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Sanitaire

Le défi de l’éradication de la leucose à La Réunion


TNC le 02/05/2024 à 05:01
Leucose

La leucose est dépistée par des prises de sang régulières. Les animaux positifs sont réorientés vers la production de viande. (© Emmanuelle Bordon)

Un des problèmes rencontrés par les éleveurs réunionnais est la présence de la leucose bovine enzootique dans les cheptels. Depuis 2020, un plan d’éradication énergique est en œuvre, non sans provoquer quelques remous.

Un caillou dans la chaussure de la production laitière. Les cheptels de La Réunion ne sont pas indemnes de leucose et c’est un problème important pour la filière. « Nous ne savons pas comment la leucose est arrivée sur l’île, révèle Pierre Ulrich, directeur du pôle laitier de la Sicalait. Mais la volonté d’éradiquer la maladie est là. »

Tous les pays n’ont pas assaini les cheptels. La maladie n’étant pas transmissible à l’homme, elle est souvent considérée comme non préoccupante. En France, la métropole a été progressivement assainie et déclarée exempte de leucose en 1999. A La Réunion, dans les années 2010, une volonté de contrôle de la leucose a progressivement rendu obligatoire un certain nombre de dépistages sur les bovins. Et depuis 2016, la Sicalait a mis en place un protocole qui permet d’obtenir des animaux « leucose free ».

Une crise de communication

En 2019, le président Macron, en visite sur l’île, a annoncé qu’il mettait en place un « plan leucose » visant à l’éradication de la maladie en quatre ans. Une déclaration qui, dans un premier temps, a surtout déclenché une crise de communication et de confiance vis-à-vis de l’élevage de l’île, dans la population réunionnaise. La leucose est devenue un sujet de crispation ; la filière laitière dans son ensemble a dû encaisser un certain nombre de critiques, parfois violentes.

Chez les acteurs de la filière, il semblait clair qu’atteindre cet objectif en si peu de temps était impossible. Et ce d’autant plus qu’aujourd’hui, à cause de la MHE, toute nouvelle importation d’animaux est interdite. « Les seules possibilités d’assainissement reposent sur nos propres forces, explique Pierre Ulrich. Nous sommes volontaires et contents de faire ce travail. Mais il doit se faire au rythme où nous pouvons le faire et sans dégrader le revenu des éleveurs. » S’il s’avère, d’ores et déjà, que le but n’a pas été atteint dans les temps, tous les acteurs de la filière continuent d’y travailler.

La Sicalait, pivot du plan leucose

Parce qu’elle prend en charge l’élevage des génisses, la Sicalait est un des principaux artisans du plan leucose.

« Pendant la phase lactée, la maladie est impossible à détecter, pointe Emmanuel Deurveilher, responsable de la nuersery. Les génisses sont testées par prise de sang à l’âge de cinq mois, puis plusieurs fois au cours de leur croissance à la ferme. Celles qui sont positives sont réorientées vers la production de viande, avec les mâles ».

En outre, tout le long de leur croissance, un des fondamentaux de l’organisation du travail est de garder des lots de génisses identiques du début à la fin. « Nous limitons ainsi les risques d’une nouvelle dissémination de la maladie par un animal positif », souligne Jocelyn Sery, responsable de la ferme de la Sicalait.

Ce plan d’assainissement met les cheptels à l’épreuve. L’objectif est en effet de ne renvoyer aux éleveurs que des génisses indemnes. Mais surtout, celles-ci ne sont vendues qu’aux élevages exempts de leucose. L’interdiction d’introduire une génisse dans un élevage non assaini a contraint certains éleveurs à envoyer la totalité de leur troupeau à la réforme, pour recommencer à zéro.

Un énorme stress

« Pour les éleveurs, c’est un choc et un énorme stress, en même temps qu’une perte de revenu importante, commente Emmanuel Deurveilher. Certains sont tentés de laisser tomber ». En outre, si autrefois l’élevage rachetait sa propre génisse à la Sicalait, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le seul objectif qui prévaut est de vendre un animal sain à une exploitation saine. Il y a donc un impact sur la conduite génétique des élevages.

Même si ce plan fait polémique, beaucoup d’éleveurs sont très motivés pour tourner la page leucose. « Nous devons installer des jeunes éleveurs et, pour cela, nous devons être droits dans nos bottes », souligne Emmanuel Deurveilher. « Et nous y sommes presque », ajoute Jocelyn Sery. Aujourd’hui, l’assainissement total du cheptel laitier est visé pour 2027.