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Sécurité routière

Permis, formation, prévention… Comment diminuer les accidents de tracteurs ?


TNC le 22/04/2024 à 05:02
AccidentTracteur

Le renversement de tracteur est la première cause de mortalité accidentelle chez les agriculteurs. (© Adobe Stock)

Les chiffres ne baissent pas : en 2022, encore 233 accidents corporels routiers impliquant des tracteurs ont entraîné 40 morts et 255 blessés. Plusieurs axes d’action et de réflexion sont engagés.

Au-delà des polémiques et des opinions de chacun et chacune, il y a des faits aux conséquences dramatiques et irréversibles. Il suffit de taper « accident de tracteur » sur Google Actualités pour s’en rendre compte. C’est un jeune homme de 17 ans, fils d’agriculteur, mort coincé sous une roue de son tracteur renversé fin février dans la Creuse. C’est un motard de 70 ans qui percute la roue avant d’un tracteur à un croisement le jeudi 18 avril dans la Somme et décède avant l’arrivée des secours… La liste est sans fin et s’égrène jour après jour.

La dernière vaste étude sur ce sujet a été menée par l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR) entre 2013 et 2017. Sur cette période, 201 personnes sont décédées (dont 44 dans le tracteur) et 1 073 ont été blessées (dont 118 dans le tracteur) dans les 984 accidents ayant impliqué un tracteur agricole. Parmi les 44 morts dans le tracteur, 42 le sont sans tiers impliqué. Deux enseignements : un tracteur est en position de supériorité face aux autres véhicules (plus lourd, plus haut) et le retournement est la première cause de mortalité accidentelle d’agriculteurs.

Ceinture, vitesse et signalétique

Pour limiter les dégâts d’un tracteur qui se renverse, une solution existe, simple mais adoptée par seulement 6 % des agriculteurs : boucler sa ceinture de sécurité. Pour protéger les autres usagers, la signalétique sur le tracteur ou l’attelage, et les rétroviseurs, doivent être irréprochables, notamment pour voir ou prévenir les motos. Sur les 5 années passées au crible par l’ONISR, les deux-roues représentent presque un tiers des 201 morts. « Face à un véhicule lent, le premier réflexe du motard est de doubler, d’où l’importance de la signalétique des engins agricoles », souligne Vincent Marcusse, chef de projets assurances tracteurs et matériels agricoles de Groupama.

En plus de la signalétique défectueuse, ou non utilisée, et de l’absence de ceinture, Benoit Moreau, conseiller en prévention à la caisse centrale de la MSA, pointe régulièrement « la vitesse excessive ». Il reçoit chaque jour des alertes d’articles de la presse locale sur les accidents de machines agricoles. Il prend l’exemple d’un tracteur accompagné d’un déchaumeur à disques qui s’est renversé le mardi 16 avril 2024 à Villefranche-sur-Saône, sur un rond-point en terrain plat. « Excès de confiance ? Défaut de maîtrise ? Méconnaissance du comportement du véhicule ? En tout cas, il devait certainement rouler trop vite », constate-t-il.

Une formation à étoffer ?

Pour faire baisser les statistiques, les institutions actionnent deux leviers, la formation et la prévention. « L’agriculteur est censé former son salarié, c’est le code du travail », rappelle à cette occasion Vincent Marcusse.

« Les jeunes agriculteurs partent tous, j’espère, de l’école avec quelques heures de pratique. Mais je pense qu’ils sont loin des 20 heures avec un moniteur comme pour les voitures. Certains établissements ont investi dans des simulateurs mais cela ne traduit pas complétement la réalité. Un freinage d’urgence, tant qu’on ne l’a pas vécu, on ne peut pas se rendre compte de ce que cela implique », estime Benoit Moreau. Pour épauler les professeurs, les MSA de Bretagne ont mis à leur disposition des vidéos et des supports pédagogiques en se basant sur des situations de travail et les risques d’accidents pour trois types de machines : les télescopiques, les mini-pelles et les tracteurs.

« Faire preuve de compréhension et de patience »

À travers l’opération « 10 de conduite », Groupama intervient de son côté depuis plus de 50 ans pour faire de la prévention dans les établissements d’enseignement agricole. L’assureur propose également depuis 2022 des formations Centaure sur des circuits adaptés aux machines agricoles. Pour y participer, il suffit de contacter son conseiller en assurance. La participation est éligible auprès des OPCO, le reste à charge est donc souvent minime voir nul. « Il y a une partie de rappel des règles avec à chaque fois une mise en pratique et de la conduite. C’est vécu comme une montée en compétence par les participants », explique Vincent Marcusse.

Autre initiative : la MSA Gironde déploie une campagne sur le partage de la route avec les autres usagers, notamment pendant les récoltes. Lancée en 2012 pour les vendanges, l’opération touche depuis 2023 l’ensemble des filières agricoles. « Les torts ne viennent pas que des agriculteurs ou que des voitures et deux-roues, ils sont partagés. Cette campagne est aussi une façon d’inviter à faire preuve de compréhension et de patience », souligne Benoit Moreau.

En Belgique, un permis… à la demande de la profession

La piste d’un permis tracteurs a, elle, été évoquée, et retoquée, il y a peu par le Parlement européen. L’idée était d’en avoir un spécifique, adapté, pour éviter les équivalences ou les multiples formes et appellations selon les pays : G40 en Suisse, G en Belgique, F en Autriche et Royaume-Uni, T en Allemagne et Pologne, Tr en Roumanie, W en Irlande, licence LVA en Espagne… Il s’agissait aussi de faciliter la circulation des convois dans les zones transfrontalières (entre la Belgique et la France par exemple) et la mobilité des personnes et des chauffeurs.

« Le cas de la Belgique avec le permis G depuis 2006 est intéressant. Il a été mis en place à la demande de la profession, avec une application progressive selon l’année de naissance des chauffeurs et avec des épreuves théorique et pratique adaptées aux véhicules agricoles. Il semble difficile de concevoir une demande similaire en France actuellement… » conclut Benoit Moreau.