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Yvon Boutier, éleveur retraité (22)

Transmettre, c’est « échanger en toute transparence » avec les repreneurs


TNC le 09/04/2021 à 06:13
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Pour Yvon Boutier, qui a cédé sa ferme en mai 2020, la transmission nécessite « une relation de confiance » entre cédants et repreneurs, basée sur la communication et la transparence de chaque côté. Pas de non-dit, ni de « tabou » pour que chacun se « sente à l'aise » d'aborder les points qui lui tiennent à cœur. Le risque sinon : que « la cession n'aboutisse pas ».

À retenir de l’expérience d’Yvon Boutier

Anticiper au maximum et bien identifier les éléments de la reprise.

« Il faut anticiper au maximum, particulièrement pour l’achat des terres, afin de se mettre d’accord avec l’ensemble des propriétaires », met en avant l’éleveur qui doit encore « officialiser certains échanges » parcellaires ce printemps. Autre conseil : « bien identifier tous les éléments de la reprise : le cheptel, le matériel, les bâtiments, les annexes, les points de passage. Ce qui importe également selon le producteur : « la transparence au niveau des bilans comptables. » Et au-delà ! Il s’agit, selon lui, de répondre à toutes les interrogations que les futurs installés se posent. « Il n’y a pas de question tabou ! », lance-t-il.

Répondre à toutes les questions des futurs installés.

L’accompagnement des deux parties, des repreneurs mais aussi des cédants, en matière de fiscalité principalement, est également primordial. Et surtout, martèle Yvon Boutier, il faut « établir une relation de confiance », dès le premier contact et tout au long du parcours en se tenant au courant réciproquement de là où on en est. Car transmettre nécessite « beaucoup d’échanges ». « Au dernier moment, des cessions peuvent ne pas aboutir à cause d’un manque de communication », met en garde la chambre d’agriculture. « D’où l’importance de répondre à chaque message ou SMS », ajoute-t-elle sans plaisanter tant que ça. Et de mettre par écrit les points essentiels de chaque discussion. »

L’historique 

En 1980, Yvon Boutier s’installe avec son épouse sur une partie de la ferme laitière parentale, à Kerien (Côtes-d’Armor). « Une installation un peu précipitée suite au décès de mon père », raconte-t-il. En 1983, le couple reprend d’autres bâtiments d’élevage avec une porcherie, ainsi qu’une maison d’habitation et quelques annexes. « C’est là qu’on a commencé à vraiment se projeter », se souvient l’éleveur. Puis, en 1986, les époux s’associent en Gaec avec un cousin. L’exploitation compte alors 135 ha, 350 000 l de lait, 400 places d’engraissement de porcs et un petit atelier de viande bovine.

L’exploitation à transmettre

Depuis le départ de leur associé en 2016, ils exploitent 110 ha (18 ha de maïs, 10 ha de céréales, le reste en prairies permanentes et temporaires), élèvent des Montbéliardes, pour une référence de 530 000 l livrés à Sodiaal, mais aussi des bœufs croisés et des génisses à l’herbe pour leur viande. La production porcine, elle, a été abandonnée. « Toutes les mises aux normes ont été effectuées, précise Yvon. Les capacités de stockage, rapportées au cheptel, ont été validées. »

110 ha, 530 000 l de lait, un peu de viande bovine.

L’objectif des Boutier : céder leur structure à un jeune couple, aucun de leur trois enfants ne souhaitant prendre la suite et aucun voisin ne les ayant sollicités.

Le foncier

Yvon Boutier et sa femme possède 25 ha en propriété. Pour le reste, ils ont contacté les propriétaires et « tous voulaient vendre ». « Donc, pour transmettre, nous avons dû d’abord acheter », font-ils remarquer. Les producteurs ont ensuite créé, sur une vingtaine d’hectares, un GFA (groupement foncier agricole) avec leurs enfants. Toutes les terres sont louées aux successeurs via un bail de 18 ans. « Faire appel à un notaire, expert en la matière, nous a beaucoup aidés. »

Pour transmettre, nous avons dû d’abord acheter.

Un propriétaire qui a l’intention de vendre en amont de la cession de l’exploitation, plus d’un agriculteur le redoute. Que faire dans cette situation ? « On peut refuser, c’est le droit du locataire, en espérant que le bailleur n’en tienne pas rigueur et accepte de louer au repreneur, répond la chambre d’agriculture. Acheter donne une plus grande indépendance dans la gestion future de la transmission. Mais il faudra attendre cinq ans pour pouvoir revendre (engagement fiscal). L’option de la location est alors plus simple. »

L’évaluation de la ferme

« Nous avions fait une estimation en 2015 avec la chambre d’agriculture, quand notre associé est parti, explique Yvon. Elle nous a servi de base de calcul pour la valeur de reprise, en tenant compte de la vétusté du matériel, des bâtiments et des investissements que nous avons réalisés entre-temps. » Il s’agissait aussi de prendre en compte la capacité de remboursement des jeunes repreneurs. « C’est important ! », insiste-t-il. 

Tenir compte de la capacité de remboursement des repreneurs.

La transmission

Les époux Boutier ont trouvé leurs successeurs grâce au RDI (répertoire départ installation), auquel ils s’étaient inscrits en 2017. S’ils ont reçu plusieurs candidatures, deux couples sont venus visiter leur élevage, mais l’un n’a pas donné suite. Les exploitants ont conclu avec le second, Gaëtan et Justine, un contrat de pré-installation d’octobre 2018 à septembre 2019. Ensuite, Gaëtan a été salarié jusqu’à son installation en mai 2020. « Cela permet de comprendre le fonctionnement de l’exploitation, en particulier le foncier et l’assolement, et de connaître ses différents partenaires, notamment la Cuma dont nous faisons partie et les voisins avec lesquels nous faisons régulièrement de l’entraide. » Côté organisation du travail, « il y a quelqu’un en plus alors il faut trouver le bon rythme, par exemple pour les astreintes du week-end », fait remarquer Yvon. Par ailleurs, les cédants doivent faire preuve de souplesse pour permettre aux jeunes de suivre leurs formations et de mener leurs diverses démarches.

Faciliter les choses aux jeunes car une installation, ce n’est pas rien !

Le jeune couple était intéressé par la reprise de la maison d’habitation, des bâtiments, du foncier sous bâtiment et de quelques parcelles annexes. « Nous avons essayé de faciliter les choses le plus possible, souligne Yvon. Une installation, ce n’est pas rien ! C’est un engagement sur de nombreuses années ! »