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À Strasbourg

Stockage de carbone et visite à la ferme pour les ministres européens


AFP le 08/02/2022 à 09:44
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Julien Denormandie a vanté auprès de ses collègues européens le «  Label bas carbone » agricole français. (©Julien Denormandie/Twitter)

Amplifier le stockage du carbone dans les sols pour atteindre l'objectif de neutralité en 2050 : les ministres de l'agriculture de l'UE, réunis jusqu'à mardi à Strasbourg, ont échangé sur leurs pratiques et visité une ferme engagée dans une transition bas carbone.

Le diagnostic est partagé mais les modalités restent à préciser, alors que « l’ agriculture bas carbone » fait l’objet d’un projet législatif de la Commission européenne attendu fin 2022. La France, qui a fait de la question climatique une priorité de sa présidence du Conseil de l’Union européenne, veut concilier l’objectif environnemental de séquestration de CO2 dans les sols et celui de valorisation économique, avec l’émission de crédits carbone agricoles.

Hôte des représentants des Vingt-Sept, le ministre français de l’agriculture, Julien Denormandie, a appelé à voir le carbone « non comme une obligation mais comme une opportunité » et un levier pour la transition écologique du monde agricole.

L’agriculture représente environ 10 % des émissions européennes de gaz à effet de serre – 17 % en France, premier producteur agricole de l’UE. Elle-même victime du dérèglement climatique, l’agriculture offre aussi des solutions : après les océans, les sols sont les principaux puits de carbone de la planète.

« Valoriser les bonnes pratiques »

Comment séquestrer le carbone dans les sols agricoles ? Les solutions sont connues : ne pas laisser les sols nus, en développant les prairies ou les cultures dites intermédiaires entre deux récoltes (le couvert végétal retourne au sol sous forme de biomasse), planter des haies autour des champs, utiliser les fumiers issus de l’élevage, éviter les labours qui alimentent l’érosion, diversifier les cultures au profit de légumineuses (pois, lentilles) qui vont enrichir les sols… Mais il reste à s’accorder sur des critères de certification pour aboutir à « un consensus », une « vision partagée ».

À Colmar (Haut-Rhin) puis à Mussig (Bas-Rhin), Julien Denormandie a expliqué vouloir œuvrer pour la « structuration du marché des crédits carbone générés par les agriculteurs ». Le gouvernement français fait deux constats : d’une part, « le marché de la compensation volontaire de carbone est en pleine expansion » et la demande mondiale pourrait être « multipliée par quinze d’ici 2030 », d’autre part, la marge de croissance se situe dans le secteur agricole, qui représente aujourd’hui « moins de 0,1% des crédits carbone mondiaux ».

En Alsace, Julien Denormandie a plaidé pour un cadre de certification européen clair et transparent qui garantisse un impact vérifiable, de nature à rassurer les investisseurs – alors que la tonne de carbone est aujourd’hui en moyenne cinq fois plus chère en Europe qu’en Asie ou en Amérique latine.

Une différence qui s’explique par la qualité du service environnemental rendu : « Étanchéifier une fosse à lisier, c’est plus difficile que de ne pas couper des arbres », a résumé le ministre français. Avec son homologue espagnol, Luis Planas, il a jugé nécessaire de déterminer en commun « une méthodologie » qui permette de « valoriser les bonnes pratiques ».

Quelques pays européens ont développé des labels, parfois bien plus tôt que la France – l’Autriche dès 2007 -, mais le plus souvent au niveau local ou dédié à un seul secteur, comme l’Italie ou l’Espagne pour la forêt. Julien Denormandie a vanté auprès de ses collègues européens le «  Label bas carbone» agricole français, qui s’appuie sur des méthodes différentes (viticulture, élevage, grandes cultures), offre un cadre national et est connecté au marché du carbone agricole.

Démonstration dans une ferme en polycultures-élevage du Bas-Rhin : quatre agriculteurs viennent de réaliser un diagnostic qui va les conduire à de profonds changements de pratiques, comme créer des prairies, allonger la durée de lactation des veaux, etc. Objectif visé : réduire les émissions de 1 400 tonnes d’équivalent CO 2, qui pourront in fine rapporter 40 000 euros aux exploitants.

Un « très bon exemple d’agriculture durable », a salué le commissaire européen Janusz Wojciechowski, qui a expliqué à la presse s’être rendu compte qu’il pouvait être avantageux pour l’agriculteur, même à l’échelle d’un élevage de 160 vaches, et « pas seulement pour les grandes cultures », de s’engager dans cette transition bas carbone. Mardi, les discussions se poursuivent à Strasbourg jusqu’à la mi-journée.