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Au Sia 2023 : fonds de portage Élan, ZAN

Les Safer espèrent donner un nouvel « Élan » à l’installation via le foncier


TNC le 07/03/2023 à 17:32
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Avec leur fonds de portage Élan, les Safer veulent en donner un nouveau à l'installation agricole. (©AdobeStock)

Vendredi 3 mars, les Safer ont lancé, avec leurs partenaires, un fonds de portage foncier au salon de l'agriculture. Aboutissement de plusieurs années de travail, il vise à faciliter l'accès à la terre pour les jeunes agriculteurs. L'objectif d'Élan est en effet de donner une nouvelle impulsion à l'installation agricole, face au défi du renouvellement des générations dans ce secteur. L'organisme insiste aussi sur l'importance de lutter contre l'artificialisation des terres et notamment celle, « masquée », liée aux usages de loisir. (Article paru initialement à 14h42)

Pendant le salon de l’agriculture 2023, les Safer ont annoncé, vendredi 3 mars, le lancement du fonds de portage foncier Elan avec leurs partenaires institutionnels (chambres d’agriculture France, FNSEA, Jeunes Agriculteurs, ministère de l’agriculture) et financiers (Crédit Agricole, Crédit Mutuel, France Active, réseau associatif qui aide les entrepreneurs à créer leur entreprise et financer leurs projets et qui intervient également dans la finance de crédits solidaires).  

Un dispositif sur lequel elles travaillent depuis plusieurs années et qu’elles avaient déjà présenté à leur congrès de décembre 2021, des éléments de blocage, notamment juridiques, ayant ralenti sa mise en place. Le but : que les jeunes agriculteurs accèdent plus facilement à la terre. En essayant d’intervenir sur l’un de ses principaux freins, l’organisation professionnelle souhaite favoriser l’installation agricole, hors cadre familial en particulier, pour parvenir à renouveler les générations d’agriculteurs, alors que plus de la moitié d’entre eux partiront à la retraite dans les 10 ans qui viennent.

Lancement du fonds de portage Élan, le 3 mars, au salon de l’agriculture 2023. (©Safer)

« Une portée nationale » pour plus de bénéficiaires

À travers ce fonds, et le cahier des charges pour en bénéficier, elle entend aussi « mieux concilier économie agricole, agroécologie et adaptation au changement climatique » et « avoir un impact positif sur la vitalité des territoires ruraux, au niveau de l’emploi comme du tissu social ». Des systèmes de portage foncier (type foncières ou conventions avec les Régions, banques, organismes de filières, entre autres) existent déjà, mais à l’échelle régionale voire départementale, ou seulement pour certains publics ou productions. L’idée est de les compléter, en conférant « une portée nationale » à la démarche et en la rendant accessible à un maximum de bénéficiaires.

30 M€ alloués et une durée de portage de 10 à 30 ans.

Doté de 30 millions d’euros et géré par la société d’investissement à impact Citizen Capital, Élan portera les terres pendant 10 à 30 ans, avec possibilité d’achat ensuite par les exploitants, en totalité ou partiellement. L’objectif est d’aider les jeunes qui « n’ont pas la capacité financière d’acquérir le foncier », a insisté Emmanuel Hyest, président de la FNSafer.

Pour Jeunes Agriculteurs, ce dispositif devrait « apporter sécurité et flexibilité aux jeunes installés ».

Sur son compte Twitter, le syndicat a par ailleurs mis en avant la nécessité de prendre en compte le changement climatique pour s’installer en agriculture, thème d’une autre table ronde des Safer au salon.

Opérations sociétaires : un portail de télédéclaration

Le 2 mars, elles ont également dévoilé la plateforme pour télédéclarer les opérations sociétaires, qu’elles ont « conçue en concertation avec les organisations agricoles, les notaires, les centres de gestion, etc., et sous le contrôle de l’État ». Accessible sur les sites internet de tout le réseau Safer, elle se veut « ergonomique et simple d’utilisation » et propose un formulaire sécurisé à remplir en ligne. Trois jours avant, l’OPA avait fait un point, lors d’une conférence, sur la loi Sempastous en vigueur depuis le 1er janvier, qui vise elle aussi à encourager l’installation, mais en renforçant le contrôle des cessions de parts sociales. Autrement dit : « toutes les opérations sociétaires, y compris certaines modifications du capital social, doivent être déclarées en ligne, à titre informatif, pour assurer la transparence du marché sociétaire », d’où la création de ce portail. 

