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Prospective

Quelles questions clés pour l’élevage laitier dans la future Pac 2027-2032 ?


TNC le 23/03/2023 à 11:50

©GettyImages

Si la Pac 2023-2027 se déploie tout juste sur le terrain, les réflexions pour l’élaboration de la Pac 2027-2032 s’amorcent dès aujourd’hui. Quelles sont les questions qui pourront peser dans le débat à venir ? Quelle place pour l’élevage laitier ? La Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) a mis en exergue ces différents enjeux à l’occasion de son assemblée générale, le 22 mars.

La Pac 2023-2027 entre en vigueur cette année, mais les réflexions pour la prochaine programmation ont déjà démarré. La préparation du nouveau cadre financier pluriannuel doit se faire pour l’été 2025, avec un vote par une nouvelle commission européenne élue en 2024. « En ce moment où l’on est engagés dans la mise en œuvre de la nouvelle Pac, il est important de le faire sans déstabiliser les acteurs ni créer de nouvelles incertitudes. On commence sans rentrer dans la mécanique dans un premier temps, mais en réfléchissant à quelle vision, quel rôle de l’agriculture européenne, française, à l’horizon 10-15 ans », a expliqué Catherine Geslain-Lanéelle, directrice Stratégie et analyse politique à la DG Agri de la Commission européenne.

À l’occasion de son assemblée générale, le 22 mars, la FNPL a en effet souhaité se projeter dans cette future Pac et sur les orientations qui risquent de peser sur l’élevage laitier. Si la Pac 2023-2027 est plutôt favorable à la filière, reconnaît Patrice Remaud, administrateur de la FNPL, « demain, c’est une Pac de production » que souhaite défendre le syndicat, dans un contexte où l’importance de la souveraineté alimentaire a été réaffirmée. « L’idéologie d’un consommateur ou l’orientation politique ne doit en aucun cas être un frein et créer demain une pénurie de l’alimentation », insiste-t-il,  rappelant les difficultés actuelles de la production biologique.

Un sujet de l’autonomie qui reste central

Alors que la tendance à la diminution du nombre d’exploitations se poursuit, tout comme la spécialisation et l’accroissement de la taille des fermes, l’âge moyen des exploitants agricoles continue d’augmenter. En parallèle, la diminution du nombre d’animaux d’élevage touche désormais toutes les productions de l’Union européenne en lien, « pour partie, à l’évolution des régimes alimentaires », indique Catherine Geslain-Lanéelle. L’objectif d’une juste rémunération des agriculteurs, la Pac devant depuis son origine leur assurer un niveau de revenu comparable à celui des autres catégories socioprofessionnelles équivalentes, n’est en revanche pas atteint, le revenu des agriculteurs n’atteignant que 40 % du revenu médian.

Or, après la pandémie puis, aujourd’hui, avec la guerre en Ukraine, la question de l’autonomie stratégique de l’UE reste haut placée dans l’agenda européen, explique Catherine Geslain-Lanéelle, une autonomie qui concerne quatre secteurs en priorité : l’énergie, l’alimentation, la santé et le digital. Sans que cela n’éclipse la question de la durabilité, « très forte dans l’agenda de cette Commission et qui devrait rester », ajoute-t-elle.

La question de la durabilité, incontournable

Une durabilité qui sera donc probablement toujours dans les axes principaux de la future Pac. « Ce qu’on n’a pas bien fait collectivement, c’est d’arriver à montrer que la transition est commencée », souligne Catherine Geslain-Lanéelle. Mais il faudra également se poser la question de la place et du rôle de l’élevage dans un contexte d’évolution des régimes alimentaires, ainsi que celle de la massification des bonnes pratiques, « sans dégrader la performance économique », alors que « l’activité agricole devient de plus en plus risquée ». Et ce risque est peut-être insuffisamment traité aujourd’hui dans les politiques publiques, un point qu’il faudra faire évoluer.

« Il n’y a pas que la Pac qui agit sur l’agriculture »

Néanmoins, « il n’y a pas que la Pac qui agit sur l’agriculture », rappelle Catherine Geslain-Lanéelle, d’autres législations interviennent, et d’autres voies pourront également financer le secteur, notamment en ce qui concerne le stockage de carbone. Pour Jérémy Jallat, membre de JA et de la FNPL, l’avenir de l’élevage passera en tout cas « par les prix et pas par les aides », mais la Pac doit participer au revenu et surtout au démarrage, à l’installation, compte tenu des investissements très importants nécessaires aujourd’hui pour se lancer à l’élevage laitier. Pour savoir comme faire évoluer les systèmes et s’adapter à cinq ou dix ans, JA porte notamment l’idée de diagnostics climatiques au moment des installations.

Surtout, la réglementation ne doit pas être déconnectée de ce qui se passe sur le terrain. « On a un système vertueux, à taille humaine, tout ça en incorporant beaucoup d’environnement », rappelle Patrice Remaud. Et pourtant, la directive IED aujourd’hui en discussion propose de soumettre une partie des élevages à la réglementation des sites industriels. « Quels moyens a-t-on demain pour y remédier ? Dans le cas de l’IED, c’est de ne plus avoir de vaches ! », prévient-il. « Les idées arrivent sans savoir si c’est réalisable humainement, socialement », au risque, demain, de « tuer l’élevage », regrette-t-il.