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Échanges de céréales

Les eurodéputés ont voté pour plafonner les imports de céréales ukrainiennes


TNC le 14/03/2024 à 17:47
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Les eurodéputés se sont prononcés pour reconduire l'exemption des droits de douanes pour les céréales venues d'Ukraine, mais en instaurant un "frein d'urgence" pour stabiliser les importations. (© Halfpoint, AdobeStock)

Les eurodéputés ont voté pour plafonner les importations ukrainiennes de céréales exemptes de droits de douane, au même titre que les œufs, la volaille ou le sucre. La mesure doit encore être négociée avec les États membres. Elle était réclamée par le secteur céréalier, soumis à la forte concurrence des grains ukrainiens dans un contexte de baisse des prix.

Mercredi 13 mars, après les Vingt-sept États-membres de l’UE, les députés au Parlement européen ont voté la reconduction pour un an de l’exemption des droits de douane pour les importations agricoles ukrainiennes accordée depuis 2022, mais en étendant aux céréales des « mécanismes de sauvegarde renforcés ».

Cette mesure était réclamée par le secteur agricole : les agriculteurs européens accusent depuis des mois l’afflux de produits agricoles ukrainiens de plomber les prix locaux, notamment dans les pays riverains, et d’entretenir une concurrence déloyale faute de répondre aux mêmes normes qu’en UE.

« La communauté agricole ne peut pas supporter seule le fardeau disproportionné de cette libéralisation du commerce et le secteur céréalier doit impérativement être intégré dans les clauses de sauvegarde », écrivaient les associations spécialisées AGPB, AGPM, CFA et CGB le 8 mars, dans un communiqué commun.

« Il y a de très gros volumes de céréales ukrainiennes qui entrent avec des prix très bas, j’entends des sorties d’Ukraine à 110 ou 120 €/t, et ça arrive sur un marché déjà en train de dévisser : ça ne fait que rajouter », appuie Benoît Piétrement, président du conseil spécialisé « grandes cultures » de FranceAgriMer, interrogé sur le sujet quelques heures avant le vote des eurodéputés.

« Il y a quelques mois, ce sont les pays limitrophes de l’Ukraine qui avaient demandé à l’UE d’intervenir, mais un camion de blé ukrainien, une fois qu’il est entré en Roumanie ou en Pologne, il est entré en Europe et il va ensuite peser sur l’ensemble des marchés. On déstabilise encore plus nos propres marchés européens. »

Près de 70 % du blé tendre importé en UE vient d’Ukraine

Au 3 mars, 69 % du blé tendre (4,4 Mt), 65 % du maïs (7,7 Mt) et 51 % de l’orge (711 000 t) importés des pays tiers vers l’UE depuis le début de la campagne de commercialisation 2023/24 venaient d’Ukraine. Alors qu’il y a trois ans à la même période, l’origine ukrainienne ne représentait que 37 % des blés tendres importés par l’UE (581 000 t) sur la campagne de commercialisation 2020/21, 39 % des maïs (4,5 Mt) et 15 % des orges (37 000 t).

« Ça nous semble tout à fait légitime de demander à l’UE de faire attention à ce qui rentre, parce que ça nous met dans une concurrence infernale », reprend Benoît Piètrement, qui évoque aussi la question de la traçabilité des céréales entrant en UE depuis l’Ukraine et ajoute : « Le soutien à l’Ukraine est absolument important de la part de l’Europe et de tous les pays occidentaux, mais les agriculteurs européens ne doivent pas être seuls à payer la facture ! ».

La Commission européenne avait proposé un « frein d’urgence » pour stabiliser les importations de volailles, œufs et sucre aux volumes moyens importés en 2022 et 2023, niveaux au-delà desquels des droits de douane seraient réimposés.

Le texte des parlementaires, qui vient d’être adopté à une très large majorité (347 voix pour, 117 contre et 99 abstentions), étend ce plafond aux céréales (blé, orge, avoine, maïs) et au miel pour tenir compte de l’importante capacité de production de l’Ukraine malgré la guerre. Elle propose aussi de calculer la période de référence sur la moyenne des trois années 2021, 2022 et 2023.

Avant d’être appliquées, ces modifications doivent encore être négociées avec les Vingt-sept États membres réunis au sein du Conseil européen, pour être formellement validées avant l’expiration, début juin, de l’exemption de droits de douane actuellement en vigueur.

« Des amendements limités mais très nécessaires »

« Les eurodéputés affichent finalement leur compréhension à l’égard des producteurs, en adoptant des amendements limités mais très nécessaires », a réagi le Copa-Cogeca, qui réunit les syndicats agricoles majoritaires de l’UE, et cinq organisations agricoles sectorielles.

« L’inclusion des céréales et du miel est bienvenue […] Les amendements introduisent une amélioration de la période de référence, même si 2021/2022 aurait été préférable […] Mais il faudra s’assurer que ces mesures soient efficaces », indiquent-ils dans un communiqué commun.

« Cette décision du Parlement envoie un signal fort, mais la prudence reste de mise car cette position doit encore être confirmée » dans les pourparlers avec les États, s’inquiètent-ils.