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Cours des grains

Russie, météo, demande : le marché des céréales chahuté par les incertitudes


AFP le 05/04/2023 à 18:20

Sur le marché européen, les prix du blé et du maïs sont en baisse continue depuis une semaine. (©GettyImages)

Après un rebond lié aux signaux confus envoyés de Russie et à la hausse du pétrole, les prix mondiaux des céréales étaient mercredi de nouveau orientés à la baisse, accusant le coup d'un ralentissement de la demande et d'une météo incertaine.

« La peur d’une récession, associée aux craintes géopolitiques, a submergé le marché. La possibilité d’un affaiblissement de la demande a pris le dessus », a commenté Michael Zuzolo, de Global Commodity Analytics and Consulting.

Aux États-Unis, où le ministère de l’agriculture a annoncé vendredi un bond des surfaces dédiées au blé à 20,1 millions d’hectares (+ 9 %), à un niveau que le pays n’avait pas connu depuis sept ans, les traders font fi des rapports sur les conditions de culture : pour le blé dur, l’état des cultures est considéré comme « bon à excellent » à 28 % seulement du fait de la sécheresse. La dynamique des prix est la même pour le maïs, dont les surfaces cultivées sont annoncées en hausse de 3,8 % aux Etats-Unis.

Dans un climat d’incertitudes, les facteurs de hausse et de baisse se neutralisent presque sur les marchés, relèvent les analystes. L’annonce, dimanche, des pays exportateurs de pétrole de tailler dans leur production a entraîné un léger rebond des oléagineux (colza, soja, tournesol), largement utilisés pour produire des agrocarburants dont les prix suivent ceux des carburants, mais aussi du maïs américain.

Mais les mauvais chiffres de l’emploi aux Etats-Unis et la crainte d’une récession mondiale, associés à l’absence de nouvelles grosses commandes chinoises, ont fait fléchir les prix du grain jaune.

« Les fonds et les investisseurs devraient se mettre à l’achat avec ces baisses, mais au lieu de cela, ils se mettent à vendre dès que les prix remontent », constate Michael Zuzolo.

Retrait logistique de Russie

Sur le marché européen, les prix du blé sont en baisse continue depuis une semaine et s’échangeaient autour de 253 euros la tonne en séance mercredi. Même tendance pour le maïs, qui se vendait à 251 euros la tonne sur Euronext, les céréales européennes pâtissant en outre de la remontée de l’euro face au dollar.

La semaine a été marquée par les annonces des géants mondiaux du négoce agricole, qui vont se désengager de leurs activités logistiques de Russie, dont ils assurent environ un quart des exportations de blé. A partir du 1er juillet, démarrage de la nouvelle campagne de commercialisation, le plus grand négociant mondial Cargill, ainsi que les groupes Louis-Dreyfus (LDC) et Viterra, qui possèdent des infrastructures dans les ports, se contenteront d’affréter des bateaux pour récupérer des cargaisons.

Les analystes estiment que la politique de taxes à l’exportation mis en place par la Russie en juin 2021 a pu peser dans la balance, de même que la rumeur d’instauration d’un prix plancher minimum pour assurer aux producteurs russes un revenu suffisant.

« Aujourd’hui les taxes russes à l’exportation sont à 67 dollars la tonne, mais cela a varié de 28 dollars en juin 2021 à 140 dollars en juillet 2022. En se désengageant de la logistique portuaire, les négociants suppriment un facteur d’incertitude dans les prix », relève Damien Vercambre, du cabinet Inter-Courtage. Par ailleurs, souligne-t-il, « il n’y a toujours pas de prix plancher : au contraire, les prix du blé russe continuent de baisser », alors qu’« on est encore loin des 25 millions de tonnes exportées, comme le prévoient les quotas russes pour cette campagne ».

Dans les ports russes, après le départ des géants du négoce, « d’autres entités vont reprendre les installations, mais ça introduit un aléa sur ce que va faire la Russie. Est-ce que le corridor (céréalier ukrainien, reconduit jusqu’au 18 mai) va rester ouvert ? Pour combien de temps ? Ces marchés vont rester volatils », juge Franck Cholly, de RJO Futures.

Qualité de la récolte, quotas et prix : « Depuis 15 ans, à chaque fois que le prix du blé s’agite, c’est lié à la Russie », rappelle Sébastien Poncelet du cabinet Agritel. Cette année, la situation est d’autant plus tendue que la Russie détient 35 % des stocks mondiaux de blé destinés à l’exportation et joue de sa position d’arbitre, alors que les pays de la mer Noire, Russie et Ukraine en tête, se livrent une concurrence féroce pour écouler les derniers chargements de la récolte 2022.