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Inflation alimentaire

Les commerçants vigilants face au risque de vols de nourriture


AFP le 17/03/2023 à 15:05

« Vigilance en caisse et en rayons » : avec la flambée des prix, des commerçants s'inquiètent d'une recrudescence des possibles vols de nourriture, mais les grandes enseignes estiment que le phénomène reste marginal.

« Je ne vois pas forcément plus de gens voler qu’avant, mais les vols concernent davantage de l’alimentaire », explique à l’AFP une responsable d’un grand centre Leclerc dans le Nord, qui souhaite garder l’anonymat. S’il est très difficile d’avoir une idée précise du phénomène, « depuis le début de l’inflation, c’est compliqué », ajoute-t-elle.

L’inflation s’emballe depuis plusieurs mois, pour atteindre 6,3 % en février sur un an en France, tirée par l’envolée des prix des produits alimentaires (+ 14,8 % sur un an), devenus son premier moteur devant l’énergie.

L’Insee prévoit un reflux de l’inflation dans les prochains mois, mais une accentuation de la hausse des prix alimentaires. La responsable du centre Leclerc dit n’avoir « jamais vu autant de vols sur l’alimentaire », surtout des produits frais comme la viande et le poisson.

Les profils ? « Des personnes âgées, des étudiants » qui volent « vraiment de la nourriture pure et dure ».

Dans un Carrefour Contact de Lille, Bouchra Boulaïd, la responsable, fait le même constat. « Avant c’était juste quelques personnes, mais maintenant tout le monde vole ! Les clients d’avant, les clients fidèles, les gens sympas… », s’étonne-t-elle. Le mot d’ordre dans ce magasin : « vigilance en caisse et en rayons ».

Dans la grande surface Leclerc du Nord, il a été « envisagé de mettre les steaks hachés sous boîte comme on le fait pour le caviar ; mais c’est beaucoup trop cher », selon la responsable. Le magasin s’est donc rabattu sur des étiquettes antivols compatibles avec l’alimentaire.

En outre, le magasin va s’équiper d’« une intelligence artificielle que l’on va poser sur quinze caméras dans des rayons sensibles que l’on a identifiés, qui nous alerte des gestes suspects des clients ».

« Pas un vrai sujet »

« La nouveauté c’est qu’on « antivole » la viande, le poisson emballé, et ça c’est nouveau, on ne le faisait pas il y a deux, trois ans », estimait début mars Thierry Cotillard président de la société Les Mousquetaires (Intermarché, Netto, Bricomarché) sur RMC.

Selon les données du ministère de l’Intérieur, les vols à l’étalage l’an dernier ont progressé de 14,77 % par rapport à 2021. La Confédération des PME en a profité pour demander que ce type de vols puissent faire l’objet de contraventions dressées par des agents de sécurité privés.

« Avant, il devait y en avoir (des vols alimentaires, NDLR) mais pas dans cette proportion. Aujourd’hui ça s’accélère. Cela remet en perspective le sujet : comment rendre accessible même pas « le mieux manger » mais déjà « pouvoir manger » », soulignait M. Cotillard.

Plus d’un tiers des personnes accueillies dans les structures d’aide alimentaire s’y rendent depuis moins de six mois, selon une étude CSA pour les banques alimentaires publiée fin février. Au total, 2,4 millions de personnes bénéficiaient de l’aide alimentaire fin 2022, soit trois fois plus de personnes qu’il y a dix ans.

« Chez nous – on a quand même 1 600 magasins – il n’y a pas d’explosion des vols à l’étalage », assure à l’AFP Thierry Desouches, porte-parole de Système U.

Ces vols « restent des exceptions et laisser penser que ces exceptions sont la norme, est dangereux », estime-t-il, soulignant que dans le réseau de Système U, les principaux vols restent ceux d’alcools et de jeux vidéo.

« Bien sûr il y a un recul du pouvoir d’achat, mais il n’y a pas d’explosion des vols de viande. Il ne faut pas résumer la situation au travers de ces exemples-là et en venir à dire que les gens sont tellement pauvres en France qu’ils sont obligés de voler », selon lui.

Pour Michel-Edouard Leclerc, président du comité stratégique des centres E.Leclerc, le vol à l’étalage « n’est pas un sujet ». « Il y a toujours eu des actes d’incivilité, mais ça ne nous remonte pas comme un sujet », a-t-il déclaré début mars sur France Info. Selon lui, « c’est marginal dans la société française ».