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Souveraineté alimentaire

Un enjeu qui se travaille également à l’échelle territoriale


TNC le 09/11/2020 à 15:02
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Si la crise actuelle a mis en lumière les dépendances de nos modèles alimentaires français et européen, la reconquête de la souveraineté ne pourra s’affranchir de politiques menées à l’échelle locale, pour tirer parti des spécificités et maintenir, en partant de l’agriculture, une dynamique économique forte au niveau de territoires, estiment les participants au deuxième webinaire organisé par le collectif Planet A, dans le cadre d'#AgriTalks.

La reconquête de la souveraineté alimentaire peut s’appuyer sur les dynamiques de territoires. (©Pixabay)

Si elle souligne la capacité des acteurs de la chaîne alimentaire à tenir malgré une pression inédite, « cette crise met aussi en lumière ses dépendances », notamment vis-à-vis du soja brésilien, des intrants, ou de la ressource en eau, a rappelé le ministre de l’agriculture qui a introduit, en vidéo, l’un des webinaires sur la souveraineté alimentaire organisé par Planet A le 5 novembre et animé par le député de Meurthe-et-Moselle Dominique Potier (PS).

Pour réduire cette dépendance, l’Union européenne, via la Pac, sera un levier clé, mais le ministre croit également à l’importance des dynamiques de territoires. Cette confiance pourrait cependant être davantage exprimée, selon Jean Rottner, président  de la région Grand-Est : « travailler avec les territoires, c’est leur faire confiance, accepter que les territoires soient différents, c’est accepter que les politiques européennes puissent être entre leurs mains directement sans passer par l’État ». À la lueur de l’actualité, estime-t-il, les collectivités locales se remettent en cause et se demandent comme dégager une nouvelle souveraineté économique, à l’échelle régionale, et l’agriculture fait nécessairement partie des réponses.

Des projets qui partent des territoires

Pour Sébastien Windsor, président des chambres d’agriculture, recréer de la souveraineté passera par des mesures de transition « qui doivent surtout être menées au niveau des territoires », accompagnées notamment par le plan de relance.

Lire aussi : APCA : « le plan de relance ne se fera pas si les Chambres ne sont pas au rendez-vous »

Une politique plus locale qui permettrait l’émergence de projets diversifiés et créateurs de valeur. Par exemple, dans les zones intermédiaires, où la dynamique des vingt dernières années a été de simplifier les modèles pour réduire les coûts et gagner en compétitivité. « Aujourd’hui, il faut inverser les choses, le développement de la richesse se fera par un refoisonnement de projets plutôt que par la simplification à l’extrême des modèles ». Mais quand il n’y a plus d’argent pour investir, la dynamique de territoire joue pleinement son rôle, estime-t-il.

Pour les intervenants, la bioéconomie est un bon exemple d’économie circulaire, créatrice de valeur et associant un grand nombre d’acteurs d’un territoire. Le sujet des protéines végétales est également un enjeu, et le plan protéines pourrait permettre d’accélérer la reconnexion entre agriculture et élevage, qui favorise également l’économie circulaire. Mais toujours à l’échelle du territoire, car les problématiques sont différentes. Ainsi, dans le Grand-Est, l’une des difficultés dans la filière viande est le manque d’abattoirs de grande taille. « Il nous faut beaucoup travailler sur les petits abattoirs de proximité, et c’est toute la chaîne de valeur qu’il faut arriver à valoriser », témoigne Jean Rottner.

Attractivité du métier

Pour des territoires foisonnants de projets, plus diversifiés et plus résilients, il est cependant nécessaire de maintenir des agriculteurs nombreux. L’une des clés, pour redonner de l’attractivité au métier, est « de mettre l’agriculture au cœur des décisions, et ne pas lui imposer des modèles », insiste le président des chambres d’agriculture, prenant l’exemple des multiples MAEC de la Pac et de leur faible efficacité. « Le rôle des collectivités est d’accompagner la prise de risque de l’agriculture qui va changer de système », ajoute Sébastien Windsor.

Des évolutions sur la transmission et le foncier seront également nécessaires, tout comme sur le sujet de la charge de travail, quand les nouvelles générations d’agriculteurs vivent désormais de plus en plus souvent avec un(e) conjoint(e) qui ne travaille pas dans l’agriculture et n’accepte pas aussi bien les astreintes du métier.

Le défi est d’ailleurs identique de l’autre côté de la frontière, en Allemagne, témoigne Roland Theis, secrétaire d’État à la justice et aux affaires européennes du Land de Sarre. La problématique est d’ailleurs bien illustrée, selon lui, à travers l’émission « Bauer sucht Frau » (« Paysan cherche femme »), l’équivalent allemand de L’amour est dans le pré, qui démontre que les difficultés du métier d’agriculteur peuvent constituer un frein à la vie de couple. « On n’a pas réussi à trouver la baguette magique pour résoudre le problème, mais cela commencera forcément par la valeur que l’on donne au travail, et par le prix que le consommateur est prêt à payer pour la consommation », ajoute-t-il.