Limiter la « consommation masquée » de foncier

Quelles équivalences, pour rappel. (©TNC, source Safer)

Toujours en faveur du renouvellement des générations agricoles, les Safer ont souligné, à nouveau sur le Sia, l’importance de lutter contre l’artificialisation des terres. « Si les zones les plus artificialisées se situent autour des métropoles, des axes de circulations, sur les côtes et près des frontières, belge et allemande principalement, le phénomène se diffuse et, au final, peu de régions y échappent totalement », pointent-elles en montrant la carte ci-dessous.

Mesure de l’artificialisation des terres agricoles. (©TNC, source Safer)

Elles cherchent surtout à alerter sur la « consommation masquée de foncier », par définition pas toujours facile à appréhender alors qu’elle prend de plus en plus d’ampleur, (cf. carte ci-après) « fait grimper le prix des terres et impacte les vie des territoires » en freinant l’installation de nouveaux agriculteurs et en accroissant les conflits avec les riverains.

Consommation masquée de foncier agricole. (©TNC, source Safer)

Qu’y a-t-il donc derrière cette « consommation masquée » ? « Ce sont les terres agricoles qui sont utilisées pour les équipements de loisirs, hébergements touristiques, maisons secondaires parfois sur-dimentionnées et dont le terrain finit en friche… En Auvergne-Rhône-Alpes, 4 000 ha par an sont ainsi perdus, l’équivalent de 59 fermes. Dans certains départements, c’est deux fois plus que l’artificialisation liée à l’urbanisation », explique Gilles Flandin, président de la Safer Aura. Pourtant, concernant généralement de petites parcelles, cela passe souvent inaperçu, même si le Covid a permis de la mettre davantage en évidence.

2 fois plus importante, parfois, que l’artificialisation liée à l’urbanisation.
Par exemple en région Aura :  4 000 ha/an, soit 59 fermes.

Qu’elle soit flagrante ou masquée, il y a « urgence » à atteindre le fameux « ZAN » (zéro artificialisation nette), martèlent les Safer. L’enjeu « est partagé par tous », c’est « un enjeu de société, pour la société, pour des questions de « souveraineté alimentaire, de préservation de la ressource en eau et de lutte contre le changement climatique », appuie Emmanuel Hyest. « Le foncier agricole est une ressource non renouvelable qu’il faut protéger », ajoute-t-il. « La sobriété foncière est une nécessité, elle n’est pas négociable. On ne peut pas vouloir limiter les GES et, en même temps, en créer via l’artificialisation et en supprimant des puits de carbone ? », enchaîne Nicolas Haslé, président du syndicat mixte du Scot (schéma de cohérence territoriale) du Grand Vendômois.

Les terres ne sont pas une ressource renouvelable.
La sobriété foncière est donc une nécessité.

Selon lui, il faut « imaginer, en concertation avec tous les acteurs, d’autres façons de construire, plus verticales, mutualisées, privilégiant la rénovation ». « Le modèle des maisons individuelles, avec 1 000 m2 de terrain autour, est révolu », lance-t-il. « Et arrêtons de piquer l’outil de travail des agriculteurs », exhorte Gilles Flandin, en précisant bien « qu’il ne s’agit pas non plus de bloquer le développement des territoires ». « Un équilibre doit être trouvé entre les différents usages et tout le monde doit faire des efforts, pas seulement les agriculteurs », conclut-il appelant à une remise à plat fiscalité foncière, « la taxe sur le foncier bâti, seule ressource pour beaucoup de communes, poussant à construction ».

Conférence des Safer sur la sobriété foncière au Sia 2023. Au micron, Emmanuel Hyest, président de la FNSafer, à droite Gilles Flandin, président de la Safer Aura, et à gauche  Nicolas Haslé, président du syndicat mixte du Scot du Grand Vendômois.(©TNC)