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Marchés mondiaux du lait

Quelles perspectives pour le secteur laitier chinois après la bonne année 2021 ?


TNC le 05/08/2022 à 05:02
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En Chine, la concentration du cheptel laitier s'accélère ces dernières années (©AdobeStock)

À l’amont comme à l’aval, le secteur laitier chinois a connu une bonne année 2021. Les premiers mois de 2022 sont plus compliqués à cause de la hausse des coûts de production et de la situation sanitaire qui a réduit la demande, mais les incitations à la consommation devraient contribuer à relancer la machine.

2021 a été une bonne année, 2022 sera « pleine d’incertitudes » pour le premier importateur de produits laitiers au monde. C’est ce qu’a expliqué Jean-Marc Chaumet, agroéconomiste au Cniel et expert de la Chine, lors d’une journée organisée par l’Idele sur les marchés mondiaux du lait.

Tous les indicateurs étaient au vert en 2021, côté production d’abord. Après le scandale de la mélamine*, en 2008, la Chine a connu dix ans de stabilité de la production laitière, assortie d’une forte hausse des importations. Mais la production progresse depuis quatre ans et a grimpé de 7,2 % entre 2020 et 2021, selon les données officielles et celles du terrain.

Ce bond s’explique notamment par une très forte hausse du prix du lait, explique l’expert : « il a progressé de 24 % en trois ans et a atteint un record absolu en 2021 ». Ramené en euros, le prix du lait payé avoisinait fin 2021 les 600 €/1 000 l, sachant que les coûts de production sont comme chez nous très élevés.

Comparaison du prix du lait en Chine et en France (©Cniel)

Avec ces prix hauts du lait, les entreprises de production laitière ont retrouvé une bonne santé financière en 2021, « alors qu’entre 2016 et 2018 elles avaient plutôt tendance à perdre de l’argent ». Les deux leaders, Youran et Modern dairy, ont ainsi vu croître leur chiffre d’affaires et leurs résultats depuis 2019, ce qui leur a permis d’investir pour agrandir le cheptel et créer des fermes de plus en plus grandes : 30 000, 40 000 voire 50 000 animaux.

De fait, la concentration du cheptel laitier chinois s’accélère, encouragée par les politiques publiques. En 2002, 90 % du cheptel se trouvait dans des fermes de moins de 100 vaches, « voire moins de 20 ». En 2020, les fermes de mille vaches concentraient 43 % du cheptel.

Répartition du cheptel laitier chinois par taille d’exploitation depuis 2002 (©Cniel)

En aval aussi, les entreprises ont progressé en termes de chiffre d’affaires et de résultats. Les ventes des produits laitiers les plus consommés en Chine se sont concentrées chez les géants Yili et Mengniu.

Ces bons chiffres s’expliquent par une hausse notable de la consommation chinoise, à la fois en volume et en valeur. Presque tous les Chinois urbains consomment désormais du lait liquide et des produits laitiers fermentés, et les ventes de fromage (fondu, en bâtonnet) ont bondi de presque 33 % en 2021.

L’innovation porte la consommation

Pour Jean-Marc Chaumet, c’est l’innovation qui porte la consommation, via d’importants budgets de recherche et développement et associée à des campagnes de pub agressives et originales. « D’après une étude Mintel, la Chine se détache largement des autres pays, avec 432 nouveaux laits ou boissons lactées mis sur le marché en 2021 ! C’est quatre fois plus que le Mexique, les USA ou l’Europe », souligne-t-il.

En 2020, Peter Phillips, petit-fils de la reine d’Angleterre, a prêté son image aux produits Jersey Cattle, des boissons haut de gamme au lait de Jersiaise commercialisées par Mengniu (©Youtube)

En parallèle, les importations chinoises de produits laitiers étaient aussi en forte hausse en 2021 pour presque tous les produits. La France a d’ailleurs consolidé sa place sur le marché chinois, gagnant même des parts de marché sur la poudre maigre, les poudres de lactosérum et les laits infantiles.

Le seul produit que la Chine a moins importé en 2021, c’est le lait infantile. Ceci pour plusieurs raisons : les naissances sont en baisse, l’allaitement commence à être encouragé, les marques locales ont regagné la confiance des consommateurs après le scandale de la mélamine.

« Les volumes commercialisés sont en recul pour le lait infantile, précise l’économiste, mais avec des prix beaucoup plus élevés » : la part des ventes de laits infantiles ordinaires baisse sur le marché intérieur, mais le haut de gamme et le très haut de gamme ne cessent de progresser, « là encore grâce à l’innovation et au marketing ».

Importations annuelles de produits laitiers par la Chine (©Cniel)

Début 2022 : hausse des coûts et baisse de la consommation

Après ce tableau idyllique, 2022 s’annonce plus difficile. D’abord à cause des coûts de production, « qui augmentent, comme partout ailleurs ». Le prix du tourteau de soja, importé, était par exemple en très forte augmentation en Chine en mars et en avril.

La reprise épidémique en Chine en début d’année, accompagnée du confinement de plusieurs villes, a freiné la consommation et le commerce : « avec les rues vides, la restauration hors-foyer ne fonctionne pas, ce qui pèse sur les importations de beurre, de crèmes et de fromages pour les pizzas et les hamburgers, par exemple ».

La hausse des coûts de production et la demande limitée ont orienté à la baisse les prix du lait. Suivant une tendance inverse à celle observée aux USA, en Nouvelle-Zélande ou en Europe, le prix du lait était en baisse de 2 % sur les mois de mars-avril-mai en Chine, et la production laitière s’est ralentie.

Prix du lait en Chine (©Cniel)

« Une consommation perdue sur les premiers mois de l’année, des importations en baisse… On verra ce que ça va donner dans les mois à venir », note Jean-Marc Chaumet, qui évoque une baisse possible du pouvoir d’achat et de la croissance économique en Chine.

Néanmoins, « la consommation chinoise de produits laitiers à moyen terme devrait continuer à augmenter », tirée par l’innovation, les campagnes de pub, la mise en avant des bienfaits immunitaires de ces produits et, tout récemment, les recommandations nutritionnelles incitatives diffusées par le gouvernement.

*Des lots de lait infantile produits en Chine ont été enrichis pendant 10 mois en ce composé toxique, pour les faire apparaître plus riches en protéines. Officiellement, 300 000 nourrissons ont été intoxiqués et six sont morts.

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