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Cacao

Les pays producteurs n’arrivent pas à augmenter leur part du gâteau


AFP le 14/10/2020 à 17:20
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(©Pixabay)

Le Ghana et la Côte d'Ivoire pèsent deux-tiers du cacao mondial, mais contrairement aux pays producteurs de pétrole, ils ne parviennent pas à influencer les prix de « l'or brun », historiquement bas et insuffisants pour faire vivre les petits planteurs africains.

« Ils pourraient faire les prix du marché, surtout s’ils s’alliaient avec les autres producteurs importants, comme l’Équateur, le Cameroun et le Nigeria, mais il y a un manque de volonté politique réelle », estime un expert sous couvert d’anonymat.

Abidjan et Accra ont commencé à collaborer véritablement depuis l’an dernier seulement : ils ont obtenu des multinationales du cacao et du chocolat comme Nestlé une prime, appelée Différentiel de Revenu Décent (DRD), de 400 dollars par tonne de cacao, appliquée à partir de la campagne 2020-21, qui a débuté en octobre. Elle s’est traduite par une augmentation de plus de 20 % du prix payé aux planteurs en Côte d’Ivoire, à 1 000 francs CFA (1,52 euro) le kilo.

De plus, pour la première fois depuis des années, les deux pays voisins d’Afrique de l’Ouest ont aligné leurs prix, pour éviter les trafics, qui étaient monnaie courante, entre la Côte d’Ivoire, premier producteur mondial avec plus de 40 % du marché, et le Ghana, deuxième avec plus de 20 %.

Mais sur les deux grands marchés de négoce du cacao, Londres et New York, les prix restent bloqués sous les 3 000 dollars la tonne depuis plus de quatre ans.

La loi du marché

« Les décisions de la Côte d’Ivoire et du Ghana comptent, mais il y a une légère surproduction de cacao, et la crise du coronavirus ralentit la demande », analyse Jonathan Parkman, du courtier Marex Spectron, pour qui il n’est pas certain que le DRD perdure au-delà de cette saison.

De plus, souligne l’expert, le cacao est, comme d’autres produits agricoles, un produit spéculatif, dont les cours sont donc en partie déconnectés de l’économie réelle. Sur les bourses de Londres et New York s’échangent ainsi chaque année l’équivalent de 30 fois la production mondiale.

Historiquement, le prix réel du cacao reste deux fois inférieur à celui des années 1960, et même près de quatre fois inférieur au pic atteint dans le milieu des années 1970 (l’apogée du « miracle » économique ivoirien), selon la Banque Mondiale, plombé par une offre excédentaire quasi structurelle.

Une aubaine pour les acheteurs, mais une malédiction pour les planteurs des pays tropicaux qui ne perçoivent que 6 % des 100 milliards de dollars par an que représente le marché mondial du cacao et du chocolat, verrouillé par les grands industriels.

Publiquement, ceux-ci ont manifesté leur soutien au DRD, alors que les consommateurs réclament un chocolat plus « éthique ».

« La coordination de la Côte d’Ivoire et du Ghana est un facteur très positif, ils ont intérêt à développer leur pouvoir d’action sur le marché », estime Patrick Poirrier, PDG du chocolatier français Cémoi et président du syndicat du chocolat.

L’Opep du cacao peut attendre

Mais plusieurs obstacles se dressent devant eux s’ils souhaitent, à l’instar de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), peser sur les prix par le contrôle de l’offre.

D’abord, la quantité de cacao produite chaque année ne s’adapte pas « au gré d’un robinet qu’on ouvre ou qu’on ferme », rappelle M. Poirrier, et « il est difficile de demander à un cacaoculteur, qui s’engage sur vingt ans en plantant un cacaoyer, de produire moins ».

Or, depuis vingt ans, la récolte mondiale est excédentaire une année sur deux, une situation favorable aux acheteurs pour obtenir des prix plus bas.

Le manque de capacités de stockage du cacao, fragile et périssable, près des lieux de production, ainsi que son coût élevé, gênent le contrôle très tôt dans la chaîne. La construction de deux nouveaux entrepôts d’une capacité totale de 300 000 tonnes dans les ports d’Abidjan et de San Pedro, en Côte d’Ivoire, a néanmoins été annoncée fin septembre.

Pour mettre en place une Opep du cacao, « il faudrait que tous les pays producteurs puissent y participer », note aussi Philippe Fontayne, ancien président du Conseil international du Cacao. « Or je suis sceptique sur leur capacité à se mettre d’accord sur des règles du jeu ».

L’échec de l’Alliance des pays producteurs de cacao (Copal), organisation fondée en 1962 et qui n’a jamais réussi à s’imposer sur le marché mondial, est resté dans les mémoires.

Le Conseil Café Cacao, l’organisme public ivoirien qui gère la filière, et son pendant ghanéen le Cocobod, n’ont pas répondu aux sollicitations de l’AFP.