valoriser les eaux usées traitées, récupérer plus d’eau de pluie…

Pour améliorer la disponibilité de l’eau pour le secteur agricole, plusieurs pistes sont envisagées. Il s’agit notamment de « massifier la valorisation des eaux non conventionnelles (eaux usées traitées, eau de pluie, eaux grises…) avec l’objectif de « développer 1000 projets de réutilisation sur le territoire d’ici 2027 »

  • Mesure 15 : Les freins règlementaires à la valorisation des eaux non conventionnelles seront levés à la fois dans l’industrie agro-alimentaire, dans d’autres secteurs industriels et pour certains usages domestiques, dans le respect de la protection de la santé des populations et des écosystèmes (Dès 2023)

Sur ce point de la réutilisation des eaux usées traitées issues des stations d’épuration, le ministère de l’agriculture précise que le décret devrait arriver avant l’été, après un passage obligé devant le Conseil d’Etat, qui a deux mois pour le valider. « Il n’y a pas de point bloquant » qui ferait que le Conseil d’Etat retoque le texte, précise le ministère.

La veille, le président fixait un objectif de 10 % de réutilisation des eaux usées d’ici 2030, alors que la France est très en retard sur ce sujet. Il souhaite ainsi la réutilisation de « 300 millions de mètres cubes, soit 3 piscines olympiques par commune (…) ou 3 500 bouteilles d’eau par Français et par an ».

  • Mesure 19 : La récupération des eaux de pluie de toiture des bâtiments agricoles (notamment bâtiments d’élevage, pour l’abreuvement des animaux) sera largement soutenue en vue de sa généralisation via des aides des agences de l’eau (dès 2024).

Selon le ministère, une enveloppe de 30 M€ y sera consacré.

  • Mesure 21 : Un fonds d’investissement hydraulique agricole sera abondé à hauteur de 30 M€/an pour remobiliser et moderniser les ouvrages existants (curages de retenues, entretien de canaux…) et développer de nouveaux projets dans le respect des équilibres des usages et des écosystèmes (Dès 2024)

Selon Marc Fesneau, la disponibilité en eau de certains ouvrages est actuellement amputée de 30 % à cause d’un envasement croissant, faute d’entretien suffisant. Quant aux nouveaux projets ou ceux en cours de construction, Emmanuel Macron a rappelé l’utilité et la pertinence des réserves d’eau, comme celle de Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres, qui a fait l’objet de violents affrontements entre opposants écologistes et forces de l’ordre. « Il ne s’agit pas de privatiser l’eau ou de permettre à certains de se l’accaparer », a-t-il déclaré, mais il a demandé que les futurs ouvrages soient conditionnés à des « changements de pratiques significatifs », à commencer par des économies d’eau et une réduction de l’usage des pesticides par les agriculteurs.

Favoriser les projets agroécologiques sur les aires d’alimentation de captage

Pour préserver la qualité de l’eau, l’évolution des pratiques vers des modèles de productions biologiques ou agroécologiques seront favorisés sur les aires d’alimentation

  • Mesure 24 : En phase d’installation de nouveaux agriculteurs sur des aires d’alimentation de captage, les projets s’inscrivant dans une démarche agro-écologique, d’agriculture biologique seront favorisés. Cette ambition sera portée dans le cadre de la concertation du Pacte et de la Loi d’orientation et d’avenir agricoles (2023) ;
  • Mesure 25 : Dans le cadre des négociations européennes du règlement pour un usage durable des pesticides (SUR), la France adaptera ses usages de produits phytopharmaceutiques au regard des forts enjeux de santé-environnement sur les aires d’alimentation de captages (2023)
  • Mesure 26 : La planification sur produits phytopharmaceutiques (Ecophyto2030) déclinera en France cette même approche relative à la limitation de l’usage des intrants dans les aires d’alimentation des captages (2023) ;
  • Mesure 27 : Le soutien aux pratiques agricoles à bas niveau d’intrants sur les aires d’alimentation de captage sera renforcé via les agences de l’eau : revalorisation des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) et aides à la bio revalorisées sur les aires alimentation de captage à hauteur de 50 M€/an ; prolongation de l’expérimentation des paiements pour services environnementaux (PSE) jusqu’à la fin de la programmation Pac à hauteur de 30 M€/an ; aide à l’acquisition foncière par les collectivités à hauteur de 20 M€/an (Dès 2024) ;
  • Mesure 28 : En cas de dépassement des exigences de qualité fixées pour les eaux destinées à la consommation humaine par un pesticide toujours utilisé, des mesures de gestion permettant de juguler le risque seront mises en place automatiquement par le préfet, en complément des mesures du plan de gestion de la sécurité sanitaire des eaux de la collectivité (2024) ;

Mieux informer les agriculteurs sur les restrictions d’eau applicables sur leur territoire

L’État veut enfin améliorer la gouvernance de la gestion de l’eau, en instaurant une instance de dialogue dans tous les sous-bassins versants.

  • Mesure 33 : Chaque sous-bassin versant sera doté d’une instance de dialogue (CLE) et d’un projet politique de territoire organisant le partage de la ressource (D’ici 2027) ;
  • Mesure 34 : Les SAGE seront modernisés (fonctionnement simplifié des commissions locales de l’eau et portée du règlement conforté) et encouragés à définir des priorités d’usage de la ressource en eau ainsi que la répartition de volumes globaux de prélèvement par usage (Dès 2023) ;
  • Mesure 50 : Un outil simple d’accès et d’utilisation sera déployé afin que chacun puisse connaître les restrictions qui s’appliquent en fonction de sa géolocalisation et de sa catégorie d’usager, et les éco-gestes recommandés au regard de la situation hydrologique locale (Lancement de la version bêta d’ici l’été 2023).

Après une canicule et une sécheresse historiques à l’été 2022, l’hiver en France a été particulièrement sec avec un record de 32 jours sans pluie, ce qui n’a pas permis de reconstituer les nappes phréatiques, pour 80 % en dessous des normales au 1er mars.