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Stratégie biocarburants de Total

Quel impact aura la décision de Total sur la filière végétale française ?


TNC le 21/07/2021 à 12:20
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Le groupe TotalÉnergies a annoncé arrêter d’utiliser de l’huile de palme pour fabriquer du biodiesel, et souhaite se tourner vers des biocarburants plus innovants ou moins controversés. Quelle influence aura cette décision sur la filière oléoprotéagineuse française ?

Le groupe Total, récemment rebaptisé TotalÉnergies, a décidé d’arrêter d’utiliser de l’huile de palme dans sa raffinerie de la Mède (Bouches-du-Rhône) et dans l’ensemble de ses installations vouées aux biocarburants, à partir de 2023. C’est ce qu’a annoncé son PDG Patrick Pouyanné au quotidien régional La Provence, le 5 juillet.

Cette décision fait suite à des années de bras de fer entre Total et les opposants à l’huile de palme importée. Les agriculteurs reprochaient à ce produit de concurrencer les huiles végétales françaises, en particulier la filière colza. Et les associations environnementales de nuire au climat et à l’environnement, en aggravant la déforestation en Asie du Sud-Est.

« Nous avons tiré la leçon de cette polémique », indique Patrick Pouyanné à La Provence, préférant désormais miser sur les « filières de résidus » : huiles de cuisson usagées, huiles acides résiduelles graisses animales retraitées… Elles représentent aujourd’hui 40 % des approvisionnements de La Mède. Le PDG fait part de sa volonté d’innover et de créer des « biocarburants un peu différents », par exemple à base de pyrolyse de bois ou d’hydrogène, ou encore des batteries électriques. À La Mède, il envisage aussi d’ « investir dans un biométhaniseur pour valoriser les terres qui nous servent à filtrer les huiles ».

Mais quid des autres huiles végétales dans les carburants de Total : colza, tournesol, soja ? Patrick Puyanné se dit « convaincu que faire du biocarburant à base d’huile végétale a maintenant moins d’avenir car on se heurte à la question de l’affectation des terres agricoles ».

Et « l’huile de palme étant bien moins chère », la remplacer par davantage d’huile de colza français ne serait pas viable pour Total d’un point de vue économique, juge Corentin Leroux, chargé de mission bio-économie à Terres Univia, l’interprofession des huiles et protéines végétales.

Selon lui, la filière française* sera peu affectée par l’arrêt de l’huile de palme, « surtout utilisée pour produire du biodiesel HVO (Hydrotreated vegetable oil, Huile végétale hydrotraitée), tandis que les oléoprotéagineux français sont axés sur du biodiesel sous forme d’ester », avec des process de transformation et des utilisations différents.

Le groupe Avril, qui s’est lancé en 2018 dans la production d’un carburant à base d’ester méthylique d’huile de colza, n’a pour l’instant pas souhaité réagir à l’annonce de Total.

La fin d’un feuilleton

L’annonce de Patrick Pouyanné met fin à un feuilleton commencé en 2015. Le groupe français lançait la conversion de sa raffinerie de pétrole brut de La Mède en raffinerie d’agrocarburants. L’idée est de produire 500 000 tonnes de carburant à destination des moteurs diesel, à partir d’huiles végétales et animales importées. Juillet 2017 : le Plan climat de Nicolas Hulot préconise de mettre fin à l’importation en France de l’huile de palme.

Mai 2018 : la préfecture des Bouches-du-Rhône autorise Total à exploiter sa bioraffinerie. Dans la foulée, six associations environnementales déposent un recours et la FNSEA proteste le 10 juin en bloquant des raffineries et des dépôts de carburants. Total s’engage à limiter l’approvisionnement en huile de palme brute à 300 000 tonnes par an et à acheter au moins 50 000 tonnes de colza produit en France.

Début 2019 : La Mède entre en fonctionnement. Le 11 octobre, le Conseil constitutionnel confirme une décision du Parlement d’exclure l’huile de palme de la liste des biocarburants et donc de supprimer son avantage fiscal. Rebondissement deux mois plus tard : les douanes requalifient les carburants à base d’huile de palme de Total en « biocarburants avancés », ce qui leur redonne droit à des aides fiscales. Les ONG environnementales voient là une manœuvre du gouvernement pour contourner la loi tout juste votée. Ce sera au Conseil d’État de trancher.

C’est chose faite en février 2021. Il a alors confirmé que tous les produits à base d’huile de palme sont exclus de la liste des biocarburants et ne peuvent prétendre à des avantages fiscaux. En mars, six associations écologistes ont contesté au tribunal administratif de Marseille l’autorisation d’exploitation du site de Total, qui s’est vu contraint en avril de compléter l’étude d’impact de la raffinerie sur l’environnement. Ce qui devrait poser peu de difficultés, maintenant que l’huile de palme est sortie de l’équation.

*D’après FranceAgriMer, environ 3 % de la Surface agricole utile française est consacrée au biodiesel

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