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Union française des semenciers

Prix, disponibilité… Quels impacts de la guerre en Ukraine sur les semences ?


TNC le 25/05/2022 à 05:38
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Didier Nury, vice-président de l'UFS, évoque les impacts de la guerre en Ukraine sur les disponibilités en semences. (©Pixabay/UFS)

Gros producteur de céréales, l’Ukraine ne pourra pas semer cette année l’intégralité de son plan de semences, ce qui va entraîner des tensions sur les disponibilités. La flambée du coût de l’énergie, liée au conflit, couplée aux impacts sur les cultures des températures élevées ces dernières semaines, va également faire monter les prix, explique Didier Nury, vice-président de l’Union française des semenciers (UFS).

Un mois après avoir dressé un premier bilan, l’UFS confirme ses craintes concernant les impacts à long terme de la guerre en Ukraine sur le disponible de semences. « Nous avons la certitude aujourd’hui qu’au moins 50 % du plan de production de semences ne sera pas semé en Ukraine, notamment pour les variétés hybrides maïs et tournesol », explique Didier Nury, vice-président de l’UFS.

En France aussi, les dommages collatéraux se font sentir, puisque la hausse des prix des matières premières rend la production de semences moins attractive, et « certains producteurs commencent à se détourner et rendent leurs engagements à produire, au bénéfice de la consommation », constate Didier Nury, qui évoque au minimum 16 000 ha concernés.

Un risque de pénurie ?

Y a-t-il pour autant un risque de pénurie de semences ? « Il n’y a pas de risque en France, le plan de production français suffit à approvisionner les agriculteurs français, par contre il peut y avoir une tension sur certains produits, car la France ne compensera pas ce qui n’a pas été produit en Ukraine », poursuit Didier Nury. En revanche, les semences pour la prochaine campagne risquent d’être plus chères, notamment en raison du renchérissement du coût de l’énergie.

En plus de la guerre en Ukraine, les conditions climatiques très chaudes des dernières semaines impactent certaines espèces, notamment les céréales et le soja. « S’il y a des restrictions d’eau, il faut qu’elles soient ciblées, la production de semences ne peut pas se passer d’eau », rappelle Didier Nury. « Ajoutées à la guerre en Ukraine, les conditions climatiques laissent peser un risque sur la disponibilité en semences pour les deux à trois prochaines années », prévient le vice-président de l’UFS.

Quels leviers pour faire face au mieux à cette situation ?

Pour l’UFS, convaincre les producteurs de se tourner vers la production de semences passera évidemment par une meilleure rémunération, mais pour le moment, peu de leviers existent. « Ceux qui font des semences depuis plusieurs années voire plusieurs générations savent qu’il faut composer avec des variations, mais d’autres ont des raisonnements plus court-termistes », commente Didier Nury.

Pour sécuriser la production française, l’UFS travaille donc avec le gouvernement à la mise en place d’un « plan stratégique semences », autour de trois axes : l’incitation économique à la production, l’alignement réglementaire de certains dossiers, et les aspects sécuritaires et assurantiels des sociétés du secteur semencier.

L’importance de l’innovation variétale

Dans ce contexte, l’UFS rappelle l’importance de soutenir l’innovation variétale. « On ne pourra pas passer le cap qui est devant nous, faire évoluer les pratiques vers une agriculture plus respectueuse de l’environnement, moins consommatrice de chimie, de CO2, sans un travail fondamental sur l’innovation variétale », insiste Didier Nury. D’où l’importance d’avoir des politiques publiques de soutien à l’innovation, explique-t-il, évoquant le Crédit impôt recherche (CIR).

« La problématique que l’on rencontre sur le CIR, c’est qu’il est chaque année remis en question, développe Rachel Blumel, directrice de l’UFS. Or c’est un levier extrêmement important pour nos entreprises qui investissent sur du moyen-long terme, elles ont besoin de pérennité pour engager des investissements importants ». Sans compter que ce levier existe désormais dans d’autres pays et n’est pas une spécificité française, incitant les entreprises à investir en France.

Au niveau européen, les semenciers attendent l’adaptation de la directive de 2001 vers « un cadre adapté et clair, qui ne doit plus ouvrir la possibilité de divergence d’interprétation » concernant les NBT (new breeding technics). Si le sujet nécessite une importante pédagogie auprès du consommateur, « ces techniques nous permettront de répondre aux attentes sociétales, dans nouveau contexte environnemental, et c’est aussi une question de cohérence : il faut qu’on nous laisse travailler avec les mêmes outils qu’utilisent les autres pays et dont les productions reviennent dans notre assiette », explique Didier Nury.