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Sécurité alimentaire

L’UE veut doper sa production agricole face à la guerre en Ukraine


AFP le 22/03/2022 à 10:09
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 L'UE doit « assumer son rôle nourricier », a martelé Julien Denormandie à Bruxelles. (©@compte twitter de la présidence française du conseil de l'Union européenne)

Réduction des jachères, aides financières, révision des objectifs de verdissement des cultures : face au choc du conflit ukrainien sur les marchés agricoles, les Vingt-Sept cherchent à doper leur production pour renforcer la sécurité alimentaire de l'UE et répondre aux risques de pénuries d'autres régions du monde.

Alors que l’invasion de l’Ukraine par la Russie, deux exportateurs majeurs de céréales, a propulsé les cours des huiles, blé, soja, colza et maïs à des records et fait flamber les prix du carburant et des engrais, les Européens s’efforcent de soutenir leurs agriculteurs.

Mais surtout, l’UE cherche à gonfler sa production, autant pour compenser la chute de ses approvisionnements en alimentation animale (plus de la moitié de ses importations de maïs venaient d’Ukraine) que pour pallier de graves crises alimentaires redoutées notamment en Afrique et en Asie. « La guerre entraînera demain des risques de famine », a affirmé lundi le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian. L’UE doit donc « assumer son rôle nourricier », a martelé son collègue à l’agriculture Julien Denormandie, avant une réunion lundi à Bruxelles avec ses homologues européens. 

Remettre en culture 4 Mha en jachère

Avant la présentation mercredi de sa « feuille de route » de stratégie agroalimentaire, la Commission européenne soumettait lundi plusieurs propositions, dont un soutien au stockage privé dans la filière porcine et le recours à la « réserve de crise », un fonds de 450 millions d’euros prévu pour aider les agriculteurs en cas d’instabilité des prix. Un « accord-cadre » permettrait aux États d’apporter des aides supplémentaires. Il faut « une flexibilité suffisante pour que chaque pays établisse des plans sur mesure selon ses besoins », a plaidé le ministre finnois Jari Leppa. 

Surtout, l’exécutif européen veut assouplir temporairement ses règles drastiques sur les jachères. Selon la nouvelle politique agricole commune (Pac), qui entrera en vigueur en janvier 2023, les exploitations de plus de 10 hectares devaient laisser au moins 4 % de terres non cultivées pour encourager la biodiversité. « Dans les mois qui viennent et au-delà, il faut anticiper des pénuries mondiales. La proposition de la Commission permettrait de remettre en culture 4 millions d’hectares dans l’UE », a observé la ministre autrichienne Elisabeth Köstinger.

« La sécurité alimentaire doit rester la priorité de la Pac »

Enfin, les États demandent à la Commission de réévaluer en conséquence leurs plans stratégiques, qui déclinent la future Pac au niveau national, à l’heure où certains agriculteurs préparent déjà leurs assolements pour 2023. « Une question de bon sens » selon Julien Denormandie. « La Pac a été établie pour garantir prévisibilité et sécurité alimentaire aux Européens, cela doit rester la priorité », abonde son homologue espagnol Luis Planas Puchades. L’Autriche, elle, plaide pour une accélération d’un « plan protéines végétales » également promu par Paris pour réduire les importations de soja et de maïs du continent.

« Il y a de la marge pour rendre le secteur agricole plus résistant. Mais je ne crois pas que les contributions aux stratégies (de verdissement) doivent être abandonnées et affaiblies », a répliqué lundi le commissaire à l’agriculture Janusz Wojciechowski. Une partie des États exigent de réviser la stratégie européenne « De la ferme à la fourchette », qui vise, d’ici à 2030, à réduire de moitié l’usage de pesticides, de 20 % celui d’engrais, et à consacrer un quart des terres au bio, ce qui se traduirait selon plusieurs études − critiquées par Bruxelles − par une chute des rendements. « Cette stratégie reposait sur un monde d’avant la guerre en Ukraine. Ses objectifs doivent être revus, en aucun cas l’Europe ne peut se permettre de produire moins », a insisté la semaine dernière le président français Emmanuel Macron.

À l’unisson d’ONG environnementales, la Commission estime au contraire que la réduction prévue des pesticides et engrais (dont la potasse vient principalement de Russie et du Bélarus) permettra de renforcer l’indépendance européenne, de revivifier les sols, donc de conforter la sécurité alimentaire du continent. « À court terme, il n’y a pas de problème d’offre sur le blé (au niveau mondial), mais un souci d’accès pour les populations les plus vulnérables », pour qui le prix du marché devient inaccessible, rappelle l’ONG Oxfam qui défend la stratégie verte de l’UE et une agriculture basée sur la production « locale et à petite échelle ».