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Carburants

Les Français se ruent sur le bioéthanol, moins cher, mais problématique


AFP le 21/10/2021 à 17:20
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(©Pixabay)

Deux fois moins cher : quand l'essence sans plomb atteint 1,60 euro le litre, le bioéthanol (E85) s'affiche à moins de 70 centimes, un cocktail à base d'alcool et d'essence qui séduit de plus en plus les Français face à la flambée du prix des carburants.

« Depuis une semaine, je reçois quatre fois plus d’appels que d’habitude pour des installations de boîtiers de conversion au bioéthanol, au point d’arriver à court de boîtiers! », témoigne David Soublin, chef d’atelier dans un garage à Cachan, au sud de Paris.

Ce garage est partenaire de l’industriel français Biomotors, qui produit des boîtiers homologués par l’État pouvant être branchés sur la plupart des moteurs à essence. Le boîtier permet aux automobilistes d’alterner entre essence et bioéthanol, au choix.

« Je branche le boîtier entre les injecteurs et le calculateur moteur, pour qu’il puisse déterminer si le conducteur a fait le plein d’essence ou bien de bioéthanol », explique David Soublin, la tête penchée sur le capot ouvert d’une Peugeot 208.

Son conducteur a payé 1 200 euros pour le boîtier, mais espère le rentabiliser au bout de trois mois, même si l’éthanol provoque une légère surconsommation : « Je roule 30 km par jour pour mon travail, alors avec la flambée du prix de l’essence, c’était le moment de passer au bioéthanol », confie-t-il.

Pari français

Dans le dépôt TotalEnergies de Gennevilliers, près de Paris, cinq camions livrent désormais de l’éthanol chaque jour. Il est mélangé avec 15 à 35 % d’essence avant d’être livré aux pompes de la région.

Selon le pétrolier, l’E85 permet de réduire les émissions de CO2 de 40 % par rapport à un carburant classique. Il permet ainsi aux particuliers d’éviter le malus écologique et les professionnels profitent aussi d’un abattement sur leurs taxes.

Globalement, le tarif réduit de l’E85 coûte 193 millions d’euros par an à l’État, selon le projet de Loi de Finances 2022. La région Grand Est a aussi soutenu le mouvement, subventionnant largement l’installation de boîtiers.

De rares modèles neufs sont déjà équipés, comme chez Land Rover, qui vend près d’un quart de ses SUV en version « flexfuel ». Ford a aussi présenté début octobre cinq nouveaux modèles compatibles : il compte se relancer en France en vendant une voiture sur deux au parfum d’E85 en 2022. Tous les autres constructeurs s’abstiennent pour le moment.

Une première vague de bioéthanol avait été lancée en France à partir de 2008, avec notamment la construction de cinq usines de production pour un milliard d’euros et un réseau de stations dans la grande distribution.

Pour cette nouvelle vague, TotalEnergies est passé de 200 stations équipées en 2018 à 800 en 2021, sur 2 500 stations équipées en France toutes marques confondues.

Levier d’indépendance énergétique

Alors que l’Europe se convertit à l’électrique et l’hybride, les promoteurs de l’E85, soit des agriculteurs, pétroliers et constructeurs, le présentent comme un « moyen d’accompagner les Français dans la transition » et un levier d’« indépendance énergétique » pour l’Hexagone.

Produit à partir de betterave, de blé, de maïs, et de résidus sucriers et amidonniers, surtout dans l’est et le nord de la France, le bioéthanol occupe 0,6 % de la surface agricole utile en France, selon Nicolas Kurtsoglou, du syndicat national des producteurs d’alcool agricole.

Seuls la Suède, les États-Unis et surtout le Brésil avec la canne à sucre ont développé une offre aussi large de bioéthanol. Mais le bilan environnemental reste contesté. « En termes de bilan de gaz à effet de serre, c’est un peu mieux que les énergies fossiles, mais ce n’est pas suffisant si on considère les impacts indirects », explique Sylvain Angerand, de l’association écologiste Canopée.

Il cite notamment l’utilisation de néonicotinoïdes dans les cultures et leurs effets sur la biodiversité, ainsi que la « pression exercée sur les terres et les écosystèmes », qui risque de se multiplier avec l’usage des agrocarburants dans les voitures ou dans l’aviation.

Par ailleurs, avec une France isolée en Europe dans son soutien à ces carburants, « il suffit que cet échafaudage fiscal tombe et vous avez un véhicule avec un carburant plus cher », prévient M. Angerand.